Dans un contexte de réchauffement climatique, les consommations d’énergie du bâti restent similaires pour les villes étendues et compactes....
Les conclusions du rapport de recherche MUSCADE, coordonné par le Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRS), ont été rendues publiques le 3 octobre, à l’occasion de la journée "Chaleur sur la ville" organisée par la région Ile-de-France et l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France.
Ce projet, qui réunit météorologues, économistes, architectes, géographes et experts du bâtiment, a permis d’évaluer l’impact de différents scénarios d’évolution de la ville de Paris à l’échelle du siècle sur le climat urbain et sur la consommation énergétique des bâtiments. Ses résultats apportent les éléments d’évaluation nécessaires aux concepteurs de la ville de demain.
Parmi les nombreuses problématiques concernant le « système ville », le projet MUSCADE s’appuie sur 3 axes de recherches sur l’énergie, la structure de la ville, et le changement climatique. Ces trois thèmes sont intimement liés, à la fois à l’échelle globale et locale : l’énergie utilisée par les villes est la source majeure des rejets anthropiques de gaz à effet de serre, qui sont la cause du réchauffement climatique global ; cette tendance globale est accentuée, à l’échelle locale, par la formation d’îlots de chaleur urbains influencés par la morphologie et la croissance des villes. Dans les contextes mondial des accords de Kyoto, européen du récent « Paquet Energie Climat », et national du Grenelle de l’environnement, les décideurs urbains sont ainsi confrontés à des questions concrètes : Quel sera le climat d’une ville en expansion soumise au changement climatique ? Sa demande énergétique pour assurer le confort thermique des habitants hiver comme été ? Ses émissions de CO2 ? Comment déployer en ville une production décentralisée d’énergies renouvelables ? Comment adapter la structure urbaine ?
L’expansion de l’agglomération parisienne, la consommation d’énergie liée au bâti, la production décentralisée d’énergie et la répartition des différents types d’énergie, la fréquence d’événements inconfortables, et les émissions de CO2 sont analysés à travers plusieurs scénarios, de nos jours à 2100 . Seront aussi simulés certains aspects socio-économiques (accessibilité au logement, durée et dépenses de transport, capital productif), afin d’identifier des stratégies d’adaptation durables de la ville au changement climatique.
Si le projet se concentre sur l’énergétique liée au bâti, qui représente 44% de la consommation d’énergie finale totale actuelle, d’autres paramètres (énergies et émissions liées au transport, cout de mise en œuvre des stratégies d’adaptation) seront estimés pour établir le domaine de validité de l’étude.
La finalité du projet MUSCADE est de sensibiliser et proposer une base de réflexion, à partir de l’exemple de l’aire urbaine parisienne, aussi bien pour le monde scientifique que pour des décideurs, et permettre d’identifier des leviers d’action pour éclairer des choix futurs en termes de réglementation du bâti, modes de production d’énergie décentralisée et aménagement urbain.
Pour représenter la ville future, des projections ont été construites en combinant des hypothèses climatiques et macroéconomiques (prix de l'énergie, croissance, démographie), mais également des hypothèses d’évolution du domaine urbain (ville étendue ou compacte), des techniques de bâti (parties constructives, réglementations) et de la production d'énergie décentralisée (technologies, choix d’implantation). Dans le cadre des scénarios et hypothèses retenus, les principaux résultats du projet MUSCADE sont les suivants :
Ville étendue ou ville compacte ?
_ L’îlot de chaleur urbain est peu influencé par les stratégies d’expansion urbaine. Toutefois, le confort thermique des habitants est dégradé en ville compacte, du fait de la concentration de population dans le centre de l’agglomération.
_ Dans un contexte de réchauffement climatique, les consommations d’énergie du bâti restent similaires pour les villes étendues et compactes.
_ L’impact d’une politique de contrôle de l’étalement urbain a peu d’influence sur les émissions de gaz à effet de serre résultant des consommations d’énergie des bâtiments. Ces émissions sont essentiellement conditionnées par les choix des technologies pour les moyens de transport.
Une ville plus verte ?
_ La végétalisation de pleine terre est plus efficace que celle des toits pour rafraîchir l’air de la ville. Les toits végétalisés ont une influence limitée sur le confort extérieur mais peuvent améliorer l'isolation du bâti.
_ Dans tous les cas, la végétation doit être suffisamment arrosée pour avoir un effet rafraîchissant en été, ce qui implique de développer des systèmes de gestion de l’eau à l’échelle locale (récupération d’eau à l’échelle du quartier ou du bâtiment). Par ailleurs, les stratégies de végétalisation de la ville sont indissociables des choix de formes architecturales, qui contraignent la surface au sol disponible.
L’énergie solaire, une énergie d’avenir ?
_ L’utilisation de panneaux solaires permet de diminuer très légèrement l’îlot de chaleur urbain. _ En climat futur, la production d’énergie solaire résultant de l’implantation massive de panneaux photovoltaïques sur les toits pourrait compenser à l’échelle annuelle la consommation d’énergie des bâtiments pour le chauffage et la climatisation.
Le rôle des usagers
Les comportements des habitants (usage raisonné/intensif de la climatisation, usage ou non de protections solaires...) jouent un rôle considérable dans la consommation d’énergie globale de la ville : leur impact est comparable aux effets de solutions techniques telles que l’isolation des bâtiments ou la végétalisation.
Les modèles utilisés :
Le système ville, son évolution et les processus liés à l’énergie sont simulés grâce à un modèle numérique développé à partir de plusieurs modèles :
_ le modèle NEDUM d’expansion urbaine (CIRED), qui reproduit les mécanismes socio-économiques sous-jacents à la dynamique du système urbain et permet de représenter son évolution des années 1900 jusqu’à la fin du 21e siècle suivant plusieurs scénarios de prospective. La morphologie à l’échelle du quartier est obtenue grâce au modèle GENIUS (LRA, CNRM-GAME), qui permet de générer des cartes archétypales et de simuler l’évolution des îlots architecturaux urbains.
_ le modèle Town Energy Balance (CNRM-GAME), qui simule le microclimat urbain à partir des processus physiques liés à la géométrie urbaine. Le calcul du bilan interne du bâti permet de représenter la consommation énergétique de la ville.
Une analyse par le LIENSs de l’expansion passée de l’agglomération parisienne et une étude de l’énergétique du bâtiment par le CSTB ont permis d’analyser les incertitudes associées à ce type de modèles.
Le projet MUSCADE est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et coordonné par le Centre national de recherches météorologiques - Groupe d’étude de l’atmosphère météorologique (CNRM-GAME, Météo-France/CNRS). Il réunitaussi des scientifiques du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED, CNRS/École des ponts ParisTech/EHESS/AgroParisTech /CIRAD) et du laboratoire « Littoral environnement et sociétés » (LIENSs, CNRS/Université de La Rochelle). Sont également impliqués le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), le Laboratoire de recherche en architecture (LRA) et l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France (IAU IdF).