Face aux multinationales qui violent les droits humains : #FaitesPaslAutruche
Amnesty International France a lancé, le 23 septembre dernier, une campagne intitulée #FaitesPaslAutruche pour dénoncer le vide juridique entourant les multinationales responsables de violations des droits humains et demander que leur responsabilité soit engagée partout où elles opèrent, y compris à travers leurs filiales et sous-traitants.
« Cette campagne vise à mobiliser le grand public et à interpeller les décideurs, alors qu’une proposition de loi dort à l’Assemblée nationale depuis près d’un an », explique Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France.
Pollution pétrolière au Nigeria, déversements de déchets toxiques en Côte d’Ivoire, fuite de gaz mortel en Inde*… les violations des droits humains commises par certaines multinationales implantées sur plusieurs territoires se font en toute impunité et les victimes n’obtiennent que rarement réparation. En effet, les entités d’un groupe multinational peuvent être juridiquement indépendantes les unes des autres. Le siège de certaines multinationales peuvent ainsi se dégager de leurs responsabilités, notamment en matière d’atteinte aux droits humains, en n’assumant pas les actes de leurs filiales et sous-traitants alors que ces actes auraient pu être évités en exerçant la vigilance nécessaire.
Amnesty International appelle la France à se doter d’une loi pour y remédier.
« L’Etat a le devoir de s’assurer que les entreprises respectent les droits humains partout où elles opèrent, François Hollande s’y est engagé**, déclare Geneviève Garrigos. Aujourd’hui, la France est face à un choix : agir pour que les entreprises soient tenues responsables des violations des droits humains résultant de leurs activités ou faire l’autruche. »
Depuis plus de 10 ans, Amnesty International enquête sur des entreprises transnationales et a identifié les obstacles qui empêchent les victimes de demander réparation. Des solutions existent. Pour prévenir de nouveaux drames, des députés ont déposé, en 2013, une proposition de loi visant à imposer une vigilance accrue des sociétés mères vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux, ce qui va dans le sens des propositions d’Amnesty International***.
#FaitesPaslAutruche !
Décrypter la responsabilité mère-filiales en 2 minutes 30
Pour expliquer la problématique complexe de la chaîne de responsabilité entre l’entreprise-mère et ses filiales et sous-traitants, Amnesty International France présente un film d’animation de 2min30, avec la voix de Lambert Wilson, relayé sur le site www.faitespaslautruche.org. Ce film a été réalisé par l’agence Adesias.
Ce matin, une équipe d’Amnesty International France s’est rendue sur des lieux symboliques de la capitale (Bercy, l’Assemblée nationale) avec deux autruches la tête dans le sol, encadrant le slogan "Face aux multinationales qui violent les droits humains : #FaitesPaslAutruche", pour interpeller dirigeants, entreprises et citoyens.
La création des autruches a été réalisée par Emilie Benoist, artiste plasticienne, qui soutient très régulièrement l'action d'Amnesty International France.
INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES :
En novembre 2013, quatre groupes parlementaires ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi*** « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ». Cette proposition incite notamment la France à adapter en droit français les Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme et donc à imposer une obligation de vigilance aux sociétés mères vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants, ce qui va dans le sens des propositions d’Amnesty International.
* Lien vers les exemples : http://www.amnesty.fr/AI-en-action/Lutter-contre-la-pauvrete/Acteurs-economiques/Actualites
** Le 12 avril 2012, François Hollande, alors candidat à la Présidentielle avait déclaré en réponse au Manifeste d’Amnesty International.: « Je souhaite que soient traduits dans la loi les principes de responsabilité des maisons-mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger lorsqu’ils provoquent des dommages environnementaux et sanitaires. »
***Voir http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion1524.pdf et http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1519.asp
LE RÔLE DES MULTINATIONALES :
3 décembre 1984, Bhopal (Inde) : l’explosion d’une usine de pesticide (filiale de la firme américaine Union Carbide) entraîne la mort de plus de 20.000 personnes, quand plus de 570.000 personnes sont exposées à des gaz toxiques. Trente ans après, des milliers de personnes continuent de souffrir des conséquences de la catastrophe et sont victimes d’une grave pollution environnementale. Pourtant, les responsables, identifiés, de l’une des plus meurtrières catastrophes industrielles du XXe siècle continuent d’échapper à la justice…Ils ne sont pas les seuls et cette impunité doit et peut cesser.
Aujourd’hui, la moitié des 100 premières puissances économiques mondiales sont des Etats. L’autre, ce sont des multinationales. Ces entreprises, très puissantes, ont des filiales ou des sous-traitants répartis dans le monde entier. C’est dans ce maillage que réside le problème : selon le droit des sociétés, chaque entité nationale est juridiquement indépendante des autres. En clair, le siège d’une multinationale peut se dégager de ses responsabilités, notamment en matière d’atteinte aux droits humains, en n’assumant pas les conséquences des agissements de ses partenaires commerciaux.C’est donc pour dénoncer et remédier à ce vide juridique qu’Amnesty International France se bat, au côté d’autres associations (notamment le CCFD, Sherpa et le Collectif Ethique sur l’étiquette, rassemblées au sein du Forum citoyen pour la RSE), car des solutions existent. Les États peuvent en effet adopter des cadres juridiques et politiques plus stricts et contraignants afin d’obliger les entreprises à rendre des comptes lorsque leurs activités bafouent les droits humains. La France pourrait même donner l’exemple : en novembre 2013, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale pour encadrer les activités des multinationales et les contraindre à respecter les droits humains à travers leurs activités. Or, un an après, cette loi n’a toujours pas été débattue…
Shell et le gouvernement nigérian continuent d'ignorer la pollution catastrophique dans le delta du Niger
L'incapacité structurelle du gouvernement nigérian et du géant pétrolier Shell à nettoyer l'épouvantable pollution aux hydrocarbures dans le delta du Niger est aujourd'hui qualifiée de « honteuse » par un groupe d'organisations nigérianes et internationales.
Un rapport accablant, publié ce 4 août par la branche européenne de Friends of the Earth, Amnesty International, Environmental Rights Action (ERA), Platform et le Centre pour l'environnement, les droits humains et le développement (CEHRD), révèle l'absence scandaleuse de mesures prises par Shell et le gouvernement nigérian pour nettoyer la pollution en pays ogoni, en dépit des recommandations émises par une étude de premier plan publiée par les Nations unies il y a exactement trois ans.
En 2011 , le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a publié une étude scientifique sur le pays ogoni, dans le delta du Niger, laquelle a mis au jour une pollution aux hydrocarbures généralisée, de graves risques en matière de santé pour les populations – dont la pollution de l'eau potable, une donnée auparavant inconnue – et les carences intrinsèques des mesures de Shell supposées nettoyer les fuites de pétrole.
Godwin Ojo, de la branche nigériane de Friends of the Earth, donne des explications : « Trois ans plus tard, le gouvernement et Shell se sont contentés de mettre en place des opérations qui ressemblent à des mesures réelles mais ne sont en réalité que des faux-semblants. Cette absence de véritables mesures face aux preuves scientifiques irréfutables est scandaleuse. Le gouvernement nigérian et Shell restent en réalité impunis malgré les atteintes à l'environnement et aux droits humains dont ils sont responsables dans le delta du Niger. »
L'étude publiée par les Nations unies, menée à la demande du gouvernement nigérian et financée par Shell, a révélé les graves carences du gouvernement nigérian concernant la régulation et la supervision d'entreprises comme Shell. En outre, le rapport dénonce l’absence structurelle d'intervention effective de Shell face aux déversements de pétrole signalés depuis de nombreuses années. L'ONU explique que ses experts ont détecté des pollutions sur des sites que Shell avait pourtant affirmé avoir nettoyés.
"En dépit du monceau de preuves qui s'accumulent sur les mauvaises pratiques de Shell, l'entreprise a réussi jusqu'à présent à échapper à son devoir de remédier aux dégâts qu'elle a provoqués. Le rapport du PNUE était clair : Shell n'a pas nettoyé les fuites de pétrole de façon satisfaisante. Son dispositif de nettoyage était fondamentalement déficient et par conséquent, des dizaines de milliers de personnes ont été exposées à long terme à la pollution et à des risques en matière de santé."
Audrey Gaughran, directrice du programme Afrique
Depuis l'étude des Nations unies en 2011, Shell a défendu et continué d'utiliser des méthodes déclarées inefficaces par le rapport de l'ONU pour nettoyer les fuites de pétrole. Ce rapport, faisant état de l'absence d'avancées, souligne par ailleurs que Shell manipule l'information pour éviter de rendre des comptes concernant des oléoducs anciens et peu étanches, qui sont si vieux que l'entreprise refuse de rendre public leur âge ou leur état.
Paul de Clerk, de la branche européenne de Friends of the Earth, précise : « Trois ans après avoir découvert que ses activités ont exposé presque tous les hommes, femmes et enfants en pays ogoni – et sûrement des dizaines de milliers d'autres personnes ailleurs dans le delta du Niger – à une pollution qui ne disparaîtra pas, Shell reste principalement préoccupée par son propre sort. Le gouvernement du Nigeria ainsi que les Pays-Bas et le Royaume-Uni, pays où se situe le siège social de Shell, doivent faire en sorte que cette société entreprenne un véritable nettoyage et verse des indemnisations pour les dégâts causés. »
L'étude de l'ONU préconisait également, entre autres mesures, la création d'une Autorité de restauration environnementale du pays ogoni et d'un Fonds pour la restauration environnementale du pays ogoni doté d'un capital initial d'un milliard de dollars des États-Unis. À ce jour, rien de tout cela n'a été réalisé.
Le gouvernement nigérian, Shell et ses gouvernements nationaux – le Royaume-Uni et les Pays-Bas – ont tous bénéficié de l'exploitation pétrolière dans le delta du Niger et doivent maintenant appuyer un mécanisme de réparation sociale et de remise en état de l'environnement, ainsi que la mise en œuvre complète du rapport des Nations unies, selon les organisations.
Amnesty International, Centre pour l'environnement, les droits humains et le développement (CHRD), Envrionemental Rights Action (ERA), Friends of the Eearth Europe, Platform
L'héritage toxique de Trafigura en Côte d'Ivoire
En 2006, des déchets toxiques sont acheminés en Côte d’Ivoire à bord du Probo Koala, navire affrété par Trafigura. Rejetés sur la capitale Abidjan, ils provoqueront une vraie tragédie : plus de 100 000 personnes doivent consulter un médecin et 15 personnes décèdent. Entreprise criminelle, carences des États, impunité, l’affaire reste l’un des pires scandales de déversement de déchets toxiques de ces dernières années. Reportage.
Le 20 août 2006, Abidjan se réveille dans une atmosphère de cauchemar. Dans plusieurs quartiers de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, une odeur de soufre prend à la gorge les habitants. Vomissements, maux de tête, difficultés respiratoires, irritation des yeux et de la peau créent la panique dans la population.
Rapidement submergés, les centres de santé et les hôpitaux appellent des organismes internationaux à l’aide pour seconder un personnel médical débordé. Les autorités dénombrent 15 décès. Selon les registres officiels, plus de 100 000 personnes recevront des soins, mais le nombre de personnes touchées est certainement supérieur.
Assez rapidement, l’origine de cette catastrophe sanitaire est connue : en 18 lieux d’Abidjan ont été déversés des déchets toxiques transportés par le cargo Probo Koala, affrété par une société de négoce en produits pétroliers, Trafigura. Le pétrolier-vraquier-minéralier porte le pavillon du Panama, connu pour son laxisme en matière de droit du travail. Au moment des faits, le navire aurait été géré par une société grecque. Quant à Trafigura, l’affréteur, c’est une société créée en 1993 par deux Français, Claude Dauphin et Éric de Turckheim. Son siège opérationnel est basé à Londres mais sa maison-mère est aux Pays-Bas. C’est sa filiale ivoirienne qui a été chargée de l’élimination de la cargaison. Et plutôt que de faire appel à une société spécialisée, elle a confié cette tâche à une entreprise agréée le mois précédent, Tommy. Une société néerlandaise avait proposé de traiter ces déchets au tarif de 1 000 euros par m3. Tommy prétendait le faire pour moins de 30 euros… Et ses chauffeurs se sont donc contentés de déverser le liquide toxique dans des décharges et canaux de la ville.
Appât du gain, atteintes aux droits humains et carences des États sont les ingrédients de cet incroyable scandale euro-africain qui, six ans après, a vu ses principaux responsables échapper à la justice tandis qu’à Abidjan s’évaporait l’essentiel de l’argent destiné à indemniser les victimes. Il aura fallu trois ans d’enquête à Amnesty et Greenpeace pour en démêler les fils. Le rapport Une vérité toxique, publié en septembre 2012, examine en profondeur la succession tragique des défaillances à l’origine d’un désastre sanitaire, politique et environnemental. L’un des apports majeurs de cette enquête consiste à revisiter le parcours de la cargaison toxique pour expliquer comment plusieurs gouvernements se sont montrés incapables d’interrompre le voyage du Probo Koala et de sa cargaison vers Abidjan.
Un lavage criminel
À l’origine du produit lui-même apparaît d’emblée la tentation de l’argent facile. Trafigura a l’idée de recourir à un procédé devenu rarissime car très polluant : le « lavage » à la soude caustique de cargaisons de pétrole non raffiné appelé naphta de cokéfaction, pour en faire du carburant. « [C]’est moins cher que tout ce qu’on peut imaginer et on devrait en tirer un paquet de dollars », s’extasiait en décembre 2005 un employé du bureau londonien de Trafigura dans un e-mail révélé dans le cadre d’une enquête judiciaire. L’entreprise savait parfaitement que ce procédé (interdit aux États-Unis, en Europe et à Singapour) produirait des déchets toxiques difficiles à éliminer. De fait, Trafigura n’a pu trouver que deux sociétés dans le monde prêtes à le faire, aux Pays-Bas et en Tunisie.
Quand l’une puis l’autre ont renoncé, Trafigura a décidé d’entreprendre elle-même les opérations de « lavage » en mer. Cependant, elle n’avait toujours pas de solution au problème de l’élimination des déchets, stockés sur le navire même. Après plusieurs tentatives infructueuses auprès de ports européens, Trafigura a conclu un accord avec la société Amsterdam Port Services (APS). Cependant, il est apparu que Trafigura n’avait pas révélé à APS la nature exacte de la cargaison, parlant de « résidus » alors qu’aux termes de la Convention de Bâle, il s’agissait sans conteste de « déchets ». APS révise alors son devis, qui atteint plus de 500 000 euros, somme à comparer au bénéfice attendu par Trafigura de l’opération dans son ensemble, 5,5 millions d’euros. Trouvant le devis d’APS trop cher, Trafigura demande alors à l’entreprise de re-pomper les déchets à bord du Probo Koala.
Les autorités locales auraient-elles dû bloquer ce rechargement ? Oui, ont conclu des enquêtes ultérieures. En vertu du droit international et européen, l’État du port avait l’obligation de savoir où les déchets allaient être emmenés pour être éliminés. Pourtant, le 5 juillet 2006, les déchets sont rechargés sur le Probo Koala et le navire appareille vers l’Estonie. Il n’y fait qu’une escale, avant sa véritable destination : l’Afrique.
Au Nigeria, géant pétrolier ouest-africain, la toxicité évidente du produit pose problème. Après avoir envisagé de transférer le produit sur une barge et de le ramener au Nigeria sous un autre nom pour tromper les autorités, Trafigura donne finalement l’ordre au Probo Koala d’appareiller pour Abidjan. La société y a, comme on l’a vu, conclu un accord avec une entreprise ivoirienne nouvellement agréée, ouvrant la voie à la catastrophe.
Lors du déchargement au port d’Abidjan, les douaniers présents, bien que physiquement affectés par les émanations des déchets, n’interviennent pas. Transporté par camion, le produit est déversé dans la décharge à ciel ouvert d’Akouédo, l’une des principales de la ville, puis, la décharge ayant fermé, en divers lieux de la ville. « Pendant le transport, je me suis rendu compte que quelque chose clochait avec ce produit, a témoigné un chauffeur. Il puait terriblement. (…) Rien que quand j’ai ouvert les écoutilles de sécurité de mon camion, le produit m’a rongé les doigts ».
Selon un toxicologue consulté par Amnesty et Greenpeace, les victimes ont pu être exposées à des mercaptans, composés organiques irritants pour les yeux, la peau et l’appareil respiratoire. Les déchets contenant du sulfure, il se peut aussi que se soit formé de l’hydrogène sulfuré, qui irrite les yeux et l’appareil respiratoire et qui a également des effets sur le système nerveux central, provoquant maux de tête et nausées. L’exposition à de fortes concentrations d’hydrogène sulfuré peut entraîner la perte de connaissance et la mort.
Aussi incroyable que cela paraisse, bien que Trafigura ait été reconnue coupable par un tribunal néerlandais d’exportation illégale de déchets depuis l’Europe, à Abidjan, un procès initié en septembre 2006 a débouché sur un non-lieu. Pourtant, le rapport d’Amnesty et Greenpeace révèle que l’entreprise était consciente que son sous-traitant à Abidjan, ayant fourni une lettre manuscrite en guise de contrat, allait bien se contenter de « décharger » les déchets dans une décharge publique et non les traiter comme cela aurait été nécessaire. Le prix facturé était si invraisemblable que Trafigura a demandé à sa filiale ivoirienne de faire confectionner une facture « gonflée », à même d’être crédible aux yeux des douanes européennes.
Impunité au sommet
Suspendus par le gouvernement ivoirien et accablés par le rapport d’une commission nationale d’enquête, le directeur du Port autonome d’Abidjan, le directeur général des douanes et le gouverneur du district d’Abidjan, tous proches du président alors au pouvoir, Laurent Gbagbo, avaient été impunément rétablis dans leurs fonctions par ce dernier. C’est dans l’opacité qu’un accord a été conclu en 2007 entre le pouvoir ivoirien et le groupe Trafigura : le gouvernement ivoirien a reçu 105 milliards de francs CFA (160 millions d’euros) en échange de l’arrêt des poursuites contre les dirigeants de Trafigura. Seules deux personnes ont été déclarées coupables pénalement : le directeur de la société Tommy et un employé de l’agent maritime ayant pris en charge le navire. Tous les représentants de l’État ont été acquittés.
Une autre action, au civil, a par ailleurs été intentée à Londres par un cabinet d’avocats au nom de 30 000 victimes ivoiriennes. Elle a abouti au versement par l’entreprise de quelque 33 millions d’euros, qui devaient être distribués sous la responsabilité du cabinet d’avocats britanniques. Las, une « Coordination nationale des victimes des déchets toxiques » dirigée par des proches du pouvoir ivoirien a obtenu le contrôle du pactole. Si quelques milliers de victimes ont pu toucher chacune 1 100 euros, une partie importante de la somme s’est ensuite évaporée.
« Les atteintes aux droits humains étaient transnationales, mais les recours ne l’étaient pas », constate le rapport. Non seulement les États impliqués n’ont pas empêché les mouvements transfrontaliers et le déversement des déchets, mais ils n’ont pas su proposer un dédommagement effectif aux victimes dont les droits avaient été bafoués. Des leçons ont-elles été tirées de ce drame ? Oui : en conséquence directe, l’Organisation maritime internationale a interdit, à compter du 1er janvier 2012, les opérations de mélange de carburants et la conduite de procédés industriels à bord des navires. Mais cette nouvelle règle sera-t-elle davantage respectée que ne l’ont été toutes les lois bafouées dans le cadre du scandale du Probo Koala ?
Luc Machet