Dans l'UE, l'écart entre la hausse des prix de l'énergie et l'augmentation des revenus ne cesse de se creuser
Le Comité des régions de l’Union Européenne (CdR), organe consultatif qui représente les autorités régionales et locales au sein de l’Union européenne, a publié un avis sur le coût de l’énergie et a établi une liste dans laquelle 41 recommandations sont proposées pour lutter contre la précarité énergétique de plus en plus croissante.
1. constate qu'à l'heure actuelle, la pauvreté énergétique frappe déjà une grande partie de la population européenne et insiste sur la nécessité de prendre des mesures efficaces à court, à moyen et à long termes pour endiguer et atténuer ce phénomène, qui a une incidence directe sur la santé publique et la qualité de vie des personnes;
2. fait observer que l'écart entre la hausse des prix de l'énergie et l'augmentation des revenus ne cesse de se creuser et souligne que cette situation risque de favoriser une propagation continue de la pauvreté énergétique, et ce dans l'ensemble des États membres de l'UE;
3. demande dès lors de prendre des mesures ayant une portée tant à court terme (aide d'urgence en situation extrême, par exemple) qu'à moyen et à long termes (actions en faveur de l'efficacité énergétique, mesures d'économie d'énergie, passage à des systèmes énergétiques durables, production locale d'énergie renouvelable, optimisation des besoins de déplacements, etc.);
4. constate que dans les débats européens, la notion de pauvreté énergétique est bien souvent réduite au problème plus restreint du chauffage. Pourtant, la pauvreté énergétique est un concept plus large, dans la mesure où l'énergie nécessaire pour les communications, la mobilité et l'hygiène, qui sont indispensables à la vie sociale, doit aussi rester abordable. Les familles et les ménages sont accablés par des factures énergétiques de plus en plus lourdes alors que leurs revenus s'amenuisent, ce qui les place dans l'impossibilité de chauffer correctement leur logement, les amène à opter pour des sources d'énergie de qualité inférieure, souvent nocives pour la santé ou l'environnement, ou les contraint à l'endettement et limite leur possibilité de déplacements;
5. estime que la pauvreté énergétique doit être vue en premier lieu comme un aspect de la pauvreté en général et traitée principalement par des politiques des États membres et de l'UE en matière d'emploi, d'affaires sociales, de compétitivité, de développement régional et de cohésion et que des mesures adéquates doivent être prévues à cet égard en concertation avec l'échelon européen. Toutefois, étant donné que l'UE partage des compétences avec les États membres dans le secteur de l'énergie et adopte également des mesures de politique dans d'autres domaines (marché unique, changement climatique, etc.) qui ont une incidence sur les prix de l'énergie et l'accès à celle-ci, aborder de manière spécifique la pauvreté énergétique dans le cadre de la politique énergétique présente de nombreux avantages.
Pour assurer un approvisionnement énergétique abordable, l'UE doit tout d'abord garantir que l'offre sur le marché de l'énergie soit suffisante, lutter contre la formation et les abus de positions de monopole et faire en sorte que les instruments de la transition énergétique soient d'un bon rapport coût-efficacité. Le Comité des régions souligne qu'une politique énergétique et environnementale européenne efficace est tout à fait compatible avec une politique industrielle résolue et avec la compétitivité internationale des entreprises européennes;
Un manifeste pour produire l'énergie renouvelable à proximité des lieux de consommation en circuit court
6. est d'avis, dès lors, qu'il est nécessaire d'élaborer au niveau de l'UE une définition de la «pauvreté énergétique», afin que le problème soit mieux reconnu au niveau politique, d'une part, et que la sécurité juridique des mesures de lutte contre la pauvreté énergétique soit garantie, d'autre part; étant donné la diversité des situations dans les États membres et leurs régions, cette définition devrait être suffisamment souple pour tenir compte des différents systèmes énergétiques, niveaux de revenus et structures sociales qui existent dans l'UE;
7. dans ce contexte, suggère de prendre pour base de discussion l'introduction d'une définition quantitative de la pauvreté énergétique, caractérisée par exemple par un plafond européen de la part du revenu consacrée par un ménage à ses dépenses d'énergie; une telle définition pourrait reposer sur d'autres critères, comme par exemple un «droit d'accès aux services énergétiques appropriés», ou un plafond pour le «logement décent»;
8. observe qu'à ce jour, en dépit des pressions exercées en ce sens par le Parlement européen, le Comité économique et social européen et d'autres parties prenantes, la Commission européenne n'a pas suffisamment considéré la pauvreté énergétique comme un défi politique d'importance;
9. souligne que les facteurs de risque directs de la pauvreté énergétique résident d'une part dans le faible niveau de revenus et de protection sociale (en particulier dans les nouveaux États membres), et résultent d'autre part des mesures d'austérité (notamment dans les pays du Sud de l'Europe). L'un des facteurs de risque indirects de la progression de la pauvreté énergétique repose également dans le décalage entre la hausse des prix de l'énergie et l'augmentation des revenus des ménages. La première étant en moyenne supérieure à la seconde, les victimes de la pauvreté énergétique sont de plus en plus nombreuses;
10. appelle dès lors l'UE à prendre sans délai des mesures pour aider les économies régionales les plus vulnérables, notamment dans les régions en phase de convergence, à surmonter les difficultés inhérentes à la forte hausse des prix de l'énergie sur fond de très faible croissance, de stagnation voire de baisse des revenus de larges couches de la population;
11. dans ce contexte, appelle à achever le marché intérieur de l'énergie qui vise à garantir un approvisionnement énergétique sûr et durable et à maintenir les prix au niveau le plus bas possible; il est nécessaire d'investir davantage dans les réseaux de distribution, les infrastructures de transmission, les interconnexions et le développement de réseaux intelligents;
12. fait remarquer qu'il y a lieu, dans ce contexte, de développer et de commercialiser les énergies renouvelables de la manière la plus efficace possible au regard des coûts. Dans le cas où des quotas contraignants sont fixés pour les énergies renouvelables, les fournisseurs d'énergie devraient pouvoir décider eux-mêmes des modalités d'investissement de leurs fonds dans l'énergie éolienne et solaire, la biomasse ou d'autres ressources. Les entreprises municipales de distribution doivent elles aussi pouvoir choisir, pour leur énergie propre, la solution qu'elles estiment économiquement la plus avantageuse. Par ailleurs, la création de coopératives ou d'autres organisations de forme comparable en vue de produire de l'énergie renouvelable est par exemple un bon moyen de placer les besoins des consommateurs au centre des préoccupations;
13. est d'avis qu'à l'avenir, les aides accordées au titre des Fonds structurels européens dans le domaine de l'énergie devraient bénéficier en priorité aux projets qui réduisent le recours aux combustibles fossiles et nucléaires et favorisent le passage à d'autres sources d'énergie, ainsi que viser à enrayer la pauvreté énergétique, et appelle la Commission européenne à tenir compte de ces objectifs lors de la conception des programmes concernés;
14. plaide dès lors pour une politique contribuant à diminuer les coûts de l'énergie en améliorant l'efficacité énergétique et en réorientant l'approvisionnement énergétique vers des sources d'énergie plus décentralisées.
15. estime que lors de la planification de l'allocation des Fonds structurels, il convient de tenir compte non seulement des ménages mais aussi des secteurs consommateurs plus vulnérables;
Il faut relever de front les défis sociaux et de politique climatique, au lieu de s'obstiner à subventionner les énergies fossiles.
16. attire l'attention sur le fait qu'au-delà des incidences sur le climat, la question de l'énergie abordable devient peu à peu une nouvelle priorité politique à l'échelle mondiale. À cet égard, les moyens financiers requis par le développement des énergies renouvelables et la demande d'une énergie abordable sont à première vue en contradiction apparente;
17. fait toutefois observer que les coûts sociaux et environnementaux (directs et induits) des combustibles fossiles et de l'énergie nucléaire surpassent de loin tous les autres coûts énergétiques. Or ces coûts, dans leur grande majorité, ne se répercutent ni sur les marchés ni sur les prix;
18. signale que les nombreux avantages des réseaux de distribution intelligents combinant diverses sources d'énergie renouvelables, la gestion de la demande d'énergie renouvelable et les investissements en faveur de l'efficacité énergétique ne reçoivent pas encore des responsables politiques européens ni des États membres toute l'attention qu'ils méritent;
19. souligne qu'il n'y aucune raison d'opposer les citoyens frappés par la pauvreté énergétique et les autres consommateurs d'énergie; il n'existe pas d'antinomie insurmontable entre le soutien aux sources d'énergie renouvelables et la lutte contre la pauvreté énergétique; bien au contraire, les deux types de mesures sont complémentaires;
20. prend acte des considérations de la Commission européenne sur les éléments qui ont une incidence sur les prix de l'énergie dans l'UE et constate qu'un certain nombre de facteurs contribuent au problème de l'accessibilité économique de l'énergie. En tout état de cause, il est clair que les investissements en faveur de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables à l'échelon local et régional peuvent permettre de créer des emplois et de réduire la pauvreté énergétique, à moyen terme en tout cas;
Ampleur de la pauvreté énergétique
21. observe avec inquiétude qu'entre 2005 et 2011, les prix de l'électricité pour les ménages et l'industrie ont grimpé en moyenne de 29 % dans l'UE. Au cours de la même période, les États-Unis n'ont connu pour leur part qu'une augmentation de 5 %, et le Japon d'1 % à peine. Le Comité note qu'au cours de la même période, le prix du baril de pétrole a doublé sur les marchés internationaux, et qu'il a été multiplié par quatre entre 2001 et 2011;
22. tient à souligner que les nouveaux États membres et les pays du sud de l'Europe ébranlés par la crise sont particulièrement menacés par une progression de la pauvreté énergétique. En raison de l'écart de plus en plus important entre l'augmentation des revenus et celle des prix de l'énergie, de la progression de la pauvreté en général, et de l'absence initiale de mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique d'un parc de logements se délabrant rapidement et des infrastructures énergétiques, le problème de la pauvreté énergétique a désormais gagné de larges pans de la population;
23. souligne dans ce contexte qu'entre 50 et 125 millions de personnes sont touchées par la pauvreté énergétique en Europe. En Bulgarie, au Portugal, en Lituanie, en Roumanie, à Chypre, en Lettonie et à Malte, 30 % des citoyens se trouvent déjà dans l'impossibilité de chauffer correctement leur logement et doivent régler des factures énergétiques démesurées. En Grèce, en Pologne, en Italie, en Hongrie et en Espagne, 20 % de la population est désormais confrontée aux mêmes problèmes. En raison de la forte montée des prix de l'énergie (au regard de la progression des revenus), il y a tout lieu de redouter que la pauvreté énergétique ne se propage davantage au sein de la population, et ce dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne;
24. reconnaît dès lors que la pauvreté énergétique constitue un indicateur de privation matérielle qu'il est possible de mesurer, dans le cadre d'enquêtes sur le revenu, l'inclusion sociale et les conditions de vie en demandant par exemple aux personnes sondées si elles sont en mesure de chauffer correctement leur logement lorsqu'il s'avère nécessaire de le faire (Eurostat, 2012) et d'assurer leurs besoins de déplacements;
25. se félicite dès lors que dans les directives 2009/72/CE et 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et pour le marché intérieur du gaz naturel, les États membres soient notamment invités à définir la notion de «clients vulnérables». Afin de pouvoir évaluer de manière optimale la situation de pauvreté énergétique en Europe, le Comité économique et social européen (CESE) a pour sa part proposé d'élaborer une définition uniforme de la pauvreté énergétique au niveau européen et d'harmoniser les statistiques existant en la matière;
26. souscrit également au constat selon lequel le nombre de ménages en situation de pauvreté énergétique est susceptible de croître et propose de contraindre les États membres à s'acquitter de leur obligation d'établir une définition des clients vulnérables;
Participation de l'échelon local et régional
27. rappelle que les collectivités locales et régionales ont également pour mission de conseiller les habitants de manière impartiale sur les moyens d'améliorer l'efficacité énergétique de leur logement. Cette mesure favorise la création d'emplois dans les secteurs liés à la construction en réorientant leurs activités vers la rénovation énergétique du parc immobilier existant, permettant ainsi de diminuer les taux de pauvreté énergétique, de réduire à un minimum les émissions de CO2 et de promouvoir l'innovation technologique;
28. est également conscient qu'au vu des grandes disparités sociales et géographiques existant en matière de pauvreté énergétique dans l'UE, l'idéal en l'occurrence est de mettre en œuvre les mesures au niveau local.
29. fait remarquer que l'étude du risque de pauvreté énergétique fournit un tableau bien plus révélateur des inégalités sociales en Europe lorsqu'elle est réalisée au niveau régional plutôt que national. Si l'on raisonne en parités de pouvoir d'achat (PPA), compte tenu des différents niveaux de prix, 100 kWh d'électricité reviennent en moyenne à 17,07 PPA en Bulgarie, contre 15,37 PPA au Royaume-Uni. L'écart entre le Sud et le Nord, entre l'Est et l'Ouest de l'Union européenne existait déjà avant la crise de 2005, mais il s'est encore aggravé depuis lors;
30. souligne que l'aide destinée à améliorer l'efficacité énergétique des habitations revêt une importance fondamentale tant pour l'éradication de la pauvreté en général que pour la lutte contre le changement climatique. Les ménages disposant de logements performants sur le plan énergétique seraient de surcroît mieux armés contre de futures hausses du prix de l'énergie;
31. juge nécessaire de promouvoir au niveau local et régional des campagnes d'information et de sensibilisation bénéficiant du soutien approprié des institutions européennes, afin d'encourager les citoyens à adopter des habitudes de nature à contribuer à l'économie d'énergie;
32. attire l'attention sur l'impact du coût de l'énergie nécessaire aux déplacements, qui est aussi un facteur de précarité énergétique et qui doit conduire à une politique de gestion du territoire à long terme visant à réduire ces besoins de déplacements et à offrir, lorsque c'est possible, des modes de déplacements moins énergivores;
Une approche consommateur plus claire dans la mise en œuvre de la politique énergétique
33. invite dès lors l'UE à faire en sorte que les initiatives de marché comportant un risque d'exploitation des consommateurs d'énergie vulnérables s'accompagnent systématiquement de mesures de politique sociale aux échelons local, régional et national permettant de limiter autant que possible les contributions, redevances et taxes tout au long de la chaîne de valeur reliant le producteur au consommateur final d'énergie et de réduire ainsi les prix de l'énergie au minimum;
34. appelle à ne pas imposer non plus de prix fantaisistes aux consommateurs en exigeant une redevance pour les énergies renouvelables, d'autant que bien souvent, le réseau n'est alimenté par aucune énergie de ce type. Les consommateurs ne devraient pas non plus être contraints de compenser les manques à gagner que subissent les industries énergivores notamment lorsqu'il y a lieu de diminuer la production d'énergie pour protéger les infrastructures de réseau;
La demande de ne pas couper les consommateurs vulnérables de l'approvisionnement énergétique implique de prendre les mesures suivantes:
35. propose dès lors de mettre en œuvre des programmes d'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments à l'intention des consommateurs vulnérables afin d'alléger durablement la charge financière que représente le poste énergétique (en établissant un plan de financement pour la modernisation des technologies utilisées dans les systèmes de chauffage urbain et de tous les éléments produisant ou transformant n'importe quelle source d'énergie en chaleur, ou pour l'amélioration de l'isolation des bâtiments, par exemple). Ces programmes devraient aller de pair avec le soutien aux installations de production d'énergie principalement destinée à la consommation propre (installations utilisant l'énergie solaire thermique pour la production d'eau chaude sanitaire, petites installations photovoltaïques pour la production de courant électrique). En plus de réduire la demande d'énergie, cette démarche permettrait de garantir la production d'énergie renouvelable, qui diminue la dépendance vis-à-vis d'énergies fossiles généralement importées;
36. suggère de mettre en œuvre rapidement des programmes de conseil en énergie et d'appui aux mesures d'efficacité énergétique peu onéreuses mais opérantes (adaptation des comportements, utilisation d'appareils performants sur le plan énergétique, calfeutrage des fenêtres et des portes) et de prévoir un accompagnement spécifique à destination des ménages en situation de pauvreté énergétique;
37. souligne qu'il convient de viser à ce que l'accès aux énergies renouvelables produites au moyen d'installations d'autoproduction d'énergie, qu'elles soient individuelles, collectives ou régionales, soit plus aisé et moins onéreux que les énergies importées. Il y a lieu de prévoir un cadre juridique général qui garantirait la possibilité d'exploiter localement les projets de production d'énergie lancés et réalisés par les habitants d'une région en permettant à la population d'en bénéficier;
38. demande d'octroyer aux ménages en situation de pauvreté énergétique (c'est-à-dire contraints de consacrer plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d'électricité et de chauffage) une aide sociale; qui devrait toutefois aller de pair avec le soutien à l'amélioration de l'efficacité énergétique.
39. propose en outre de mettre en œuvre d'autres mesures de soutien (comme l'instauration de tarifs minimaux «de survie» ou «lifeline tariffs»), permettant d'éviter aux petits consommateurs démunis de subir un traitement financièrement désavantageux, au moins pour la satisfaction des besoins essentiels en énergie;
40. est favorable au plafonnement des hausses de prix de l'énergie en vue de maintenir les prix de l'énergie thermique à un niveau inférieur à celui des énergies fossiles, de manière à accélérer, s'agissant du chauffage, le passage des chaudières à gaz, à mazout ou à charbon à des unités de cogénération, des installations locales de combustion de la biomasse ou des pompes à chaleur à haut rendement fonctionnant toutes à l'aide d'énergie renouvelable produite au niveau régional;
41. est d'avis que les États membres devraient prévoir des mesures permettant d'exempter les personnes à faibles revenus des taxes sur l'énergie ou de n'exercer sur celles-ci qu'une pression fiscale infime, en s'inspirant de l'allégement de la charge fiscale sur le travail.