Le volet bâtiment du projet de loi transition énergétique clos au Sénat
Le vendredi 13 février, la chambre haute du parlement a achevé l'examen des volets bâtiment et transports. Après avoir débattu sur l'article I relatifs aux objectifs de la politique énergétique, les sénateurs ont donc pris part au dossier bâtiment et transports du projet de loi relatif à la transition énergétique. Si de nombreux amendements ont été votés, la partie adoptée et enrichie du projet de loi de transition énergétique qui concerne l’isolation des bâtiments a été remerciée par la ministre de l'Ecologie. "Nous venons de clore un volet clé de ce projet de loi : le bâtiment représente 40% de la consommation d'énergie", a souligné Ségolène Royal. "Le Sénat a accompli un travail de grande qualité qui a sensiblement amélioré le texte", a-t-elle estimé. "Nos concitoyens attendent avec impatience de telles dispositions pour engager des travaux" d'isolation. "C'est un signal fort envoyé aux entreprises : elles pourront, grâce à la visibilité que nous leur donnons, investir, recruter, former et développer leur activité", a-t-elle dit, ajoutant que "le gouvernement remercie la Haute Assemblée de ses travaux au service de la transition énergétique".
Précarité énergétique
Un amendement apporté par Chantal Jouanno (UDI, Paris) enrichit le texte avec désormais un nouvel objectif qui vise "une baisse de 15% de la précarité énergétique d'ici 2020", en plus de "rénover énergétiquement 500.000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes". L'obligation de rénovation des logements concerne désormais "tous les logements locatifs du parc privé" à l'horizon 2020 – et non plus 2030, selon un amendement identique des groupes socialiste, UMP et écologiste. Cette rénovation vise "une performance de 150 kilowattheures par mètre carré et par an si le calcul économique le permet", précise un amendement d'Elisabeth Lamure (UMP, Rhône). Un amendement de Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique) a introduit l'obligation, "à partir de 2030", d'une rénovation énergétique pour les bâtiments privés résidentiels à l'occasion d'une mutation, "selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats". "Un décret en Conseil d'Etat précisera le calendrier progressif d'application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu'en 2050", a-t-il précisé.
Proposition d'un fonds dédié à la lutte contre la précarité énergétique
Toujours sur le dossier Précarité énergétique, les sénateurs ont élaboré un nouvel article (art.5 quater A) pour solliciter auprès du gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, "un rapport faisant état de l'ensemble des financements permettant l'attribution de subventions pour la rénovation énergétique des logements occupés par des ménages aux revenus modestes ; de l'opportunité de leur regroupement au sein d'un fonds spécialement dédié et concourant par ce biais à la lutte contre la précarité énergétique ; des modalités d'instauration d'un tel fonds." "L'Anah manque de ressources pour mettre en œuvre le programme 'Habiter mieux' de lutte contre la précarité énergétique, a notamment précisé Chantal Jouanno. La principale recette de l'agence est constituée du produit de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre, dont la Cour des comptes a souligné le caractère volatile et inadapté au financement de programmes d'investissement de long terme (...). C'est la pérennité du programme Habiter mieux qui est menacée. La création d'un fonds pourrait présenter plusieurs avantages ; nous proposons d'en confier la gestion à l'Anah."
Tiers financement
Les sénateurs ont adopté l'article 6 sur le tiers financement. Un amendement de Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique) et un amendement identique de plusieurs sénateurs UMP ont été adoptés avec le soutien du rapporteur et du gouvernement. "Outre la confirmation pour les entreprises publiques locales de tiers-financement de ne pas être soumises aux conditions d'agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement pour l'exercice de l'activité de tiers-financement, l'amendement proposé permet explicitement aux entreprises publiques locales d'exercer une activité d'intermédiaire en opération de banques et en services de paiement, dispositif existant, en conformité avec les articles L.519-1 et R.519-1 et suivants du code monétaire et financier", explique l'exposé des motifs. "Cette rédaction concilie la rédaction du projet de loi proposée par le gouvernement et la version du texte adoptée par l'Assemblée nationale. L'amendement élargit ainsi les possibilités offertes aux opérateurs des collectivités territoriales pour réaliser le volet financier de l'activité de tiers-financement selon le degré d'implication souhaité, tout en réaffirmant le rôle primordial des établissements de crédit et des sociétés de financement dans le financement de la rénovation énergétique." Par ailleurs, un amendement a été voté afin de permettre aux plateformes locales de la rénovation énergétique (PLRE) d'intervenir auprès des particuliers à leur domicile.
Prise en compte des émissions de GES dans la réglementation thermique
L'article 5 du projet de loi, qui instaure une obligation d'améliorer significativement la performance énergétique d'un bâtiment à chaque fois que des travaux importants sont réalisés, a été amendé par le rapporteur sur la question de la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la réglementation thermique, après avoir recueilli l'avis favorable de Ségolène Royal. La législation actuelle prévoit que la réglementation thermique intègre cette question en 2020. Lors du débat en commission à l'Assemblée nationale, le président de la commission spéciale, François Brottes, avait été accusé de fragiliser la réglementation thermique en proposant d'avancer cette disposition à 2015 et en séance publique, c'est finalement l'année 2018 qui avait été choisie. Ladislas Poniatowski a soutenu cette date. Ne voulant pas "rouvrir le débat", il revient à la rédaction du Grenelle en prévoyant que c'est "le niveau d'émissions de gaz à effet de serre" qui est pris en considération dans la définition de leur performance énergétique et non le "plafond". Un deuxième amendement à ce même article 5 "simplifie et facilite les prises de décisions en assemblée générale de copropriété pour ce qui concerne la performance énergétique", a expliqué l'un de ses auteurs, Jean-Claude Requier (RDSE, Lot). Il s'agit d'appliquer la règle de majorité simplifiée pour les opérations "améliorant les installations énergétiques communes dès lors qu'il a été démontré qu'elles étaient amortissables en moins de cinq ans et sous réserve que la baisse des consommations énergétiques soit garantie".
Constructions en bois
L'article 3 du projet de loi, permettant de lever les freins à l'isolation des bâtiments en matière d'urbanisme - le permis de construire, le permis d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne pourront s'opposer à la réalisation d'une isolation – a fait l'objet d'un amendement afin que cette mesure dérogatoire ne puisse "s'exercer pour des édifices ou parties d'édifices construits en matériaux traditionnels". L'article 4 qui promeut les bâtiments à énergie positive précise désormais qu'un "décret en Conseil d'Etat définit les exigences auxquelles doit satisfaire un bâtiment à énergie positive". "Les acteurs économiques ont besoin que l'on définisse le plus tôt possible la notion de bâtiment à énergie positive, qui figure dans la loi Grenelle I", a expliqué Chantal Jouanno, auteure de l'amendement qu'a aussi déposé le groupe écologiste. Un amendement gouvernemental a réintroduit la mesure selon laquelle "la limitation en hauteur des bâtiments dans un plan local d'urbanisme ne peut avoir pour effet d'introduire une limitation du nombre d'étages plus contraignante d'un système constructif à l'autre". Il "concerne les constructions en bois. Notre filière bois, l'une des plus performantes du monde, ne doit pas être pénalisée par les règles de hauteur", a expliqué Ségolène Royal.
Un amendement de Roland Courteau (PS, Aude) assouplit l'article L. 128-4 du Code de l'urbanisme qui impose, lors d'opération d'aménagement, la réalisation d'une étude de potentiel de développement en énergies renouvelables pour toute nouvelle zone à aménager, en supprimant la précision selon laquelle l'étude porte en particulier sur "l'opportunité de la création ou du raccordement à un réseau de chaleur ou de froid ayant recours aux énergies renouvelables et de récupération". L'amendement a été adopté malgré l'avis défavorable de Ségolène Royal pour qui la mesure "serait une régression". "Les collectivités territoriales réalisent déjà ces études", a pointé la ministre. Par ailleurs, un amendement de sénateurs socialistes ajoute aux missions du futur Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique créé par le texte le suivi de l'évolution des prix des matériels et matériaux de construction et d'isolation.
Limitations à la vente de logements sociaux
Un amendement de l'UDI porte sur la limitation de vendre des logements du parc social à ceux qui répondent aux "normes bâtiment basse consommation ou assimilées, sauf dérogation accordée pour une réhabilitation permettant d'atteindre la classe énergétique C". "En prévoyant une dérogation totale, le bailleur renonce à vendre des logements sociaux aux locataires, ou il vendra des logements énergivores, en invoquant l'impossibilité technique de mener les travaux de rénovation", a expliqué le rapporteur. Jacques Mézard (RDSE, Cantal) s'est opposé pour sa part à la mesure qui, selon lui, "restreint en réalité la possibilité pour les bailleurs sociaux de vendre des logements locatifs". "Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Ces bailleurs sociaux ont besoin de se séparer d'une partie de leur parc pour construire. La loi exclut déjà les logements de catégorie F et G. Avec l'amendement de Mme Létard, on interdirait de vendre 3,2 millions de logements, soit 60% du parc ! Cela menacerait l'accord conclu entre l'Union sociale de l'habitat et l'Etat en septembre dernier. La vente de logements locatifs est une des clés pour résoudre la crise du logement", a expliqué le sénateur.
Consommation d'énergie des ascenseurs
Après la prise en compte des émissions de GES, l'article 5, qui instaure une obligation d'améliorer significativement la performance énergétique d'un bâtiment, un autre amendement mentionne que le décret prévu par le texte détermine les "catégories de bâtiments ou parties de bâtiment existants qui font l'objet, lors de travaux de rénovation importants, de l'installation d'équipements de contrôle et de gestion active de l'énergie, excepté lorsque l'installation de ces équipements n'est pas réalisable techniquement ou juridiquement ou lorsqu'il existe une disproportion manifeste entre leurs avantages et leurs inconvénients de nature technique ou économique". Ensuite, un amendement prévoit que le décret devra anticiper "les catégories de bâtiments existants qui, à l'occasion de travaux de modernisation des ascenseurs décidés par le propriétaire, peuvent faire l'objet de l'utilisation de composants ou de technologies conduisant à réduire significativement la consommation d'énergie des ascenseurs concernés, à augmenter leur capacité à être autonome en énergie ou à introduire l'utilisation des énergies renouvelables". Le rapporteur a émis un avis favorable car la mesure n'a "rien d'obligatoire" alors que le gouvernement s'y est opposé. Selon l'auteure de l'amendement, Elisabeth Lamure (UMP, Rhône), "la consommation d'énergie de l'ascenseur représente environ 4% de la consommation d'énergie totale des bâtiments". "Le parc français d'ascenseurs compte environ 530.000 appareils, a-t-elle précisé. C'est l'un des plus anciens d'Europe. La moitié a plus de 30 ans et un quart plus de 45 ans." Enfin, le dernier amendement à l'article 5 prescrit que l'utilisation des matériaux biosourcés est encouragée par les pouvoirs publics non seulement lors de la rénovation des bâtiments, mais aussi pour la "construction" des bâtiments neufs.
Quand le passéisme du sénat défait une transition ... - Le blog de l'habitat durable
Quand le passéisme du sénat défait une transition ... Alors que le projet de loi sur la transition énergétique est débattu à partir du 10 février au Sénat, le texte a déjà été mis à m...
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