Fukushima : y a-t-il un risque de contamination de l’océan et, au-delà, des écosystèmes du monde entier ?
L’ONG Greenpeace, présente sur tous les continents et tous les océans vient de faire paraître un communiqué alertant la situation à Fukushima.
Ces dernières semaines, plusieurs reportages sur l’évacuation des eaux radioactives de la centrale de Fukushima vers l’océan Pacifique ont largement circulé, suscitant intérêts et inquiétudes. La question qui sous-tend cet intérêt est simple à comprendre : y a-t-il un risque de contamination de l’océan et, au-delà, des écosystèmes du monde entier ?
Des équipes de Greenpeace travaillent sur la crise nucléaire de Fukushima depuis ses débuts, en mars 2011, et tentent de répondre, ou de proposer des réflexions pour répondre, aux préoccupations du public.
Depuis avril 2011, les experts en radiation venus de bureaux de Greenpeace du monde entier effectuent des relevés. Ils ont notamment échantillonné et testé la vie marine tout le long de la côté japonaise, en effectuant des prélèvements depuis le Rainbow Warrior, mais aussi en collaboration avec les pêcheurs japonais et les coopératives alimentaires japonaises.
Ces relevés, indépendants, sont documentés, et consultables sur la page Radiation surveys – Fukushima (analyse des radiations – Fukushima page en anglais ).
Il n’y a certes pas de biologiste marin dans cette équipe, mais un certain nombre d’experts en radiations dont les résultats et analyses sont partagés avec des universitaires et des scientifiques.
Les bonnes raisons de s’inquiéter sont nombreuses
Il y a de nombreuses raisons d’être préoccupé, voire inquiet, des répercussions continues de la catastrophe de Fukushima sur la population et l’environnement. Les fuites d’eau contaminée en provenance des réacteurs endommagés de la centrale en sont une, la question encore non résolue du stockage – fiable – des énormes volumes d’eau contaminée en est une autre, ainsi que les quantités massives de matières radioactives produites par les efforts de décontamination en cours dans la préfecture de Fukushima.
Il y également le sort de plus de 100 000 personnes évacuées. Leurs vies sont aujourd’hui entre parenthèses. Après bientôt trois ans, ils n’ont toujours pas reçu l’indemnisation qui leur permettrait de prendre un nouveau départ. Ni le gouvernement japonais, ni les entreprises privées responsables de la catastrophe ne s’en sont aujourd’hui occupés.
Beaucoup de gens ont été exposés à des niveaux significativement élevés de radiation. Des milliers de kilomètres carrés ont été contaminés par les retombées radioactives de l’accident, et le resteront pendant de nombreuses décennies.
Et puis il y a les défis encore à venir du démantèlement de l’ensemble de la centrale nucléaire détruite. De ses réacteurs et de leur combustible fondu à l’intérieur.
Toutes ces raisons sont largement suffisantes pour conclure que la situation à Fukushima est vraiment dramatique
C’est pourquoi il n’est pas utile d’en rajouter
De nombreuses rumeurs ont circulé ces derniers temps, exagérant les risques et créant de toutes pièces de nouvelles catastrophes à venir, largement au-delà de la réalité. La confiance du public envers les autorités a été, à raison, ébranlée … et face à cette incertitude, des informations alarmantes, mais non confirmées circulent dans le monde entier.
Les plus récentes de ces rumeurs évoquaient notamment des réactions nucléaires en cours à l’intérieur des réacteurs accidentés de Fukushima, ainsi qu’une contamination radioactive à grande échelle de l’océan Pacifique, jusqu’à la côte ouest américaine. Des images ont même circulé, effrayantes, montrant des vagues rouges, oranges et jaunes se déversant dans l’océan… des images représentant en fait l’onde du Tsunami de 2011, utilisées dans un contexte faux, de désinformation. (Voir sur ce sujet le décryptage du Monde :
Hoax écolo : la contamination massive du Pacifique par Fukushima )
Les équipes de Greenpeace ont vérifié chacune de ces rumeurs, et notre réponse est claire : aucune d’elle n’est basée sur une réalité scientifique. Ainsi, si des quantités sans précédent de Césium radioactif ont fini dans l’océan Pacifique, contaminant de manière significative les sédiments le long du littoral japonais, il n’existe aucun mécanisme plausible qui aurait pu transporter cette contamination à des niveaux élevés à travers le Pacifique, jusqu’aux plages américaines ou australiennes. Oui, il y a bien des traces détectables de ces isotopes radioactifs dans les eaux américaines, mais à des niveaux très faibles, et leur contribution aux doses de radiation est bien moindre que celle des rayonnements naturels.
Cela ne signifie pas que ces radiations sont sûres. Il n’y a pas de dose anodine à 100%. Mais cela signifie que les risques supplémentaires qu’elles représentent pour les organismes vivants, y compris les humains, sont minimes.
C’est pourquoi les efforts de nos équipes se concentrent sur les grands défis de l’après-Fukushima. Au Japon même. C’est là que les pêcheurs capturent encore parfois un poisson dont la contamination dépasse les normes officielles . Bien que la fréquence de ces captures ait effectivement baissée depuis 2011, elles se produisent encore, et des mesures de précaution doivent donc s’appliquer lorsqu’il s’agit de consommer des fruits de mer en provenance de la côte nord-est du Japon. Mais au risque de nous répéter : l’idée que la contamination de Fukushima représente aujourd’hui un risque sérieux pour les côtes australiennes, américaines et leurs écosystèmes est tirée par les cheveux.