Abrogation des tarifs bonifiés issus du photovoltaïque
Parce que la mesure est jugée contraire au droit européen, le gouvernement a donc présenté un projet d’arrêté visant à abroger l’arrêté du 7 janvier 2013 introduisant une majoration du tarif d’achat photovoltaïque au profit des installations solaires dont les composants étaient originaires de l’Espace Economique Européen. Cette majoration était de 5% ou de 10% en fonction du nombre d’étapes de fabrication réalisées sur le territoire de l’Espace Economique Européen. Cette mesure a été instituée par Delphine Batho, alors ministre de l'Ecologie, qui avait indiqué "des mesures d'urgence (…) pour mettre un coup d'arrêt aux destructions d'emploi et soutenir la filière photovoltaïque dans l'attente des conclusions du débat sur la transition énergétique’’.
Courant mars 2013, la Commission européenne a interpellé les autorités françaises sur la conformité de cet arrêté par rapport au droit de l’Union européenne et les a conviés à faire part de leurs examens sur son analyse. En septembre 2013, la Commission européenne a mis en demeure la France afin qu’elle retire l’arrêté du 7 janvier 2013 considérant que le dispositif de majoration tarifaire constituait une entrave injustifiée à la libre circulation des panneaux solaires légalement mis en libre pratique dans d’autres Etats membres. Des mesures jugées restrictives à l’égard de l’importation, ces dispositifs sont interdits par l’article 34 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). La Commission européenne a rajouté qu’il n’est pas démontré que cette mesure soit nécessaire pour protéger les intérêts visés à l’article 36 du TFUE, définissant les raisons d’intérêt général qui peuvent justifier ce type de mesures, dont notamment la protection de l’environnement.
Cette abrogation de la bonification tarifaire pour le photovoltaïque européen a occasionné de vives réactions delà part du Syndicat des professionnels de l’énergie solaire (Enerplan). En effet, le syndicat estime que la baisse déguisée du tarif d’achat, proposée sans concertation par le gouvernement « au nom de l’Europe », porterait un mauvais coup à toute la filière française déjà à la peine. Pour le syndicat Enerplan, il serait urgent de négocier de nouvelles mesures afin de respecter les exigences européennes sans déstabiliser le secteur.
Pour Enerplan, le gouvernement propose une baisse déguisée du tarif d’achat de l’électricité solaire de 10% en supprimant la bonification tarifaire en cas d’utilisation de « panneaux made in Europe », avec un effet rétroactif pour des milliers de français qui se sont équipés ces derniers mois. Le syndicat estime que cela est inacceptable, alors qu’il est possible de respecter les exigences de la Commission Européenne sans déstabiliser le secteur ni affaiblir l’industrie solaire française. L’abrogation sans concertation et dans la précipitation de la bonification du tarif d’achat - mesure mise en place depuis janvier 2013 - porterait un nouveau mauvais coup au secteur solaire français.
Enerplan fait deux propositions
Le projet de décret qui sera étudié par le Conseil Supérieur de l'Energie lors de sa séance du 12 mars doit être amendé pour en bannir tout effet rétroactif. Il serait injuste que des porteurs de projets (particuliers, entreprises, collectivités locales…) ayant commandé leur installation solaire sur la base d’un tarif d’achat bonifié se voient privés de ce bonus, sur lequel ils comptaient au moment de financer leur investissement.
Alors qu’il est incohérent de créer de l’insécurité juridique et économique pour les entreprises d’un secteur abimé par l’instabilité réglementaire, Enerplan demande que la mise en application cette mesure soit négociée avec les acteurs du secteur. Il est possible et indispensable d’avoir un maintien du tarif d’achat à son niveau actuel. Le marché du photovoltaïque français s’est fortement rétracté bien que soutenu par les tarifs d’achat bonifiés. Il est inenvisageable de pousser la filière dans le précipice.
Besoin d’une vision et non de coup de bâton
« Nous avons entendu le Président de la République dénoncer les turpitudes subies par la filière solaire photovoltaïque et les milliers de pertes d’emplois dues à la politique de son prédécesseur. Nous constatons avec amertume que sa politique fragilise une filière déjà mal en point. Une abrogation mal mise en oeuvre du bonus serait un nouveau coup dur inacceptable. Depuis 2012 et dans l’attente du projet de loi sur la transition énergétique, on ne peut que déplorer l’absence de visibilité préjudiciable au secteur » déclare Pierre Genin, vice-président d’Enerplan.