Plutôt que de soutenir les EnR, l’UE préfère le charbon !!!
La Commission n’est pas tenue de prendre en compte les règles de l’Union relatives à la protection de l’environnement lorsqu’elle estime que l’approvisionnement en électricité n’est pas assuré.
Le gouvernement espagnol a adopté en 2010 une mesure selon laquelle dix centrales de production d’énergie électrique sont obligées de s’approvisionner en charbon « indigène » (c’est-à-dire d’origine espagnole) et de produire certains volumes d’électricité à partir de ce charbon (à savoir 23,35 TWh par an). Le prix du charbon indigène est plus élevé que celui d’autres combustibles. Il est prévu que cette mesure expirera au plus tard le 31 décembre 2014.
Afin de pallier les difficultés d’accès au marché journalier de la vente d’électricité rencontrées par ces centrales (ces difficultés s’expliquant par le prix élevé du charbon que les centrales sont contraintes d’utiliser), la mesure a instauré un « mécanisme d’appel prioritaire ». Ce mécanisme prévoit que l’électricité produite par ces centrales doit être achetée de préférence à celle produite par les centrales qui utilisent du charbon importé, du fioul et du gaz naturel ou qui opèrent à cycle combiné. L’électricité produite par ce dernier groupe de centrales est retirée du marché journalier de l’énergie afin d’assurer la vente des volumes d’électricité produits à partir de charbon indigène par les centrales bénéficiaires de la mesure.
Les propriétaires des centrales bénéficiaires de la mesure se voient octroyer une compensation égale à la différence entre les coûts supplémentaires de production qu’ils ont supportés et le prix de vente sur le marché journalier de l’électricité. Le financement du mécanisme s’opère par le biais d’un fonds contrôlé par l’État. Les dépenses annuelles prévues s’élèvent à 400 millions d’euros.
Après avoir examiné la mesure adoptée par le gouvernement espagnol, la Commission a conclu à l’existence d’une aide d’État. Elle a néanmoins déclaré cette aide compatible avec le marché intérieur. La Commission a en effet considéré que les obligations imposées par la mesure aux propriétaires des centrales bénéficiaires correspondaient à la gestion d’un service d’intérêt économique général, justifié par la garantie de la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Selon le droit de l’Union, les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités (notamment aux règles de concurrence) dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement de leur mission particulière. Dans ces conditions, la Commission a décidé ne pas soulever d’objections à l’égard de l’aide d’État en cause en l’espèce.
La société Castelnou Energía est propriétaire d’une centrale à cycle combiné. Sa position concurrentielle est affectée de manière substantielle par la mesure du gouvernement espagnol en raison notamment de la situation géographique particulière de sa centrale. Castelnou Energía, outenue par Greenpeace-España, demande au Tribunal de l’Union européenne d’annuler la décision de la Commission.
Par son arrêt de ce jour, le Tribunal rejette le recours de Castelnou Energía.
Castelnou Energía allègue notamment que la Commission a violé le droit de l’Union en considérant que les obligations imposées par la mesure correspondaient à un service d’intérêt économique général visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Le Tribunal relève que Castelnou Energía n’a pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en reconnaissant le caractère justifié de ce service ainsi que le caractère proportionné de la mesure par rapport à l’objectif poursuivi par ce dernier.
Castelnou Energía reproche également à la Commission d’avoir violé plusieurs dispositions du droit de l’Union autres que celles relatives aux aides d’État, en particulier des dispositions relatives à la protection de l’environnement. Le Tribunal rappelle que, si la modalité d’une aide est indissociablement liée à l’objet de l’aide, la Commission doit apprécier sa conformité aux dispositions autres que celles relatives aux aides d’État. Cette appréciation peut aboutir à une déclaration d’incompatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur. Le Tribunal précise que, dans le cas examiné, les modalités de la mesure d’aide adoptée par le gouvernement espagnol (à savoir l’obligation d’achat de charbon indigène, le mécanisme d’appel prioritaire et la compensation financière) sont indissociablement liées à l’objet de l’aide en cause. En revanche, lorsqu’elle apprécie une mesure d’aide qui ne poursuit pas un objectif environnemental, la Commission n’est pas tenue de prendre en compte les règles de l’Union relatives à la protection de l’environnement dans son examen de l’aide et des modalités qui lui sont indissociablement liées. Le juge de l’Union limite la vérification du respect des règles autres que celles relatives aux aides d’État aux seules règles susceptibles de produire un impact négatif sur le marché intérieur, défini comme un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée. Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de procéder, comme elle l’a fait dans sa décision, à l’examen de la conformité de la mesure avec les dispositions de protection de l’environnement.
Le Tribunal relève que, en tout état de cause, la Commission a considéré à juste titre dans sa décision que le fait que la mesure conduisait à augmenter les émissions de CO2 par les centrales à charbon indigène ainsi que le prix des droits d’émission n’aboutirait pas à une augmentation du CO2 globalement émis en Espagne. En effet, la Commission a estimé que les émissions globales de CO2 resteraient en principe dans les limites correspondant aux engagements pris par les autorités espagnoles, compte tenu du système d’échange de droits d’émission mis en place par le droit de l’Union. Le Tribunal signale d’ailleurs que la mesure adoptée par le gouvernement espagnol conduit à ce que la production des centrales à charbon indigène remplace en priorité celle des centrales qui utilisent du fioul et du charbon importé (centrales les plus polluantes). Autrement dit, la mesure devrait conduire en pratique à la substitution de productions polluantes par d’autres productions polluantes. Compte tenu de cette substitution, il ne saurait être considéré que la mesure adoptée par le gouvernement espagnol favorise la production d’électricité à partir de charbon en méconnaissance de l’objet et de l’esprit de la directive sur l’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Enfin, Castelnou Energía soutient que les dispositions du droit de l’Union concernant les aides d’État à l’industrie houillère ont été violées (en particulier celles interdisant les distorsions de concurrence sur le marché de l’électricité et celles consacrant le principe de la dégressivité des aides à l’industrie houillère). À cet égard, le Tribunal indique, en particulier, que le principe du maintien de capacités de production houillère soutenues par des aides d’État a été affirmé en droit de l’Union. Le Tribunal ajoute qu’une décision du Conseil a prolongé, jusqu’en 2018, la possibilité pour les États membres d’accorder des aides couvrant notamment les coûts liés au charbon destiné à la production d’électricité.