L’intérêt des méthodes prédictives physico-chimiques pour mesurer les propriétés dangereuses de certaines substances - REACh : PREDIMOL
Le projet PREDIMOL piloté par l’INERIS contribue à démontrer que la modélisation moléculaire est une alternative pertinente à l’expérimentation de laboratoire pour caractériser les propriétés physico-chimiques des substances. Des modèles prédictifs, utilisables notamment dans le cadre de la mise en œuvre du règlement européen REACh, ont ainsi été développés pour évaluer les dangers des peroxydes organiques et des amines.
Le règlement REACh exige que les industriels évaluent les propriétés des substances, susceptibles de présenter un risque pour l’homme et l’environnement, qu’ils commercialisent. Il s’agit d’évaluer les caractéristiques toxiques et écotoxiques, mais aussi les propriétés physico-chimiques. Les dossiers d’enregistrement doivent renseigner 14 à 17 catégories en fonction de la quantité de substances produites ou importées, en particulier les propriétés dangereuses : l’explosibilité, l’inflammabilité et le pouvoir oxydant.
Le projet «Prédiction des propriétés physicochimiques des produits par modélisation moléculaire » vise à développer des méthodes capables d’estimer précisément, quantitativement et rapidement les propriétés physico-chimiques nécessaires à l’enregistrement des substances dans REACh. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche et coordonné par l’INERIS, PREDIMOL associe l’Institut, IFP Energies Nouvelles, Chimie Paris Tech, le Laboratoire de Chimie-Physique de l’Université de Paris-Sud XI, Materials Design et Arkema.
Deux modèles prédictifs publiés
Conduit entre 2010 et 2014, le projet PREDIMOL s’est concentré sur deux types de méthodes prédictives : les QSPR (Quantitative Structure-Property Relationship) et la simulation moléculaire (Dynamique Moléculaire, méthodes de Monte-Carlo). Il a permis d’effectuer un recensement et une analyse critique des modèles prédictifs existants en physico-chimie et de constituer une nouvelle base de données expérimentale, fiable et homogène, fondée sur des essais réalisés par l’INERIS et Arkema. Cette base renseigne cinq propriétés (stabilité thermique, point d’éclair, densité relative, sensibilité à l’impact, puissance explosive) pour 38 peroxydes organiques.
Au sein de PREDIMOL, les équipes de l’INERIS, de Chimie ParisTech, de l’IFPEN et de Materials Design ont pu développer des modèles pour plusieurs propriétés des peroxydes organiques et des amines comme la densité relative, le point d’éclair, les propriétés explosives, l’inflammabilité, la température d’auto-inflammation, le point d’ébullition. Deux modèles QSPR sur la stabilité thermique des peroxydes organiques ont ainsi été publiés (chaleur et température de décomposition). Dans une démarche d’acceptabilité réglementaire, ces deux modèles vont être proposés à la QSAR Tool Box1 de l’OCDE et à la base de données du Joint Research Centre (JRC) de la Commission Européenne.
La plate-forme MEDEA conçue par Materials Design a été améliorée par de nouveaux développements issus du projet PREDIMOL, pour automatiser la préparation, la soumission et l’analyse de très grandes quantités de calcul de propriétés physico-chimiques. La plate-forme est désormais en mesure de réaliser 800 à 900 prédictions dans un temps très court (1 à 2 jours).
Les méthodes prédictives : des outils de screening... et d’aide à la décision
Dans le cadre de REACh ou d’autres réglementations (règlement CLP sur la classification et l’étiquetage des produits chimiques...), qui nécessitent de produire des données manquantes sur les substances chimiques, les méthodes prédictives présentent l’avantage de faciliter les processus de caractérisation physico-chimique, notamment par des gains de temps et de coût.
Au-delà de l’aspect réglementaire, les méthodes prédictives contribuent à l’identification précoce de dangers physico-chimiques et à une meilleure compréhension des réactions chimiques dangereuses. De fait, ces méthodes ont un rôle à jouer dans le développement de nouveaux produits, en amont de l’étape expérimentale, dans le cadre d’approches R&D de type « safety by design » ou dans la mise en œuvre de politiques de substitution de produits dangereux.
La caractérisation des dangers des substances chimiques dans REACh
Le règlement européen REACh2, entré en vigueur en France le 1er juin 2007, représente une évolution majeure dans le domaine des substances chimiques. La mise en œuvre de REACh doit permettre, grâce à la procédure d’enregistrement, d’obtenir des informations sur les risques potentiels générés par les substances chimiques afin d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement. C’est dans cette perspective que l’INERIS met son expertise scientifique pluridisciplinaire (toxicologie, écotoxicologie, physico-chimie) au service des industriels et des pouvoirs publics sur la mise en œuvre du règlement.
La physico-chimie des substances, exigence moins bien connue de REACh
Le règlement REACh exige que les industriels évaluent les propriétés des substances, susceptibles de présenter un risque, qu’ils mettent sur le marché : l’enjeu le plus manifeste porte sur les caractéristiques toxiques et écotoxiques de ces substances. Cependant REACh requiert également un grand nombre de données sur les caractéristiques physico-chimiques de chaque substance.
Les dossiers d’enregistrement doivent renseigner quatorze à dix-sept catégories en fonction de la quantité de substances produites ou importées. Dans ces catégories, REACh s’intéresse particulièrement aux propriétés qui peuvent présenter un danger : « sont évalués au minimum les effets potentiels sur la santé humaine des propriétés physico-chimiques suivantes : l’explosibilité, l’inflammabilité et le pouvoir oxydant » (annexe I).
Cette évaluation nécessite de renseigner des données sur plusieurs caractéristiques : le point d’éclair d’une substance ; ses propriétés inflammables (contact avec une source d’inflammation, contact avec l’eau, propriété pyrophorique) ; ses propriétés explosives (sensibilité thermique, sensibilité au choc, sensibilité aux frictions); sa température d’auto-inflammation et ses propriétés comburantes.
L’INERIS dans la mise en œuvre de REACh
L’INERIS est impliqué depuis l’origine dans la mise en œuvre du règlement : depuis 2009, l’Institut assure pour le compte du Ministère chargé de l’Ecologie le « Service National d’Assistance sur les aspects réglementaires et techniques du règlement REACh », qui est mis à disposition des industriels. L’INERIS conduit également des travaux de recherche dans le but de développer des méthodes alternatives en expérimentation animale (essais in vitro sur cellules et modèles numériques in silico). Les équipes de l’Institut sont ainsi en mesure d’accompagner les industriels sur la constitution des dossiers d’enregistrement et elles participent au développement d’une expertise française, reconnue à l’international, en intervenant auprès des acteurs européens (ECHA, industriels, structures publiques-privées).
L’INERIS intervient sur le volet de caractérisation physico-chimique, en particulier sur l’évaluation des propriétés dangereuses des substances chimiques. Les équipes scientifiques ont notamment travaillé pour développer des modèles numériques capables de prédire les propriétés explosives des composés nitrés, comme le TNT, la nitroglycérine ou l’acide picrique. L’un de ces modèles a fait l’objet d’une démarche d’acceptabilité réglementaire : il a été présenté et accepté en avril 2012 dans la QSAR Tool Box9 de l’OCDE et de l’ECHA. Ce modèle est le premier modèle physico-chimique à intégrer la Tool Box : l’intégration sera effective dans la version 3 de l’outil, dont la sortie est prévue en octobre 2014.
Les objectifs de PREDIMOL : les méthodes prédictives, alternative à l’approche expérimentale ?
Le projet PREDIMOL « Prédiction des propriétés physico-chimiques des produits par modélisation moléculaire » est un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche impliquant des partenaires publics et privés. Piloté par l’INERIS, il associe l’Institut, IFP Energies Nouvelles, Chimie Paris Tech, le Laboratoire de Chimie-Physique de l’Université de Paris-Sud XI, Materials Design et Arkema.
Le projet PREDIMOL est né de la volonté de démontrer que la modélisation moléculaire est une alternative pertinente au recours à l’expérimentation de laboratoire en physico-chimie, en particulier dans la mise en œuvre de REACh.
Plus précisément, le projet a pour ambition de :
• développer des méthodes permettant d’estimer de manière précise, quantitative et rapide les propriétés physico-chimiques nécessaires à l’enregistrement des substances dans REACh ;
• valider et faire reconnaître ces modèles au niveau réglementaire, afin de pouvoir les diffuser auprès des industriels et des instances d’expertise en charge des dossiers REACh ;
• développer des outils automatisés de calcul haut débit, dimensionnés aux exigences de REACh, pour produire des données en grande quantité.
Un gain de coût et de temps dans la réponse aux exigences réglementaires
Dans le cadre de REACh, qui exige l’évaluation d’un très grand nombre de substances, les méthodes prédictives présentent l’avantage de faciliter les processus de caractérisation physico-chimique.
Assurément, ne se pose pas la question éthique, fondamentale pour le développement des méthodes prédictives en toxicologie (dans l’optique de réduire les essais sur animaux). Cependant, au regard des essais expérimentaux, les méthodes prédictives en physico-chimie présentent elles aussi un réel intérêt pour un industriel: elles sont moins coûteuses, beaucoup plus rapides et elles préservent la disponibilité des laboratoires.
Dans un cadre réglementaire plus général (réglementation CLP10, Transport de Matières Dangereuses, Fiche de Données de Sécurité), les méthodes prédictives permettent d’obtenir les données manquantes sur les substances.
Des perspectives plus larges : une aide à la décision en amont de la conception des produits
Au-delà de l’aspect strictement réglementaire, les méthodes prédictives contribuent à l’identification précoce de dangers physico-chimiques et à une meilleure compréhension des réactions chimiques dangereuses (vieillissement et décomposition dangereux, incompatibilité chimique).
De fait, ces méthodes ont un rôle à jouer dans le développement de nouveaux produits chimiques, en amont de l’étape expérimentale, dans le cadre d’approches R&D industrielles de type « safety by design ».
Par ailleurs, les méthodes prédictives pourraient s’avérer fort utiles au service des logiques actuelles de substitution : substitution de substances dangereuses par d’autres qui le sont moins ; identification de produits moins nocifs pour de nouveaux procédés ou en vue d’améliorer la sécurité de procédés existants.
Les résultats de PREDIMOL : des outils utilisables dans le cadre de REACh
La richesse des résultats du projet PREDIMOL confirme que les méthodes prédictives sont une alternative crédible à l’approche expérimentale dans le cadre de la mise en œuvre du règlement REACh.
Conduit entre novembre 2010 et mai 2014, le projet s’est concentré sur deux types de méthodes prédictives : les QSPR (Quantitative Structure-Property Relationship) pour les propriétés dangereuses et les méthodes de simulation moléculaire (Dynamique Moléculaire, méthodes de Monte-Carlo) pour les propriétés d’équilibre (pression de vapeur...) et les propriétés de transport (viscosité...). Le projet PREDIMOL a porté sur deux familles de molécules cibles : les peroxydes organiques et les amines.
Un état des lieux des modèles prédictifs en physico-chimie
Un recensement des modèles prédictifs existants pour le calcul des propriétés physico-chimiques a été réalisé, sur la base de plus de 700 références bibliographiques. Les performances et les limites de chaque approche ont fait l’objet d’une analyse critique, disponible prochainement dans le cadre d’une publication scientifique.
Par ailleurs, le projet a donné lieu à un inventaire des données disponibles sur les deux familles de substances étudiées : on dénombre des données sur les propriétés explosives de 116 peroxydes organiques. Concernant les amines, les travaux ont révélé une grande disponibilité de données.
Une base de données expérimentale fiable
Une base de données expérimentale a été constituée sur 38 peroxydes organiques. Cette base de données est la base de données la plus homogène jamais constituée après la Datatop11. Elle regroupe les données sur cinq propriétés physico-chimiques (stabilité thermique, point d’éclair, densité relative, sensibilité à l’impact, puissance explosive).
Cette base a été alimentée par des campagnes d’essais expérimentaux de caractérisation réalisées par l’INERIS et Arkema : essais sur la chaleur et la température de décomposition, sur la densité, sur le point d’éclair, sur la sensibilité au choc (chute de masse), tirs au mortier balistique.
Deux modèles prédictifs engagés dans une démarche de validation réglementaire
PREDIMOL a permis de développer des modèles pour plusieurs propriétés des peroxydes organiques et des amines comme la densité relative, le point d’éclair, les propriétés explosives, l’inflammabilité, la température d’auto- inflammation, le point d’ébullition. L’INERIS et Chimie ParisTech ont plutôt étudié les modèles QSPR tandis que le travail de l’IFPEN a porté sur les méthodes de simulation moléculaire.
Par le biais d’une thèse co-encadrée par l’INERIS et Chimie ParisTech, deux modèles QSPR sur la stabilité thermique des peroxydes organiques ont ainsi été publiés (chaleur et température de décomposition).
Ces deux modèles répondent aux critères de validation de l’OCDE et dans une démarche d’acceptabilité réglementaire, ils vont être proposés à la QSAR Tool Box et à la base de données du Joint Research Centre (JRC) de la Commission Européenne.
Une plate-forme de calcul haut-débit
La plate-forme MEDEA conçue par Materials Design a été améliorée par de nouveaux développements issus du projet PREDIMOL, qui ont étendu ses fonctionnalités.
Ces développements permettent dorénavant d’automatiser la préparation, la soumission et l’analyse de très grandes quantités de calcul de propriétés physico-chimiques par des méthodes de modélisation atomistique.
Les développements réalisés dans le cadre du projet PREDIMOL accroissent la capacité de MEDEA : la plate-forme est en mesure de réaliser près d’un millier de prédictions dans un temps plus court (1 à 2 jours) que la voie expérimentale.