L’accès à l’éclairage naturel, pas un frein mais une source de bien-être… Part. I
Un guide réalisé et publié par l’ARENE Île-de-France et l’ICEB sur consacré à l’éclairage naturel dans les constructions.
S’adressant à tous les acteurs de la filière de la construction pour lesquels, le guide propose des outils permettant de mieux comprendre et maîtriser les enjeux de l’éclairage naturel.
En effet, la conception d’espaces agréables à travers les nouvelles réglementations qui imposent de nouvelles exigences, pose certaines réflexions sur la notion architecturale et technique notamment sur le poste de l’éclairage.
Quelles caractéristiques de la lumière, quelles ambiances lumineuses, quels effets de la lumière sur le confort et la santé, autant de questions à pénétrer dans un souci de compréhension afin d’aborder de multiples solutions d’optimisation vers les meilleurs choix.
L’accès à la lumière n’est pas un frein, mais une source de bien-être, dans lequel il doit être l’un des liens principaux dans les échanges entre le maître d’ouvrage et toutes les parties prenantes au moment du programme et de la conception.
La conception de l’éclairage naturel d’un bâtiment est indissociable des questions de performance thermique et de confort d’été qui peuvent générer des exigences contradictoires.
Les enjeux liés à la lumière naturelle sont nombreux. On peut évoquer ses impacts sur la santé et le bien-être, ou encore sur les consommations d’éclairage artificiel, de chauffage et de climatisation.
Au XXIe siècle, de nouveaux enjeux sont apparus sous la forme des performances environnementales du cadre bâti dans le but de limiter les impacts environnementaux tout en optimisant le confort et la santé des usagers. Les premières démarches environnementales mises en œuvre ont proposé des indicateurs et des niveaux de performances qui ont ensuite été intégrés par les référentiels de certification environnementale.
La plupart des nouveaux projets de construction ou de réhabilitation en Île-de-France mettent en œuvre une démarche environnementale certifiée ou non, par un ou plusieurs organismes. Bien que ces démarches n’aient aucun caractère obligatoire, les maîtres d’ouvrage peuvent choisir de s’y plier pour des raisons de compétitivité du marché et/ou par motivation pour le développement durable. Ces démarches favorisent globalement l’utilisation de la lumière naturelle et poussent la conception à garantir des niveaux optimums d’éclairement et d’uniformité en lumière naturelle, à proposer des accès aux vues ou encore à mettre en place un contrôle solaire optimisé. La conception doit ainsi trouver un compromis entre les critères de confort lumineux et thermique ainsi que des objectifs énergétiques de plus en plus exigeants.
Dans les bâtiments tertiaires, la part de l’éclairage artificiel peut représenter jusqu’à 40 % de l’électricité consommée [ADEME, 2007] [GREENLIGHT, 2002] ; d’où l’importance de la maîtrise de l’éclairage naturel dans la conception bioclimatique. Les effets moins aisément quantifiables de la lumière naturelle sur le bien-être, la santé et la productivité sont également à prendre en considération.
La densité urbaine dans laquelle s’inscrit un projet influence considérablement le potentiel d’utilisation de la lumière naturelle. La région Ile-de-France présente une forte densité urbaine rendant parfois difficile l’optimisation de la pénétration de la lumière naturelle.
À ce jour, les démarches de certification environnementale ne tiennent pas compte de la densité urbaine pour l’application des exigences relatives à l’éclairage naturel. Par conséquent les bâtiments situés en contexte urbain dense auront plus de difficultés à être conformes que ceux sur un site dégagé. Il s’agira donc d’effectuer un travail d’optimisation en plaçant, par exemple, les postes de travail à proximité des baies, en spécifiant des facteurs de réflexion des parois élevés afin d’augmenter les réflexions lumineuses ou encore de préconiser des solutions d’éclairage zénithal ou second jour pour bénéficier d’un accès à la lumière naturelle en fond de pièce ou dans les circulations.
Le climat lumineux du site influence le potentiel en éclairage naturel et donc la conception. Dans cet ouvrage, nous avons considéré le climat lumineux de l’Île-de-France pour les divers résultats présentés. Les conclusions sont par conséquent valables pour la région Île-de-France et ne peuvent être transposées à d’autres climats sans un approfondissement préalable.
La lumière à travers l’histoire…… :
Le rapport de l’architecture à la lumière du jour marque souvent les moments décisifs de son évolution. Le rôle de la lumière est déterminant dans la conception de l’espace, sa perception, sa symbolique. Une brève historiographie de l’antiquité à nos jours, permet de comprendre le sens de cette relation.
Antiquité et Moyen-âge
Durant l’antiquité, le seul moyen de faire entrer la lumière naturelle à l’intérieur d’un bâtiment était à l’aide de percements.
La relation architecture et lumière est exemplaire avec le Panthéon de Rome (1er siècle av. J-C) dont le zénith ouvert d’un cercle de lumière ajoute à la magie du lieu. Cet oculus sommital de 8,7 m de diamètre est l’unique source de lumière naturelle. Selon le type de ciel, l’oculus projettera un ovale de lumière net et découpé si le ciel est clair ou bien l’ovale sera moins découpé voire complètement diffus si le ciel est couvert et selon la couverture nuageuse. La combinaison du type de ciel, de l’heure et du jour de l’année rend chaque instant à l’intérieur de l’édifice visuellement unique.
L’architecture religieuse réutilisera ce symbole dans le rapport très contrasté entre la masse construite, épaisse et sombre et les rayons lumineux qui traversent les fins percements des abbayes romanes, comme une lumière divine venant briser les ténèbres. Au Thoronet (XIIe siècle), les rares et étroites fenêtres percent des murs de 1,60 à 1,80 mètre d’épaisseur. La lumière provençale donne vie à son architecture dépouillée, elle sculpte la pierre. Elle s’intensifie aux heures extrêmes du soleil, le levant et le couchant, coïncidant avec les heures les plus importantes des offices : les laudes et les vêpres.
Le moyen-âge voit par ailleurs apparaître le développement du vitrail, des petits morceaux de verre qui sont soudés entre eux. Principe qui est souvent utilisé pour réaliser des motifs.
La découverte de la voûte en ogive, de la croisée d’ogive et de l’arc-boutant permet l’allègement des structures et la construction des cathédrales gothiques. L’architecture gothique établit alors un rapport inédit à la lumière naturelle : l’espace des cathédrales est inondé de lumière. Celle-ci incarne une nouvelle métaphysique, symbole de clarté, d’illumination, d’intelligibilité, la vera lux divine de la connaissance par opposition aux ténèbres, à l’ignorance et à l’occultisme.
Siècle des Lumières
Durant la période des Lumières (dont l’impact dépasse le domaine de l’architecture), la Raison, la Science remplacent la vérité divine pour éclairer l’humanité. Elles se matérialisent en architecture par les jeux d’optiques, de perspectives, de miroirs, de rythme et de trompe l’œil.
Au XIVe siècle apparaissent notamment les feuilles de verre planes créées par Philippe Cacqueray et la première verrerie à vitre naît à Bézu-la-Forêt dans l’Eure.
Connu des Romains, l’usage du verre à vitre était jusqu’alors peu répandu dans l’architecture civile. Les baies étaient fermées par des moyens rudimentaires : volets de bois, toiles cirées, peaux ou papiers huilés protégés de grillages et peu favorables à l’éclairage naturel.
Au siècle des Lumières, on invente les premières tables de coulage de vitrage qui permettent de produire des miroirs et vitrages transparents de grandes dimensions. La Manufacture royale de glaces de miroirs est fondée en 1665 pour réduire la dépendance de la France aux productions de verre vénitiennes. Louis Lucas de Nehou y met au point le coulage des glaces et entre 1678 et 1684, la manufacture participe à la construction de la Galerie des Glaces du château de Versailles. En 1693, elle s’établit en Picardie à Saint-Gobain.
Période moderne
L’époque moderne bénéficie des progrès techniques de l’industrie verrière. Les sheds des ateliers industriels apparaissent dès la première moitié du XIXe siècle sur les toitures des fabriques de textile en Angleterre. Les nouveaux modes de fabrication et de laminage produisent des vitrages de grandes dimensions, et rendent possible la construction de grandes verrières comme celles du Crystal Palace à Londres (1851), et du Grand Palais à Paris (1900).
Le progrès technique permet aussi à la fée électricité d’apporter de l’éclairage artificiel. En 1879, Thomas Edison développe l’ampoule électrique. L’architecture à la fois se libère des besoins d’éclairage naturel et s’appauvrit par la disparition des multiples formes imaginées pour y répondre : lucarne, lanterneau, jour de souffrance, shed, puits de lumière, verrière, coupole vitrée...
Durant la première moitié du XXe siècle, Le Corbusier prône le principe de lumière naturelle en continu. Dans ses « cinq points d’une architecture moderne » (1927), le Corbusier propose la fenêtre en longueur rendue possible par la construction en acier et en béton armé. Opposées aux fenêtres classiques verticales, elles améliorent l’éclairage naturel avec une radicalité presque hygiéniste. Pourtant dès 1923, il donne une définition intemporelle de l’architecture comme le « jeu savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière. »
Les appartements des Cités Radieuses construites au début des années 1950 sont souvent traversants, plutôt profonds et étroits qui offrent un accès à la lumière naturelle dans la plupart des espaces.
Architecture contemporaine
L’architecture contemporaine joue avec la lumière naturelle de multiples manières. Pour Louis Kahn (1901-1974), la lumière ajoute à la monumentalité des espaces, il définit l’architecture comme « le seuil entre le silence et la lumière » : “Même une pièce qui doit être obscure a besoin au moins d’une petite fente pour qu’on se rende compte de son obscurité. Mais les architectes qui aujourd’hui dessinent des pièces ont oublié leur foi en la lumière naturelle. Assujettis à la facilité d’un interrupteur, ils se contentent d’une lumière statique et oublient les qualités infinies de la lumière naturelle grâce à laquelle une pièce est différente à chaque seconde de la journée.” [Louis Kahn, Silence et Lumière, Editions du Linteau, 1996].
De même, les fentes de lumières sont devenues une figure habituelle de l’architecture de Tadao Ando (Maison Azuma, 1976, Koshino, 1979, Église de Lumière, 1987...).
Peter Zumthor utilise le même effet de contraste au Kolumba Kunstmuseum (Cologne, Allemagne). La lumière pénètre dans un filtre créé par de légers décalages des briques de la façade. Zumthor a su également utiliser les nouvelles technologies de matériaux translucides (de type polycarbonate) tout comme nombre de ses confrères : Herzog & De Meuron (Laban Dance Centre), Holl (Ambassade Suisse), Lacaton & Vassal (École d’Architecture de Nantes)...
À Bregenz, le musée que Zumthor a réalisé est un bel exemple de réussite d’intégration de la lumière naturelle dans une conception contemporaine. Le bâtiment est constitué d’un monolithe de trois étages dont la peau en écailles de verre dépoli diffuse la lumière naturelle dans le bâtiment. Celle-ci ne pénètre pas directement les salles d’exposition dont les parois sont opaques, elle rentre dans un épais plenum en faux-plafond, entre chaque étage, s’y reflète pour être diffusée par le plafond des salles. L’effet y est particulièrement saisissant.
Le XXIe siècle impose des exigences plus fortes aux architectes et aux autres acteurs de la construction, en matière de respect de l’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique. Ils doivent composer avec des exigences énergétiques de plus en plus contraignantes pour arriver à des bâtiments zéro énergie en 2020 pour la France.
Ces contraintes amènent de plus en plus les maîtres d’œuvre à être conscients du triptyque lumière naturelle / surchauffes / déperditions. Il s’agit d’optimiser l’équilibre entre la performance thermique de l’enveloppe (Ubat, Facteur solaire, confort thermique) et sa performance en éclairage naturel (FLJ, transmission lumineuse, confort lumineux) en tenant compte des exigences programmatiques spécifiques à l’opération. Ces exigences peuvent se baser sur des retours d’expérience ainsi que des exigences réglementaires, des certifications environnementales, des recommandations locales ou divers garde-fous.