De l’hydrogène rentable à partir d’eau et du rayonnement solaire et sans métaux rares
Sciencemag a publié le 26 septembre dernier les dernières avancées du laboratoire de Michael Grätzel, à l’EPFL, dans le domaine de la production d’hydrogène à partir d’eau et du rayonnement solaire. En combinant une paire de cellules solaires à perovskite et des électrodes à bas prix et sans métaux rares, les scientifiques ont obtenu un taux de conversion du soleil vers l’hydrogène de 12,3%, un record avec des matériaux si abondants.
La course au rendement de l’énergie solaire se joue sur plusieurs fronts. Panneaux photovoltaïques au silicium de plus en plus performants, cellules à colorant, cellules à concentration et centrales solaires thermodynamiques visent tous un même objectif : produire un maximum d’électrons à partir des rayons du soleil.
Au Laboratoire de photonique et interfaces de l’EPFL, dirigé par
Michael Grätzel, on ne s’est pas contenté d’inventer les cellules solaires à colorant, qui imitent la photosynthèse des plantes. Depuis plusieurs années, on s’intéresse également à la mise au point de processus visant à l’extraction d’hydrogène par électrolyse de l’eau. Soit en utilisant des cellules photoélectrochimiques, qui séparent directement l’eau en hydrogène et oxygène sous l’effet de la lumière, soit en combinant des cellules, qui produisent de l’électricité, à un electrolyseur qui sépare les molécules d’eau.
C’est en recourant à un montage de ce type que Jingshan Luo, post-doctorant au laboratoire du professeur Grätzel, a pu obtenir un rendement si spectaculaire qu’il lui vaut une publication, aujourd’hui, dans la prestigieuse revue Science. Son dispositif convertit en énergie électrique 12,3% de celle que le soleil diffuse sur ses capteurs à perovskite – un cristal que l’on peut obtenir en laboratoire à partir de matériaux courants, du genre de ceux utilisés dans les batteries d’automobile.
Du soleil en bouteilles :
Une telle valeur fait de ce dispositif un véritable concurrent aux autres techniques utilisées pour transformer l’énergie du soleil. Il comporte de nombreux avantages.
D’une part, ni le capteur, ni les électrodes ne nécessitent le recours à des matériaux rares ou chers. «Tant la persovskite des cellules que la combinaison de nickel et de fer qui compose les électrodes utilisent des ressources abondantes sur Terre et bon marché, reprend Jingshan Luo. Or nos électrodes fonctionnent tout aussi bien que les modèles à base de platine – très chers – qui sont utilisées habituellement.»
D’autre part, la transformation de l’énergie solaire en hydrogène rend possible son stockage – ce qui répond à l’un
des plus grands inconvénients que rencontre l’électricité d’origine renouvelable : cette exigence de devoir l’utiliser au moment même où elle est produite. «Une fois que vous avez de l’hydrogène, vous le stockez dans une bouteille et pouvez en faire ce que vous voulez, quand vous le voulez», souligne Michael Grätzel. Le gaz peut en effet être brûlé – dans une chaudière ou dans un moteur – en ne rejetant que de la vapeur d’eau. Il peut aussi passer dans une pile à combustible pour produire de l’électricité à la demande. C’est dans ce cas de figure que les travaux de l’EPFL permettent désormais d’atteindre un rendement de 12,3%, «qui ne va pas tarder à s’améliorer encore», promet le professeur.
Des cellules plus puissantes :
Ces valeurs reposent sur une caractéristique propre aux cellules à perovskite : leur capacité à générer une tension électrique supérieure à 1 V, alors que les cellules au silicium s’arrêtent à 0,7 V. «Il faut une tension de 1,7 V ou plus pour que l’électrolyse de l’eau se produise et que les gaz soient exploitables, explique Jingshan Luo. Cela nécessite donc la mise en série de trois cellules au silicium ou plus, alors que deux cellules à perovskite suffisent. D’où une efficacité augmentée, relativement à la surface de capteurs requise. De fait, c’est la première fois que nous parvenons à produire une électrolyse avec deux cellules seulement!»
Les bulles qui s’échappent des électrodes sitôt que les cellules sont exposées à la lumière le disent mieux que des mots : l’association du soleil et de l’eau ouvre une voie royale pour développer l’énergie du futur.