Un signal réglementaire afin d’impulser la rénovation thermique
Fruit d’une réflexion issue du diagnostic de la Cour des comptes sur la mise en œuvre du Paquet énergie-climat par la France dont les conclusions révèlent l’absence d’une vision d’ensemble, des défaillances au niveau du pilotage, et des difficultés d’évaluation, le think-tank pour la transition carbone, « The Shift Project », estime que l’amélioration des performances énergétiques de l’habitat existant doit passer par un signal réglementaire.
Partant du constat établi par la Cour des comptes sur le dispositif français concernant son Paquet énergie-climat, le Think-tank ‘’Shift’’ a remis ses propositions en matière de performance énergétique des bâtiments au gouvernement en partageant les conclusions de la Cour des comptes notamment sur le manque d’efficacité de la politique de soutien à la rénovation thermique de la filière bâtiment. Le Think-tank ‘’Shift’’ qui regroupe notamment plusieurs partenaires dont , a émis également de sérieuses réserves sur les hypothèses « irréalistes » que le gouvernement continue de mettre en avant. Le chiffre avancé de « 900 000 rénovations lourdes par an de 2013 à 2020, alors que le Grenelle de l’environnement tablait sur 400 000 ». Ainsi pour le Think-tank, cela lui semble parfaitement illusoire compte-tenu des mesures actuelles qui ont permis au mieux d’atteindre le chiffre de 135 000 en 2010. Les mesures prises dernièrement ont surtout produit un effet d’aubaine ; la plupart des travaux réalisés l’auraient été dans tous les cas, rajoute le ‘’Shift’’
De plus, s’agissant des dispositifs d’aide, le Think-tank estime que la mise en oeuvre de l’Eco-PTZ et du CIDD n’a permis de structurer le marché de l’offre de rénovation ni de manière pérenne, ni au niveau des performances idoines. En outre les changements successifs apportés au CIDD ont renforcé un sentiment d’instabilité de cette politique et la défiance des acteurs vis-à-vis de ce marché. Les conclusions du rapport de la Cour des comptes renforcent notre conviction que seule une politique de rupture basée sur un signal réglementaire clair et organisé sur une période longue pourra permettre d’atteindre les objectifs souhaités.
Ce Think-tank a donc formulé 6 grandes propositions :
1. 2013 – 2050 : Rénovation du parc existant par échéances de mise en conformité progressives
Pour créer une dynamique forte, pérenne, massive de rénovation thermique, il faut s’appuyer sur deux éléments indissociables : d’une part, un signal réglementaire qui oriente la réflexion et la décision du propriétaire, d’autre part, le réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux. Nous proposons de créer des échéances de mise en conformité des logements en situation de mutation de propriétaires, qui concerneront d’abord les logements les plus énergivores (avec un délai de cinq ans entre l’adoption de la mesure et la première année de son application), puis, progressivement, les logements de meilleure performance énergétique, jusqu’à ce qu'en 2050 – en quelques décennies – l’ensemble du parc soit rénové au meilleur niveau accessible (classe C ou B du DPE actuel). La rénovation pourra, bien sûr, se faire par étape.
L’objectif de ce programme est de conduire les propriétaires à anticiper l’échéance de mise en conformité. Ainsi, les 3 millions de gestes de rénovation, réalisés chaque année par les ménages, pourraient s’inscrire dans une logique forte de baisse de consommation d’énergie de chauffage.
2. Actualiser la Réglementation Thermique (RT globale) des bâtiments existants
Le niveau d’exigence est trop faible. Nous proposons de renforcer les exigences et de la rendre applicable a toutes les catégories de logement (maison individuelle, copropriété, logement collectif privé ou social, tertiaire), et nous avons établi des critères pour préciser le périmètre de son application (caractère énergivore du bien, vente, réalisation d’un audit, etc.).
3. Réaffecter les financements publics et enclencher des mécanismes pérennes de financements
Les aides financières doivent palier le fait que la rénovation thermique est impérative du point de vue de la collectivité mais peu rentable pour le propriétaire au regard des prix actuels de l’énergie.
Environ 1 milliard d’euros d’argent public sont actuellement consacrés à financer des gestes dont la plupart sont en l’état soit des effets d’aubaine, soit d’un faible impact sur la performance énergétique du bâtiment.
Nous pensons qu’il faut orienter les subventions publiques pour enclencher une dynamique de financement plus large vers les projets dont la rentabilité écologique est avérée, mais pas vers ceux qui sont déjà rentables en soi pour les propriétaires.
4. Structurer l’offre et adapter la filière professionnelle
Le déclenchement de travaux de rénovation thermique devra devenir un réflexe chez les propriétaires dès que les artisans de tous les corps de métiers (plombiers, chauffagistes, électriciens, couvreurs, plaquistes, menuisiers etc.) auront structuré une offre désirable. Pour éviter à des particuliers, qui souvent n’en ont ni le temps ni les compétences, de devenir maitre d’œuvre de fait, les artisans devraient se rassembler au sein de groupements, proposant en une seule fois l’ensemble des travaux à réaliser, avec un interlocuteur unique pour le client.
Après une formation adaptée, ces groupements seront agréés et qualifiés, pour donner confiance aux particuliers. Les financements publics doivent être conditionnés au recours
à ces artisans. Si des subventions ont été accordées, des contrôles aléatoires post-travaux seront effectués pour vérifier la performance effective du bâtiment et les bonnes pratiques des artisans.
Afin d’éviter les dérives, nous proposons la création d’un observatoire sur le prix des travaux (matériaux, performance mise en œuvre). Enfin, il est impératif de mettre sur pied une campagne de communication importante à destination du grand public pour valoriser le métier de « rénovateur thermique ».
5. Accompagner les ménages
À l’image d’autres causes nationales, nous suggérons de lancer une campagne massive d’information et de pédagogie. Les particuliers ont également besoin d’un guichet unique d’information et de financement, proposant les mêmes services partout en France.
Les bâtiments dont les occupants sont en condition de précarité énergétique (propriétaires ou locataires) doivent faire l’objet d’un plan de mesures spécifiques et ne pas être l’éternel prétexte pour ne rien faire.
Un « Passeport rénovation thermique du logement » renforçant le DPE, effectué par des acteurs qualifiés, comportant les combinaisons de travaux de performance prédéterminée à réaliser et les étapes possibles retracera toutes les évolutions d’un bâtiment pour en faciliter les travaux futurs. Il accompagnera le bâtiment sur sa durée de vie.
6. Doter le pays d’outils de mesure, de statistique et d’étude
Les statistiques actuellement disponibles sur le parc rendent difficiles le croisement entre les caractéristiques socio-économiques des habitants et la performance thermique, ce qui empêche de développer des politiques ciblées et efficaces. Nous proposons d’y remédier par la création de tels outils de mesure ou de regrouper les différents outils déjà existants pour en tirer l’ensemble des enseignements nécessaires pour suivre les effets du plan et le faire évoluer si besoin.
Enfin, sur le volet de la mobilité, là aussi le Think-tank reprend les conclusions du rapport de la Cour des comptes estimant que la politique énergétique dans le domaine des transports est insuffisante, secteur pourtant responsable de 28 % des émissions de GES dont 95 % sont liées à la route. Le ‘’Shift’’ estime donc qu’une « nouvelle organisation de la mobilité, de l’aménagement et l’espace et du bâti, [des] les circuits reliant les lieux de production et de consommation » ne peut attendre. Cela constitue véritablement une « mise en cause des modèles culturels […] de mobilité, de logement et d’urbanisme » , qui nécessite « le concours de tous […] à l’invention d’un nouveau modèle de société ». C’est fort de ce diagnostic partagé que le Shift souhaite fédérer les acteurs du secteur pour proposer des solutions de réduction de la dépendance aux énergies fossiles des ménages périurbains. L’objectif est double : favoriser l’émergence d’une économie décarbonée et lutter contre la précarité énergétique.