Prédire les conditions d’éclairage naturel dans un local, … Part. IV
La prédétermination de l'éclairage naturel
Les mesures
Les maquettes et modèles réduits :
Contrairement à la thermique, l’acoustique ou la structure ; les maquettes sont représentatives de la réalité et ne nécessitent pas de correction d’échelle pour l’éclairage naturel. En revanche, l’approche de la rugosité et de la réflexion des matériaux peut nécessiter des corrections si les matériaux réels ne sont pas utilisés. Les photos des matériaux réels, à l’échelle de la maquette, collées sur les parois de la maquette remplacent bien « les matériaux réels ». Ceci est possible pour l’étude d’éclairage car seulement la finition des parois compte. Les maquettes blanches ne sont pas représentatives.
Plusieurs sources lumineuses peuvent être utilisées pour l’éclairage des maquettes. Des mesures sous ciel réel sont possibles si la maquette est mobile. L’utilisation d’un ciel artificiel est souvent préférée car les conditions peuvent être maîtrisées alors que l’éclairement comme la composition spectrale du flux lumineux naturel change d’un instant à l’autre et il est difficile de faire les mesures et observations dans ces conditions aléatoires.
Un ciel artificiel peut être de plusieurs formes et usages :
• Un local de petite taille dont les parois verticales sont des miroirs et le plafond est composé d’un tapis de lampes sous une couche de polycarbonate dépoli. L’effet produit est celle du ciel couvert CIE (ou Moon & Spencer) car les réflexions à l’infini du plafond lumineux s’estompent à l’horizon pour s’approcher d’une luminance valant un tiers de la luminance du plafond. Ce ciel est idéal pour étudier les divers aspects architecturaux des ambiances lumineuses en ciel couvert ainsi que pour effectuer des mesures de facteur de lumière du jour dans des maquettes.
• Un dôme complet composé en théorie de 145 lampes (distribution théorique modifiée de Tregenza) pour pouvoir simuler plusieurs types de ciel. Ce ciel permet des visualisations à l’aide d’une mini-caméra (pénétration du soleil direct avec une seule source, distribution des luminances) ainsi que des mesures d’éclairement, luminance et facteur de lumière du jour.
• Une seule source mobile ou immobile qui est une discrétisation du dôme à 145 lampes, qui peut être utilisé comme héliodon ou comme ciel artificiel en combinant 145 positions.
Les mesures sur maquettes ont l’avantage d’être plus fiables que certains outils de simulation numérique qui ne peuvent souvent pas présenter de luminances. Elles permettent également une visualisation instantanée appréciable et représentative de la réalité.
C’est une piste qui est à recommander pour des projets de forme atypique où la modélisation sera complexe et la prédétermination de l’éclairage naturel un enjeu.
Les prototypes ou locaux témoins
Des mesures peuvent être également réalisées sur des locaux de taille réelle, comme des prototypes ou locaux témoins.
Les mesures dans des locaux témoins sont un moyen efficace de vérifier les performances de l’éclairage naturel avant qu’un projet ne soit construit.
On peut se reporter aux recommandations du guide Construire avec la Lumière Naturelle [CSTB, 2011] pour les procédures à suivre pour réaliser des mesures.
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Les méthodes de calcul simplifiées
Le facteur de lumière du jour moyen :
Le facteur de lumière du jour (FLJ) est l’indicateur le plus répandu d’appréciation de la qualité de l’éclairage naturel d’un local. Cet indicateur exprime le ratio entre l’éclairement intérieur en un point du plan utile et l’éclairement extérieur horizontal en site dégagé sous condition de ciel couvert dit CIE. Le FLJ traduit les conditions jugées les plus défavorable puisqu’il rend compte des performances d’un local sous des conditions de ciel couvert.
Les facteurs de lumière du jour peuvent être déterminés par simulation numérique ou bien à l’aide de formules.
Le Building Research Establishment [Littlefair, 1986] propose une formule pour estimer le facteur de lumière du jour moyen d’un local éclairé par un vitrage vertical :
DFmoy = (T.Aw.Ɵ)/A(1-R2) où :
• T est le facteur de transmission diffuse du vitrage,
• Aw est la surface vitrée en m2,
• Ɵ est l’angle de ciel visible depuis le centre de l’ouverture,
• A est la surface totale des parois intérieures (fenêtre comprise),
• R est le cœfficient de réflexion moyen pondéré en surface des parois intérieures.
Cette formule peut être utile pour estimer les facteurs de lumière du jour en phase esquisse mais ne peut aucunement être utilisé en phase conception.
Il est important de comprendre que l’inconvénient principal du facteur de lumière du jour est qu’il ne tient pas compte de l’orientation des prises de jour ni de la position géographique du site. Dans le cas des simulations numériques, des erreurs conséquentes peuvent apparaître à cause de la modélisation du type de ciel CIE. Des différences entre mesures et simulations allant jusqu’à 100 % en dessus et au-dessous de la valeur simulée ont pu être observées [Reinhart, 2001].
L’indice de vitrage et l’indice de profondeur :
L’indice de vitrage corrigé Ic est le rapport entre la surface du vitrage sur la surface du sol corrigé par le facteur de transmission du vitrage.
L’indice de profondeur Ip est le ratio entre la profondeur du local et la hauteur sous linteau au-dessus de la surface utile. Remarque : L’indice de profondeur est caractéristique d’un local à éclairage unilatéral. Si le local a une double orientation et si les ouvertures sont dans des parois parallèles, alors Ip est à considérer jusqu’à la moitié de la profondeur du local.
Le lien entre ces indicateurs est présenté dans le Traité de Construction Durable [Moniteur, 2007].
• si Ip < 2 et Ic > 1/6 alors le local est très clair
• si 2 < Ip < 3 et Ic > 1/6 alors le local n’est pas très clair mais il est toujours dans la classe des locaux suffisamment éclairés. L’éclairage n’est pas uniforme. Le fond du local est peu clair à cause de la profondeur.
• si Ip > 3 quel que soit Ic, alors le fond du local est sombre
• si 1/10 < Ic < 1/6 alors le local est peu clair mais Ip < 2 évitera un fond très sombre, l’éclairage sera plutôt uniforme. En revanche si Ip > 2 alors le local n’est pas suffisamment éclairé.
Ce même ouvrage rappelle la corrélation entre ces indices et le facteur de lumière du jour qui était utilisé dans le cadre de la RT 2000. Il a été observé qu’il existe un lien entre l’indicateur « Ic – 5 x Ip » et la valeur du FLJ minimum en fond de pièce. Par exemple, si Ic = 1/5, on utilisera sa valeur en pourcentage dans cette formule soit 20 et la valeur de Ip est utilisée telle quelle.
Cette hiérarchisation est appelée « échelle de clarté ».
Cette échelle permet en première approche de calculer la valeur du facteur de lumière du jour minimum dans un local.
Ces méthodes sont applicables dans des cas de locaux présentant des paramètres standards : enveloppe intérieure raisonnablement clair et masque faible à moyen.
Tout comme le facteur de lumière du jour moyen, ces indicateurs ne sont pas des méthodologies de conception mais plutôt des garde-fous qui permettent de vérifier par un calcul rapide si les premiers dimensionnements des ouvertures pourront permettre un éclairage naturel satisfaisant ou non.
Les méthodes de calcul avancées et simulations numériques
Le facteur de lumière du jour ponctuel
Le facteur de lumière du jour ponctuel peut être déterminé par des méthodes analytiques en décomposant le facteur de lumière du jour en ses trois composantes (directe, réfléchie externe et réfléchie interne) qui seront calculées séparément. Ces méthodes de calcul sont longues et fastidieuses [Littlefair, 1998], on leur préférera des méthodes de simulation numérique.
L’autonomie lumineuse
Autonomie en éclairage naturel :
L’autonomie lumineuse en éclairage naturel est définie comme le nombre d’heures annuelles (sur une plage horaire définie, par exemple de 8 h à 18 h) qui atteindront une consigne d’éclairement donnée en point d’un local grâce à la lumière naturelle seule. L’avantage de l’autonomie lumineuse par rapport au FLJ est qu’elle prend en compte tous les types de ciel car son calcul (par simulation uniquement) est basé sur des données météorologiques.
Le référentiel de certification BREEAM semble être le seul à ce jour à intégrer l’autonomie lumineuse comme indicateur de performance en éclairage naturel. Il y est recommandé une autonomie de 2 650 heures à 200 lux.
Le concept d’autonomie a été décliné en plusieurs versions qui sont intégrées dans le logiciel de simulation DAYSIM [Reinhart, 2006].
Lumière naturelle utile (Useful Daylight Illuminance – UDI) :
L’indicateur Useful Daylight Illuminance (UDI) ne prend en compte que les périodes où l’éclairage naturel sera utile aux occupants, autrement dit lorsque les conditions dans le local ne seront ni trop sombres (< 100 lux), ni trop lumineuses (> 2000 lux). Cet indicateur permet de considérer la lumière naturelle lorsqu’elle n’aura pas besoin d’être occultée pour des raisons d’éblouissement ou complétée par de la lumière électrique.
Autonomie Lumineuse Continue (DAcon) :
L’indicateur Autonomie Lumineuse Continue (DAcon) est plus souple que l’autonomie lumineuse décrite plus haut. En effet, le DAcon prend en compte la lumière naturelle qui est en dessous de la consigne minimum fixée. Par exemple, si la consigne est de 500 lux, lorsque 400 lux seront atteints en un point grâce à la lumière naturelle, une pondération est donnée à l’autonomie (dans ce cas 400/500). Cet indicateur permet de valoriser les systèmes de gradation de l’éclairage électrique.
Autonomie Lumineuse Maximum (DAmax) :
De la même manière, l’Autonomie Lumineuse Maximum (DAmax) rend compte des périodes durant lesquelles un éblouissement pourra potentiellement se produire (pour un éclai- rement correspondant à 10 fois la consigne d’éclairement fixée).
Autonomie spatiale en éclairage naturel (Spatial Daylight Autonomy - sDA) :
La Spatial Daylight Autonomy est le plus récent des indicateurs basés sur la notion des « climate-based metrics », sa définition est disponible dans le document IES LM-83- 12 "Approved Method: IES Spatial Autonomy (sDA) and Annuel Sunlight Exposure (ASE)".
À l’inverse des autres indicateurs, le sDA est une valeur unique pour un local. Il traduit le pourcentage de surface au-delà de 300 lux pendant 50 % du temps.
Calcul de l’autonomie lumineuse :
L’autonomie lumineuse peut être estimée en première approche à l’aide de courbes de fréquence de dépassement d’éclairement horizontal diffus extérieur.
Lorsque le facteur de lumière du jour moyen d’un local et la consigne à y respecter sont connus, il est simple d’en estimer l’autonomie en éclairage naturel diffus à l’aide d’une courbe de fréquence pour une localisation donnée.
Un exemple d’application :
Si un local à Paris a un FLJ moyen de 2 % et que la consigne est de 300 lux on peut en déduire à l’aide de la définition de base, que cette consigne sera atteinte dès lors que l’éclairement horizontal extérieur diffus atteindra 15 000 lux. Le local aura une autonomie moyenne annuelle d’environ 40 %, fluctuant entre 3 % en décembre et 60 % en juin.
À l’inverse, si l’on souhaite un local qui soit autonome en éclairage naturel durant 60 % du temps, on lit sur la courbe de répartition en fréquence que le niveau extérieur atteint durant 60 % du temps est 11 000 lux. Si l’on décide que la consigne à atteindre est 300 lux, il conviendra de dimensionner les ouvertures pour garantir un FLJ moyen de 2,7 %.
Cette méthode est très pratique en phase esquisse. Cependant, pour des résultats plus précis, l’autonomie lumineuse sera préférablement calculée à l’aide d’outils de simulations numériques qui utilisent des statistiques de données météorologiques et des algorithmes de calcul validés.
Les outils de simulations informatiques
Une fois le local modélisé à l’aide d’un outil de modélisation 3D, ses performances en éclairage naturel peuvent être estimées à l’aide de logiciels de simulations numériques.
Les divers logiciels disponibles sur le marché utilisent des méthodologies différentes. On retiendra trois algorithmes qui, à ce jour, nous semblent les plus fiables et validés.
La radiosité
Le principe de l’algorithme de radiosité (ou illumination globale) est de bombarder la scène à calculer de photons émis dans toutes les directions par la ou les sources lumineuses. Lors de leur parcours, les photons frappent les éléments de la scène. Ils sont alors absorbés, réfléchis ou réfractés suivant les caractéristiques optiques des matériaux qui constituent la surface des éléments de la scène. Ces photons réfléchis frappent alors de nouveaux éléments de la scène.
Il s’agit donc d’un processus itératif qui prend fin suivant les paramètres entrés dans la simulation (nombre de rebonds par exemple). Ces simulations sont coûteuses en temps de calcul.
L’algorithme produit des images photo réalistes de qualité. Son avantage réside dans le fait qu’il effectue un calcul global de la scène et permet donc de disposer d’images pour tous les points de vue. Il ne nécessite donc pas de nouveau calcul pour obtenir une image pour un point de vue différent de celui de départ.
Le ray-tracing
Le principe des algorithmes par lancer de rayons consiste à calculer directement les pixels de l’image souhaitée.
Pour chaque pixel, un rayon est lancé. Le premier objet frappé par le rayon définit l’objet concerné de l’image. Depuis ce premier point, des rayons sont émis en direction des sources de lumière en fonction des caractéristiques optiques des matériaux de la surface pour déterminer si le point est illuminé et avec quelle quantité d’énergie.
Cette méthode est généralement plus performante que l’algorithme de radiosité et permet de dépasser les limitations de la radiosité. En revanche, cette technique ne permet que de générer une image à la fois et tout changement de point de vue nécessite un nouveau calcul.
Le photon-mapping (ou lancer de particules)
L’objectif du photon-mapping est d’améliorer l’efficacité des algorithmes de radiosité en découplant le calcul de la propagation des photons des calculs d’illumination. Il s’agit d’une combinaison de radiosité et de lancer de rayons.
Comme en radiosité, des photons sont émis depuis les sources lumineuses. Lorsque les photons frappent les éléments de la scène, ceux-ci sont stockés dans une carte (photon map). Comme en ray-tracing, des rayons sont émis depuis le point de vue. Ces rayons sont calculés indépendamment. Une phase de rendu est ensuite effectuée pour calculer l’illumination de chaque pixel.
Conclusions sur les outils de simulations numériques
La méthode du lancer de rayon demeure le moyen d’obtenir les images les plus réalistes. Il est toutefois lourd en calculs car nécessite un recalcul pour chaque changement de point de vue. Toutefois, dans les calculs et utilisations évoqués dans ce guide, les algorithmes de photon-mapping, voire de radiosité sont suffisants.
La principale difficulté réside dans la complexité de mise en œuvre de ces algorithmes car ceux-ci s’appuient sur de nombreux paramètres complexes et peu aisés à comprendre pour l’utilisateur non-spécialiste.
Or, une mauvaise combinaison de ces paramètres peut aboutir à des résultats qui n’ont pas de validité en termes d’illumination de la scène et donc les résultats finaux peuvent être faux, voire fantaisistes. Il est aussi important de noter que la précision de la scène modélisée est un élément essentiel d’un calcul correct. Ce point n’est pas aussi facile à maîtriser qu’il n’y paraît, en particulier dans la caractérisation des matériaux.
Quel position ?
L’indicateur facteur de lumière du jour présente des limites, il n’est notamment pas adapté à la conception des protections solaires et peut entraîner un surdimensionnement des baies en ciel clair. C’est cependant la méthodologie la plus utilisée internationalement pour caractériser la quantité de lumière naturelle dans un local.
Au-delà de l’indicateur lui-même, il est important d’adapter la zone de calcul à l’usage du local (exemple : la totalité d’un open space, d’une salle de jeux dans une crèche, d’une cuisine...). Les zones de calcul proposées par les certifications environnementales peuvent être parfois en incohérence avec l’activité qui y est exercée.
Les indicateurs dynamiques de type « autonomie lumineuse » sont prometteurs. Il conviendra de rester attentif aux seuils qui seront proposés par les organismes spécialisés tels que l’Association Française de l’Éclairage ou la Commission Internationale de l’Éclairage.
Par ailleurs, plutôt que de recommander des logiciels de simulations numériques du comportement de la lumière naturelle, l’ICEB préfère conseiller aux usagers de s’assurer que le logiciel qu’ils choisissent utilise bien un des algorithmes détaillés dans ce guide.
Synthèse sous la forme points forts / points faibles des indicateurs selon les trois paramètres de caractérisation d’une ambiance lumineuse : la quantité de lumière, le confort et l’agrément.
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