Intégrer le facteur climatique dans l’évaluation des politiques de gestion de qualité de l’air
L’Ineris, l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques dont la mission est de contribuer à la prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, et sur l’environnement, a mené depuis plusieurs années des travaux destinés à évaluer l’impact des politiques de gestion de la qualité de l’air. L’expertise de l’Institut est particulièrement sollicitée cette année, dans le cadre des discussions engagées autour du réexamen de la politique européenne dans ce domaine. Ainsi des simulations ont été effectuées sur la qualité de l’air que l’on obtiendrait en 2030 selon diverses politiques étudiées par l’Union européenne.
Toutefois, d’autres politiques sont aussi discutées, celles qui visent à atténuer le changement climatique : ces politiques peuvent interagir avec les précédentes. L’Institut et ses partenaires ont donc développé, dans le cadre du projet de recherche SALUT’AIR, une chaîne de modélisation intégrant le changement climatique dans l’évaluation sur la longue durée des politiques de gestion de la qualité de l’air. Des projections à l’horizon 2050 ont été faites sur la base de scénarios d’institutions internationales. Ces projections montrent qu’il y a in fine plus de synergies que d’antagonismes entre les politiques de lutte contre le réchauffement climatique et de réduction des émissions polluantes.
L’expertise que l’Institut met au service du ministère en charge de l’Ecologie a pour vocation d’évaluer les conséquences des scénarios de gestion de la qualité de l’air, par le biais de simulations numériques de la pollution atmosphérique future. Le modèle de chimie-transport CHIMERE, co- développé par l’INERIS et l’Institut Pierre-Simon Laplace (CNRS/CEA/UVSQ), est au cœur de ce dispositif.
Ce modèle est opéré, à de petites échelles de temps, dans le système PREV’AIR, qui contribue à l’orientation des choix politiques au plan national, et réalise la prévision et le suivi des épisodes de pollution en France. Au niveau européen, CHIMERE est utilisé dans le cadre des évaluations court- moyen termes (2020-2030) des politiques futures. Dans une approche plus prospective, des travaux de recherche de l’Institut sur les politiques de gestion à long terme, à l’horizon 2050, ont recours au modèle de chimie transport, dans l’élaboration d’une chaîne de calcul intégrant les phénomènes de changement climatique.
Des simulations pour évaluer l’impact de la révision de la Directive « Plafonds »
En décembre 2013, la Commission Européenne a proposé un nouveau « paquet qualité de l’air », qui pose notamment de nouveaux objectifs à atteindre d’ici à 2030 pour améliorer la qualité de l’air. Pour ce faire, il est envisagé de réviser la Directive sur les plafonds d’émissions nationaux.
Dans le cadre de cette révision, les équipes de l’Institut ont réalisé des simulations de qualité de l’air à l’horizon 2030 sur la base de scénarios correspondant aux hypothèses de réduction d’émissions (dioxyde de soufre, ammoniac, Composés Organiques Volatiles, oxydes d’azote, particules PM2,5, méthane) qui font actuellement l’objet de discussions.
Les simulations, effectuées sur l’ozone et les particules (PM2,5 et PM10), montrent comment le respect des plafonds permettrait globalement de réduire la pollution atmosphérique sur la plus grande partie de l’Europe, notamment la pollution particulaire.
Le co-bénéfice des politiques combinées « qualité de l’air/climat » d’ici à 2050
Le nouveau paquet qualité de l’air se place dans une logique de gestion combinée, qui prend acte des phénomènes d’interaction entre pollution atmosphérique et changement climatique. Il est aujourd’hui admis que dans de nombreux cas, les mesures de lutte contre le réchauffement du climat et les actions destinées à limiter la pollution atmosphérique interagissent entre elles, sans qu’il soit toujours possible de savoir si ces interactions sont positives ou négatives.
Le projet SALUT’AIR, cordonné par l’INERIS, associe le CNRS (Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement et Laboratoire de Météorologie Dynamique de l’Institut Pierre Simon Laplace) et l’Université de Strasbourg (Laboratoire Image Ville Environnement). Ce projet, qui a bénéficié du soutien financier de l’ADEME, du MEDDE et du programme PRIMEQUAL, a pour objectif de développer un système de prédiction de la qualité de l’air sur le long terme, intégrant le facteur « changement climatique ».
Les équipes de recherche ont pu valider ce système par un exercice de projections de qualité de l’air à l’horizon 2050. Cet exercice de projection montre, sur l’ozone comme les particules fines, que la mise en œuvre d’une politique de gestion de la qualité de l’air reste le facteur le plus influant sur l’évolution des concentrations globales de polluants, malgré le contexte de changement climatique et de transport de polluants sur une longue distance,.
Par ailleurs, les simulations mettent en lumière le rôle des politiques d’atténuation du réchauffement climatique, qui apportent un bénéfice complémentaire important aux politiques de qualité de l’air. Sur le long terme, il semble que les effets de synergies l’emportent sur les effets antagonistes.
Il est enfin observé que le transport à longue distance joue un rôle très important dans l’évolution de la qualité de l’air, d’où le bien-fondé de poursuivre le développement de politiques coordonnées au niveau international.
Le projet SALUT’AIR a servi, in fine, à développer une chaîne de modélisation unique de la qualité de l’air, qui intègre le changement climatique et le facteur « pollution longue distance ». Une technique novatrice de correction d’incertitudes a été développée, ce qui a permis d’améliorer la précision des simulations à un niveau de résolution spatiale encore jamais atteint (12 km).
Le rôle des simulations dans l’évaluation des politiques de gestion de la qualité de l’air
Les travaux actuels de l’INERIS s’inscrivent dans la perspective du réexamen de la politique européenne de qualité de l’air, principalement fondée sur la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant et sur la directive 2001/81/CE sur les plafonds nationaux d’émissions pour certains polluants. En décembre 2013, la Commission Européenne a proposé un nouveau « paquet qualité de l’air » visant à mettre en application des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique pour diminuer l’exposition des populations et des écosystèmes.
Le nouveau « paquet qualité de l’air »
Le programme «air pur pour l’Europe» prévoit des mesures garantissant la réalisation à court terme (d’ici à 2020) des objectifs existants d’amélioration de la qualité de l’air et le respect des engagements pris par l’Europe avec l’adoption en 2012 de la version modifiée du protocole de Göteborg de la convention sur le transport à longue distance de la pollution atmosphérique (CPATLD)1. Le programme « air pur pour l’Europe » pose en outre de nouveaux objectifs à atteindre d’ici à 2030. Par rapport à 2005, le programme propose une réduction de 52% des incidences de la qualité de l’air sur la santé (décès prématurés dus aux particules et à l’ozone) et une baisse de 35% de la superficie d’écosystèmes dépassant les limites établies concernant l’eutrophisation2.
Pour atteindre ces objectifs, il est donc envisagé, entre autres, de réviser la Directive sur les plafonds nationaux d’émissions. La révision s’attache notamment à renforcer la cohérence entre les normes de gestion de la qualité de l’air et les mesures d’atténuation du changement climatique. Pour 2030, il sera fixé des obligations de réduction des émissions sur les quatre polluants initiaux (SO2, NOx, COV et NH3) et sur deux nouveaux polluants : les particules fines (PM2,5) et le méthane (CH4), un des principaux gaz à effet de serre. Pour les particules, l’accent est porté sur la réduction des émissions de noir de carbone, polluant qui a également un impact sur le climat.
L’évaluation des politiques de gestion : le modèle CHIMERE
Dans le cadre de cette révision de la directive « Plafonds », des discussions ont été engagées avec les Etats-membres. C’est dans cette perspective que les modèles de simulation de qualité de l’air, éventuellement couplés à des analyses économiques du rapport coût-bénéfice, peuvent être utilisés pour anticiper les conséquences de la mise en œuvre de politiques de gestion et ainsi orienter la décision politique.
Le modèle de chimie-transport CHIMERE est au cœur du dispositif d’évaluation mis en place par l’INERIS en appui du ministère en charge de l’Ecologie. Ce modèle est le fondement des trois volets d’expertise de l’Institut : à de petites échelles de temps, il est opéré dans le système de prévision de qualité de l’air PREV’AIR (www.prevair.org), qui contribue à l’orientation des politiques de gestion au plan national, et réalise au la prévision et le suivi des épisodes de pollution en France. Au niveau européen, CHIMERE est utilisé dans le cadre des évaluations court-moyen termes (2020-2030) des politiques futures. Dans une approche plus prospective, des travaux de recherche sur les politiques de gestion à long terme, à l’horizon 2050, ont recours au modèle de chimie- transport dans une chaîne de calcul intégrant les phénomènes de changement climatique.
Des simulations pour évaluer l’impact de la révision de la Directive « Plafonds »
L’expertise de l’INERIS est mobilisée en 2014 sur l’analyse de l’impact des scénarios de gestion de la qualité de l’air à court-moyen terme. Les équipes de l’Institut ont réalisé des simulations de qualité de l’air à l’horizon 2030 sur la base de scénarios correspondant aux obligations de réduction d’émissions discutées dans le cadre de la révision des plafonds nationaux.
Les simulations, effectuées sur l’ozone et les particules (PM2,5 et PM10), montrent que le respect des plafonds d’émissions proposés permettrait globalement de réduire la pollution atmosphérique et de respecter les objectifs de qualité de l’air sur la plus grande partie de l’Europe, notamment sur les concentrations en particules.
Toutefois, on observera sans surprise une diminution de l’effet de titration de l’ozone dans les zones urbaines : la formation d’ozone, polluant secondaire, dépend du rapport entre la concentration d’oxydes d’azote et la concentration de composés organiques dans l’air ambiant. Dans l’atmosphère des villes, où les émissions de NOx sont élevées, la forte présence d’oxydes d’azote contribue à détruire l’ozone. La réduction des émissions de NOx prévue dans les hypothèses de gestion aura donc pour effet d’augmenter localement les concentrations d’ozone dans les zones urbaines. A noter, cela n’affecte pas la tendance générale à la diminution des concentrations d’ozone en Europe.
Cela dit, le respect des plafonds d’émissions proposés ne suffira pas : certaines zones fortement urbanisées resteront des « points chauds » de pollution, qui nécessiteront des mesures spécifiques pour respecter les valeurs limites et objectifs de qualité de l’air fixés. C’est le cas en Europe du Benelux et de la Vallée du Pô en Italie. En France, sont identifiées la région parisienne, les zones urbaines de Nord-Pas de Calais, de la région Rhône-Alpes, d’Alsace et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.