Un urbanisme rénové pour construire plus, mais pas n’importe ou…
Volet spécial Alur, aujourd’hui sur le Blog de l’Habitat Durable, avecl’adoption par le Parlement du projet de loi. Après le volet de l’encadrement des loyers, Alur définit un cadre juridique d’une ville plus dense et moins consommatrice d’espace et lance un réel processus de modernisation des documents d’urbanisme pour engager la transition écologique des territoires, en encourageant la densification et en donnant un coup d’arrêt à l’artificialisation des sols.
Densifier en zone urbaine, pour construire là où sont les besoins Permettre la densification des quartiers pavillonnaires
Dans les zones tendues, les quartiers pavillonnaires, très peu denses, constituent un gisement de foncier qu’il convient d’exploiter pour construire des logements, tout en contribuant au renouvellement urbain de ces quartiers et en optimisant les équipements existants.
Pour favoriser la densification des tissus pavillonnaires existants, la loi Alur supprime :
- la disposition de la loi urbanisme et habitat de 2003 qui permet au plan local d’urbanisme (PLU) de fixer une taille minimale de terrain, mécanisme qui contribuait à l’étalement urbain ;
- le coefficient d’occupation des sols (Cos) : aujourd’hui, l’éventail des outils réglementaires (règles de hauteur, de recul ou de gabarit) permet de bien mieux définir des règles concernant l’aspect extérieur des constructions, leurs dimensions et l’aménagement de leurs abords et donc de contribuer à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans le milieu environnant.
Dès l’adoption de la loi et en attendant la révision des documents d’urbanisme, les dispositions des PLU imposant une taille minimale de terrain et un coefficient d’occupation des sols ne seront plus opposables aux projets.
Pour les lotissements, la subdivision des lots sera facilitée : alors que la majorité qualifiée était requise, il lui est substituée la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement, ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie.
Préserver ou créer des espaces naturels en ville
Densifier la ville ne doit pas se faire aux dépends de la végétation, qui est un facteur clé de la qualité de vie en ville.
Pour répondre à ce risque, la loi Alur introduit un « coefficient de biotope » qui établit un ratio entre la surface favorable à la nature et la surface d’une parcelle construite ou en passe de l’être.
Le PLU pourra ainsi favoriser le maintien ou le renforcement de la biodiversité et de la nature en ville en réservant, lors d’opérations de constructions neuves, rénovées ou réhabilités, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables (sols, surfaces en pleine terre végétalisées, toitures et terrasses ou murs et façades végétalisés, surfaces alvéolées perméables, zones humides, etc.).
Moderniser le droit de préemption pour mobiliser des gisements fonciers
Le droit de préemption est fréquemment utilisé par les collectivités pour réaliser une opération d’intérêt général. Toutefois, il est souvent source de contentieux, un grand nombre de décisions de préemption (40 %) faisant l’objet d’un recours.
Pour mettre en œuvre des politiques foncières plus efficaces, le Gouvernement souhaite fixer un cadre juridique sûr au droit de préemption, permettant aux collectivités locales de faire face à leurs besoins et à leurs obligations, tout en assurant une garantie réelle des droits des propriétaires et des habitants. La loi Alur comporte ainsi notamment deux mesures qui vont :
- renforcer l’exercice du droit de préemption par le préfet, dans les 197 communes qui affichent un retard par rapport à leurs obligations de construction de logements sociaux. Malgré l’avis défavorable d’une commune, le préfet peut désormais préempter tout type d'immeubles, quel que soit leur régime de propriété, dès lors qu'ils sont affectés au logement ;
- sécuriser les modalités de mise en œuvre du droit de préemption : les intercommunalités ont la possibilité de se doter d’une zone d’aménagement différé locale, où s’applique leur droit de préemption ; les collectivités peuvent avoir plus d’information sur un bien et le visiter avant de préempter.
Coup d’arrêt à l’artificialisation des sols :
En favorisant le reclassement en zones naturelles des anciennes zones à urbaniser
Le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune prévoit une définition du territoire en quatre grands types de zonage selon la destination retenue pour chaque espace :
- zones urbaines (zones U) : déjà urbanisées et où les équipements publics ont une capacité suffisante pour desservir de nouvelles constructions ;
- zones à urbaniser (zones AU) : destinées à être ouvertes à l’urbanisation, qui se subdivisent en zones dites 1AU, constructibles et proches de réseaux (voirie, eau, assainissement, électricité) et en zones 2AU qui, à l’inverse, ne sont pas encore constructibles et distantes de ces réseaux ;
- zones agricoles (zones A) : à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ;
- zones naturelles (zones N) : à protéger en raison de la qualité des sites, de l’existence d’une exploitation forestière ou de leur caractère d’espace naturel.
On observe aujourd’hui dans les PLU un surdimensionnement des zones ouvertes à l’urbanisation, sans que cela corresponde à l’usage des terrains ni à la réalité des projets d’aménagement envisagés. Ainsi, bien souvent, sont classées 2AU des zones destinées à constituer une réserve foncière purement « théorique ». En outre, les zones 1AU sont trop souvent privilégiées pour l’accroissement d’une commune ou d’un quartier, au détriment d’une optimisation du tissu déjà urbanisé (zones U).
Pour veiller au juste dimensionnement des ouvertures à l’urbanisation, la loi Alur impose deux nouvelles dispositions :
- une collectivité qui prévoit de modifier son PLU pour urbaniser une zone 2AU doit produire une délibération motivée démontrant que cette ouverture à l’urbanisation est rendue nécessaire par un tissu urbain (zones U) qui n’offre pas d’autres possibilités pour la construction ;
- les zones classées 2AU qui n’auront fait l’objet d’aucun projet d’aménagement ou d’acquisition foncière au bout de 9 ans seront considérées comme zones naturelles ou agricoles. Elles ne pourront donc plus être ouvertes à l’urbanisation, sauf à engager une procédure de révision du PLU.
En luttant contre le mitage et protéger les espaces agricoles et naturels
Les terres autrefois dévolues à l’agriculture sont aujourd’hui grignotées par des constructions implantées dans des zones rurales ou en périphérie des agglomérations. Ce mitage s’avère coûteux en termes d’équipements, de services publics et de réseaux. Il est en outre consommateur de terres cultivables et préjudiciable à la qualité des paysages. Pour lutter contre cette pratique, certains principes limitant la constructibilité seront renforcés.
Les commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA) ont démontré toute leur utilité pour répondre à l’objectif de freiner l’artificialisation des terres agricoles. Le projet de loi Alur élargit leur champ d’intervention.
Dans les communes non couvertes par un document d’urbanisme, la possibilité existante de recourir à une délibération motivée du conseil municipal pour déroger à la règle d’inconstructibilité est davantage encadrée. Sont ainsi possibles, à titre exceptionnel, les constructions ou installations que le conseil municipal considère de l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale. Mais ces projets ne devront ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, ni entraîner un surcroît important de dépenses publiques. Ces délibérations devront être prises après avis conforme de la CDCEA.
Pour les communes couvertes par un PLU, le projet de loi prévoit de rendre exceptionnelle la possibilité d’utiliser le « pastillage », qui permet de délimiter, en zone agricole et naturelle, des secteurs de taille et de capacité limitées. Pour renforcer la maîtrise de l’urbanisation sur ces territoires, ces « pastilles » seront désormais délimitées avec l’accord du préfet et après avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.
Dans les zones agricoles, les bâtiments agricoles qui représentent un intérêt architectural ou patrimonial peuvent faire l’objet d’un changement de destination et d’une extension limitée, sous conditions qu’ils ne compromettent pas l’exploitation et après avis conforme de la CDCEA. Dans les zones naturelles, les autorisations de travaux sont soumises à l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Lutter contre l’étalement urbain :
Renforcer l’ingénierie foncière
Après les territoires industriels et en mutation, et les territoires tendus en matière de logement, le Gouvernement souhaite doter l’ensemble des territoires, autant que nécessaire, d’établissements publics fonciers (EPF) d’État et/ou locaux afin de favoriser :
- l’égalité et la solidarité des territoires, par la mise à disposition d’une ingénierie performante et la mobilisation d’une ressource fiscale mutualisée et dédiée ;
- l’impartialité dans le traitement des territoires, l’intervention des EPF étant réalisée dans le cadre de leur programme pluriannuel, qui assure la cohérence entre les orientations stratégiques ministérielles, les politiques régionales et les spécificités des territoires.
La loi Alur définit pour les EPF locaux des missions et objectifs similaires à ceux des EPF d’État, afin d’inscrire leur action au service de la production de logements, de la lutte contre l’étalement urbain et de la promotion du développement durable.
La présence de ces établissements va permettre d’apporter à l’ensemble des collectivités les compétences et l’expertise technique et financière nécessaires à la mise en œuvre d’une politique foncière efficace.
Supprimer les Pos
Pour lutter contre l’étalement urbain et améliorer la meilleure prise en compte du volet environnemental dans les politiques locales d’aménagement et de planification, il faut notamment encourager les collectivités à se doter d’un plan local d’urbanisme (PLU). Pour cela, la loi Alur met fin aux plans d’occupation des sols (Pos).
Les Pos, n’ayant fait l'objet d'aucune évolution depuis de nombreuses années et n’étant pas en révision, font souvent obstacle à la mise en œuvre de politiques nationales notamment en matière d’environnement ou de logement. Or, on trouve notamment des Pos dans des régions où les enjeux environnementaux et les tensions sur le marché du logement sont importants, en particulier l’Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La loi précise aussi qu’en l’absence de transformation en PLU au 31 décembre 2015, le Pos devient caduc et le territoire qu’il couvre se voit appliquer le règlement national d’urbanisme (RNU).
Maîtrise de l’aménagement commercial
Le développement de surfaces commerciales, notamment en périphérie des villes, est très consommateur d’espaces qui pourraient être destinés à d’autres fonctions, notamment l’habitat. Plus de 3 millions de mètres carrés de surface de vente sont autorisés chaque année, alors que les friches commerciales se multiplient du fait de l’obsolescence des implantations.
Pour mettre un coup d’arrêt au développement de friches commerciales, la loi Alur crée, pour les porteurs de projets d’équipements commerciaux, une obligation d’organiser la remise en état du terrain ou de traiter une friche.
Pour limiter la consommation d’espaces et l’imperméabilisation des sols, la superficie des parcs de stationnement des équipements commerciaux est plus strictement limitée. Le code de l’urbanisme fixe actuellement un plafond équivalent à 1,5 fois la surface bâtie. La loi Alur divise par deux ce plafond : la superficie du parking peut représenter au maximum les trois quarts de la surface du bâti. La possibilité est laissée au PLU de moduler ce ratio jusqu’à 1, pour tenir compte des circonstances locales. Les places de stationnement dédiées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables ne sont pas prises en compte dans ce ratio. Les revêtements perméables comptent pour moitié.
Depuis trois ans, les « drive », ces points de retrait permettant au client de venir retirer ses achats sans sortir de son automobile, connaissent une véritable explosion : entre janvier 2012 et février 2013, il s’est ouvert l’équivalent de 5 « drive » par jour, tandis que 87 ouvertures étaient annoncées rien que sur le mois de janvier 2013. Ce phénomène a entraîné l’implantation désordonnée d’entrepôts, loin de toute considération d’aménagement du territoire ou de développement durable.
Afin de lutter contre le mitage du territoire et de rendre aux élus la maîtrise de leur implantation, la loi Alur soumet la localisation de ces « drive » à autorisation d’exploitation commerciale. Les « drive » peuvent donc être implantés au sein des zones urbanisées, dans les zones commerciales existantes, à proximité des lieux de vie et d’activités habituellement fréquentés par les consommateurs.
Il est prévu que cette disposition s’applique aux « drive » en projet comme à ceux pour lesquels une demande d’autorisation d’urbanisme est en cours d’instruction, au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
Renforcer la loi pour mieux traiter les sols pollués
La France compte plus de 300 000 sites potentiellement pollués et plus de 4 000 présentant une pollution avérée susceptible d’engendrer des risques sanitaires importants. L’enchevêtrement et la complexité des règles actuelles engendrent une multiplication des contentieux (150 % en trois ans).
Pour permettre le recyclage maîtrisé d’anciens sites industriels en vue de satisfaire les nouveaux besoins immobiliers liés aux stratégies de renouvellement urbain et de lutte contre l’étalement urbain, la loi Alur comprend des dispositions qui vont :
- améliorer l'information des populations sur la pollution des sols et prévenir l'apparition des risques sanitaires qui y sont liés ;
- encourager l'engagement des acteurs publics et privés dans le redéploiement des friches industrielles vers un usage résidentiel dans le respect du principe pollueur-payeur ;
- opérer une clarification des responsabilités des acteurs et établir un cadre sécurisé propice à la réhabilitation des friches, dans le respect du principe pollueur-payeur, alors que l'incertitude des règles actuelles paralyse les acteurs du secteur n'ayant pas l'expérience de la gestion des sites pollués ;
- concourir au développement d'entreprises spécialisées dans le traitement des sites et sols pollués et à l'essor d'une filière économique intégrée.