Le GUL recule, d’obligation à option…
L’application d’une garantie universelle des loyers, intitulée GUL qui permet de protéger les bailleurs contre le risque d’impayés et par conséquent faciliter l’accès au logement en favorisant une nouvelle relation entre bailleurs et locataires sera facultative et restera au choix arbitraire du bailleur.
Cette mutualisation financière qui vise à remettre en location des logements inoccupés faute de confiance entre bailleurs et locataires notamment pour d’éventuel loyers impayés vient renforcer des dispositifs existants.
Des loyers impayés qui ne représenteraient que 1,8 % de la totalité des loyers perçus selon le rapport réalisé en 2013 par l’Inspection générale des finances. Dans près de 70 % des cas, une situation d’impayé de loyer fait suite à une baisse des ressources, liée à un accident de la vie (chômage, divorce, séparation, accident corporel, maladie, etc.). 10 % sont liés à une situation de surendettement.
Les procédures contentieuses de traitement des impayés, de recouvrement au moins partiel des loyers ou, en dernier ressort, d’expulsion du locataire, sont jugées fastidieuses, longues et complexes pour les propriétaires. Au risque d’impayé s’ajoute bien souvent un délai assez long de retour en jouissance du bien mis en location. La première demande des bailleurs, c’est la sécurité.
Il existe aujourd’hui des dispositifs de garantie contre les risques d’impayés de loyer, contrats de droit commun (GLI) et contrats garantis par l’Etat (GRL). Ces deux dispositifs sont onéreux pour le propriétaire (un contrat d’assurance privé permettant à un bailleur de s’assurer contre le risque d’impayés coûte environ 2,5 % du loyer) et ne fonctionnent pas bien. Y compris pour les contrats garantis par l’État, les assureurs ne distribuent que mal les contrats et refusent parfois d’assurer les locataires fragiles.
En garantissant les revenus locatifs, la Gul peut favoriser le retour sur le marché locatif de logements inoccupés en incitant à la location les bailleurs qui, aujourd’hui, préfèrent ne pas louer leur logement de peur de devoir faire face à des loyers impayés.
Le fonctionnement de la Garantie Universelle des Loyers prévu est simple.
Un bailleur confronté à une situation d’impayé se verra rapidement indemnisé du montant du loyer par la garantie.
Celle-ci examinera du même coup la situation du locataire. Si ce dernier subit des difficultés ponctuelles liées à une rupture sociale, économique, familiale, un accompagnement sera rapidement mis en place.
Parallèlement, l’agence se substituera au propriétaire pour recouvrer l’impayé de façon amiable.
Toutefois, si l’impayé de loyers est lié au comportement abusif de la part d’un locataire indélicat, la Gul se retournera contre lui et lancera rapidement des procédures de recouvrement forcé qui mobiliseront les moyens du Trésor public.
Tous les logements du parc privé, en location nue ou meublée, à titre de résidence principale, sont éligibles à la Gul. A contrario, les logements des organismes HLM et SEM de construction et de gestion de logements sociaux en sont exclus. À la demande des sénateurs, une réflexion est engagée sur l’éligibilité des grands institutionnels qui proposent des logements intermédiaires.
Pour les logements éligibles au dispositif, la Gul se substituera au cautionnement, afin d’assurer une réelle universalité du bénéfice du dispositif. La situation particulière des étudiants, des jeunes et des personnes aux revenus modestes ou précaires sera prise en compte.
Ce nouveau dispositif de garantie universelle des loyers entrera en vigueur au plus tard au 1er janvier 2016.
Le montant minimal d’impayés ouvrant droit à la garantie sera précisé par décret, tout comme les conditions permettant d’accéder à la Gul ainsi que les modalités de recouvrement des impayés par le Trésor public.
Comme le préconise le rapport réalisé par l’Inspection générale des finances, le projet de loi Alur précise que la Gul va s’appuyer sur une institution de dimension limitée (20 à 40 personnes), l’agence de la Gul, dont la fonction principale sera la mutualisation financière.
Elle s’appuiera sur un réseau d’opérateurs agréés et selon un cahier des charges précis qui sera défini par décret. Ces opérateurs seront de natures diverses : gestionnaires de biens, courtiers en assurance, huissiers de justice, associations, etc. Ils permettront un maillage très fin du territoire, une relation de proximité avec bailleurs et locataires et seront chargés de :
- vérifier le respect des conditions exigées pour bénéficier de la garantie universelle des loyers ;
- traiter les déclarations d’impayés présentées par les bailleurs ;
- s’assurer du versement en tiers payant au bailleur des allocations logement du locataire au premier impayé ;
- mettre en œuvre un plan de traitement social des impayés de loyers ;
- accompagner le cas échéant les locataires dans la recherche d’un autre logement.
Certes si le mécanisme de mutualisation financière du risque locatif pousse au débat, il n’empêche qu’il tente de répondre aux nombreuses difficultés rencontrées dans les démarches d’accès au logement vers les zones de centre-urbain qui reposent sur la sélectivité excessive de propriétaires redoutant l’impayé de loyer.
Toutefois, l’association nationale de défense des consommateurs et usagers estime que celui-ci aurait du rester obligatoire et que malheureusement, le bailleur pourra tout à fait refuser d’opter pour la GUL et lui préférer un cautionnement classique, apporté généralement par un proche du locataire. Ce système n’est pas sans rappeler celui du Loca-Pass (supprimé lors de l’instauration de la Garantie des risques locatifs) mais en beaucoup plus complexe : gratuité, caractère non obligatoire, possibilité de recourir à un cautionnement classique. On imagine difficilement pourquoi la GUL réussira là où le Loca-Pass a échoué, à savoir une faible adhésion des bailleurs, réticents à l’idée de passer par l’intermédiaire d’un organisme quel qu’il soit.
L’objectif de la GUL est de favoriser l’accès au logement des personnes fragiles économiquement tout en assurant aux bailleurs la perception de leurs loyers.
C’est en cela qu’elle fixe un taux d’effort du locataire de 50% au plus. Or pour la CLCV, le mécanisme, tel qu’il est désormais conçu, ne permettra pas d’y parvenir. En limitant son indemnisation au seul loyer médian, la GUL circonscrira son attractivité pour les bailleurs.
La CLCV estime que ceux-ci seront dans l’obligation de souscrire une autre assurance de leurs côtés. Or, qu’adviendra-t-il si cette dernière impose des conditions économiques quant au choix du locataire, notamment en termes de taux d’effort ? De quelle liberté de choix disposera le bailleur si son assurance classique impose un taux d’effort de 33% par exemple ? De fait, les discriminations financières continueront d’exister et cette garantie ne permettra nullement d’y mettre fin.
Pour la CLCV, seul un mécanisme mutualisé permet d’assurer un réel accès au logement des ménages modestes afin de répartir le risque locatif, statistiquement faible, sur l’ensemble des locataires du parc privé. En faisant de cette garantie une simple faculté, il y a une forte probabilité que les pouvoirs publics n’y concentrent que les locataires fragiles économiquement mettant à mal l’équilibre financier du système.