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A quand un droit de l’homme à l’eau…

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A quand un droit de l’homme à l’eau…

A quand un droit de l’homme à l’eau…

Dans une publication par Henri Smets, membre de l’Académie de l’Eau, parue dans le numéro 372 de la revue l'Eau, l'Industrie, les Nuisances (05/2014), la question du droit fondamental à l’eau pour tous se pose en France.

En effet, pour que le droit à l’eau que tout le monde reconnaît, mériterait d’être mieux défini car aujourd’hui, malgré les différents textes en vigueur, il reste un droit largement fictif, un droit de l’homme sans définition, un droit social sans obligations précises, et pour reprendre les termes du député Jean-Paul Chanteguet, Président de la Commission du développement durable, qui estimait que « le droit à l’eau est un droit pour tous... sauf pour les pauvres ». C’est donc dans ce cadre que l’Académie de l’Eau a élaboré un texte fondateur afin de permettre à chacun de disposer d’un accès à l’eau sans discrimination, sans difficultés particulières d’accessibilité et dans des conditions compatibles avec ses ressources.

C’est aussi parce qu’il manque une loi sur le droit de l’homme à l’eau qui reprendrait la partie principale de la PPL n° 1375 mais pas certaines modalités de mise en œuvre. Cette loi confirmerait que le droit à l’eau est un droit de l’homme, elle décrirait ce que signifie précisément le droit à l’eau potable et à l’assainissement. Elle expliciterait ce que collectivités devraient faire au bénéfice de ceux qui n’ont pas de branchement à l’eau ou de ceux pour qui le tarif municipal de l’eau est source de difficultés économiques.

En septembre 2013, Jean Glavany et cinq autres députés représentant l’UDI, le PRG, le PS, le Front de Gauche et EELV ont déposé à l’Assemblée nationale une Proposition de loi en faveur de la mise en œuvre effective du droit à l’eau (PPL intergroupe n° 1375). Le député Michel Lesage a été nommé Rapporteur pour ce texte et a entamé les auditions.

Cette proposition de loi prend en compte une proposition déposée en 2012 par la députée M.G.Buffet (PPL n° 121) ainsi que les propositions de plusieurs ONG (OBUSASS, France Libertés et Coalition Eau). Elle vise à créer le droit à une aide pour l’eau égale au montant du dépassement éventuel des dépenses d’eau pour les besoins essentiels au-delà de 3 % des ressources disponibles de l’usager.

Portée par le député Glavany et soutenue par les ONG, cette proposition n’a toutefois reçu des professionnels de l’eau, des distributeurs publics ou privés, qu’un accueil « nuancé ». Ils sont favorables au droit à l’eau mais ils ne souhaitent pas rouvrir les débats avant la fin de la période d’expérimentation sur des questions traitées dans la loi « Brottes » (n° 2013-312). Ils sont pour le droit à l’eau mais pas pour des taxes nouvelles sur l’eau en vue de financer les aides pour l’eau. Si l’on suivait cette approche, l’avenir du droit de l’homme à l’eau ne se déciderait pas au mieux avant 2018, c’est-à-dire au cours de la prochaine législature.

La PPL n° 1375 fait l’objet de débats et sera très certainement amendée avant son adoption. D’ailleurs, ses auteurs, au moment même de son dépôt, ont affirmé « la volonté d’amender tel ou tel point ». La PPL devrait être rédigée de sorte à être conforme à l’article 40 de la Constitution qui n’autorise pas les PPL qui augmentent les charges publiques. Elle pourrait offrir plus de marges de manœuvre aux collectivités et ne devrait pas impliquer des dépenses significatives. Les modalités de mise en ouvre devraient être ajustées en fonction du choix de la source de financement, choix qui reste à faire.

Pour devenir plus acceptable, la proposition de loi sur le droit à l’eau devrait sans doute être moins ambitieuse et se concentrer sur un petit nombre d’éléments nouveaux en évitant les questions traitées dans la loi « Brottes ».

Le droit à l’eau que tout le monde reconnaît, mériterait d’être mieux défini car aujourd’hui, malgré les différentes lois en vigueur, il reste un droit largement fictif, un droit de l’homme sans définition, un droit social sans obligations précises.

Des dispositions législatives nouvelles sont nécessaires sans tarder pour permettre la mise en œuvre effective du droit à l’eau en France.

a) La France a reconnu officiellement et à plusieurs reprises depuis 2010 au niveau international le droit à l’eau en tant que droit de l’homme mais n’a pris aucune mesure pour faire reconnaître ce droit comme un droit de l’Homme dans son ordre juridique interne.

b) La loi LEMA de 2006 avait créé un droit d’accès à l’eau à un prix abordable mais le prix abordable n’est toujours pas défini.

c) Le Code de l’action sociale et des familles avait ouvert un droit à une aide pour l’eau des plus démunis mais ne fournit pas les critères pour identifier les bénéficiaires. Dès lors, le montant des aides distribuées pour payer l’eau varie très largement selon le lieu où habite l’usager.

d) Alors que les municipalités ont de grandes responsabilités en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, elles ne peuvent pas subventionner les actions des services de l’eau pour rendre l’eau plus abordable pour les plus déshérités.

Il manque une loi sur le droit de l’Homme à l’eau qui reprendrait la partie principale de la PPL n° 1375 mais pas certaines modalités de mise en œuvre. Cette loi confirmerait que le droit à l’eau est un droit de l’homme, elle décrirait ce que signifie précisément le droit à l’eau potable et à l’assainissement. Elle expliciterait ce que collectivités devraient faire au bénéfice de ceux qui n’ont pas de branchement à l’eau ou de ceux pour qui le tarif municipal de l’eau est source de difficultés économiques.

Elle viserait à limiter les dépenses d’eau et d’assainissement pour des besoins essentiels des ménages à environ 3 % des ressources de ces ménages.

Elle autoriserait les financements publics des mesures sociales prises pour l’accès à l’eau et encouragerait les subventions pour promouvoir les actions de solidarité pour l’eau et les mesures d’économie d’eau. Elle ferait appel à des systèmes peu coûteux d’aide préventive ou de tarification sociale choisis par chaque collectivité en fonction de la réalité locale.

Plus limitée dans sa portée, cette loi n’induirait qu’une dépense faible. Elle pourrait être proposée en se fondant sur la PPL n° 1375 et pourrait bénéficier, avec l’accord du Gouvernement, d’une augmentation d’une taxe existante, par exemple la taxe sur les eaux embouteillées. Cette taxe pourrait également apporter un soutien particulier aux municipalités qui ont des besoins particulièrement importants d’aide pour l’eau du fait de la taille de leur population démunie ou mal desservie.

Une fois adoptée, cette loi réduirait l’incidence de la dépense d’eau de plus d’un million de ménages qui sont actuellement soumis à des prix de l’eau excessifs au regard de leurs ressources. Elle viserait aussi à « garantir aux personnes exclues du service de l’eau un accès à l’eau potable pour leurs besoins vitaux » (Jean Launay, Président du Comité National de l’Eau).

À titre d’exemple, l’Académie de l’Eau a proposé un texte simple de nature à réunir l’assentiment général. Ce texte, peut être consulté par tous sur le site internet de l’Académie de l’Eau à l’adresse : http://academie-eau.org/ fr/droit_de_l_eau-73.html

Il cherche à améliorer l’accès à l’eau pour les plus défavorisés et traite de questions importantes non couvertes par la loi « Brottes », tout en laissant une large autonomie aux collectivités sur le choix des moyens de mise en œuvre.

Comme chacun peut le constater, l’incidence économique éventuelle de ces propositions est très limitée (à peine 0,5 % du prix de l’eau) et serait bien inférieure à l’effet de l’augmentation de la TVA sur l’assainissement.

Que penser de ses dispositions législatives ? Sont-elles souhaitables ? Font-elles double emploi ? Sont-elles trop timides ou à l’inverse trop ambitieuses ? Faut-il en préciser la portée ?

Le débat est ouvert pour permettre à « chacun de disposer d’un accès sans discrimination, sans difficultés particulières d’ac- cessibilité et dans des conditions compatibles avec ses ressources à un approvisionnement suffisant d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques ainsi que, dans tous les domaines de la vie, à un assainissement qui soit sans risque, hygiénique, sûr et acceptable, qui préserve l’intimité et qui garantisse la dignité. » (définition proposée du droit à l’eau)

A quand un droit de l’homme à l’eau…

Peut-on fournir une aide pour l’eau à Aubervilliers?

Aubervilliers (93) est l’une des communes françaises ayant la plus grande proportion de ménages démunis. 64 % des foyers (26332) sont non imposables. La ville comporte 42 % de logements sociaux. 11 % de la population est bénéficiaire de la CMU-C, 4.6 % de l’AME. 7,3 % de la population est allocataire du RSA socle. Plus de 10000 ménages (39 %) se situent sous la barre de 60 % du revenu médian.

Sur la base d’un prix de 22 €/an plus 3,89 €/m3, une personne seule consommant 48 m3/an pour ses besoins essentiels dépenserait 208 € par an (eau et assainissement). Si elle disposait du RSA Socle comme seules ressources (499 €/mois), elle consacrerait à l’eau 3,5 % de ses ressources. Pour ramener la dépense d’eau à 3 % de ses ressources (177 €/an), il faudrait lui attribuer une aide préventive pour l’eau de 31 €/ an. Ce montant, assez faible, ne supporte pas d’être associé à des procédures d’attribution coûteuses.

Si cette aide était attribuée à 15 % de la population d’Aubervilliers et était prise en charge par l’ensemble des autres 85 % de la population (solidarité au niveau municipal), elle impliquerait pour ce second groupe l’équivalent d’une hausse de prix de la facture d’eau de 2,6 % (5,47 €/ an). Cette variation de prix ne devrait pas causer de problèmes. En effet, un habitant de la commune proche de Bagnolet paye 0,10 €/m3 de plus, soit 4,80 €/an de plus que celui d’Aubervilliers. Une meilleure solution serait bien évidemment de financer l’aide préventive par mutualisation dans toute l’Ile-de-France. En attendant, Aubervilliers pourrait envisager de fournir une aide pour l’eau à une part significative de sa population démunie. Les montants en cause sont finalement assez faibles et pourraient être aisément associés à l’aide au logement. L’important consiste à prévoir une allocation eau qui soit perçue comme étant un droit par les plus démunis et à la distribuer par une procédure automatique peu coûteuse et non-discriminatoire. Le chèque eau qui a été mis en place dans le cadre du SEDIF-Veolia IDF est un premier pas très intéressant. Cette initiative mériterait d’être généralisée de telle manière à apporter une aide préventive pour l’eau à un plus grand nombre de ménages démunis.

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