Epuration de l’air par photocatalyse, Une efficacité non prouvée en conditions réelles d’utilisation.
L’ADEME a rendu un avis en matière d’amélioration de la qualité de l’air notamment sur les procédés photocatalytiques estimant qu’ils sont loin d’être pertinents dans toutes les situations. ET qu’ils doivent être envisagés que dans le cadre d’actions ponctuelles et spécifiques.
Cet avis vient confirmer les résultats de l’enquête menée par l’OQAI, L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur montrant que l’efficacité d’un tel procédé reste à démontrer dans le domaine de l’air intérieur et la garantie de son application dans les espaces habités reste aussi en suspend.
L’ADEME préconise donc leur emploi éventuel pour un traitement de l’air faiblement pollué, avec une source de lumière naturelle suffisante et pour des débits d’air permettant le transport des composés polluants vers les appareils et matériaux photocatalytiques tout en respectant un temps de contact suffisant pour que le processus puisse avoir lieu. Leur usage est encore limité, notamment dans les ambiances intérieures car les conditions optimales de performances sont rarement réunies.
Des recherches doivent toutefois être menées pour approfondir les connaissances sur les impacts des systèmes photocatalytiques sur l’environnement et la santé (liés à l’évolution dans le temps du semi-conducteur – dissémination, toxicité – et à la génération de sous-produits toxiques par la réaction de photocatalyse).
Respirer un air de bonne qualité est une préoccupation majeure des Français. Si la pollution de l’air extérieur a diminué sous l’effet des réglementations, des efforts pour réduire cette pollution sont encore nécessaires. Il en est de même pour les espaces en intérieur, où nous passons environ 80% de notre temps. De nombreuses techniques d’épuration (filtration, charbon actif, plasma froid, ozonation, ionisation et photocatalyse) se partagent aujourd’hui un marché concurrentiel et porteur.
Développée et utilisée avec succès pour le traitement de l’eau, la photocatalyse s’affiche, depuis les années 90, comme une technique innovante pour traiter les effluents industriels dans l’air. Cette technique a fait l’objet de nombreuses recherches en laboratoire (la France se place au 4ème rang des publications scientifiques), lui confirmant des propriétés intéressantes. Des travaux plus récents menés en extérieur et intérieur permettent d’apporter un nouvel éclairage sur cette technique.
La photocatalyse est une technique consistant à détruire des composés gazeux (composés organiques volatils principalement, COV) en les dégradant à la surface d’un catalyseur. En présence d’oxygène et de vapeur d’eau, le rayonnement ultra-violet qui active un matériau semi-conducteur permet aux molécules entrant en contact avec la surface réactive de se transformer en dioxyde de carbone et en vapeur d’eau. Cette technique permet d’éliminer les micro-organismes ou les odeurs mais également d’autres composés gazeux inorganiques comme les oxydes d’azote.
Le traitement de l’air par photocatalyse a été développé au Japon, pays le plus en pointe pour commercialiser cette technique, dans les années 70. Des applications destinées aux secteurs industriels et au traitement en extérieur émergent depuis les années 90. Depuis le début des années 2000, l’offre s’oriente également vers des applications en intérieur.
Les solutions techniques commercialisées dans le domaine de l’épuration de l’air se décomposent en deux familles :
Les épurateurs d’air utilisés en intérieur, mobiles (unité autonome), fixes (plafonnier, console murale) ou couplés au réseau de ventilation (les systèmes CVC : Chauffage, Ventilation et Conditionnement de l’air) ;
Des matériaux dits « photoactifs » utilisés pour le traitement de l’air intérieur ou extérieur (peintures de décoration, carrelages, revêtements de plaques ou de dalles, béton, ciments, enduits, céramiques, verres autonettoyants, peintures mais aussi bitumes...).
Plus de 87% du marché mondial du traitement de l’air par photocatalyse est réalisé dans le secteur de la construction (environ 1 milliard d’euros dont l’essentiel concerne des applications de dépollution de l’air extérieur). Les applications liées à la qualité de l’air intérieur sont encore marginales. Pour le marché européen, l’estimation du potentiel de développement de la photocatalyse est de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros.
L’ADEME a fait ressortir les avantages d’un tel procédé notamment en Air extérieur et intérieur.
Air extérieur : dégradation de polluants comme les oxydes d’azote
Si la photocatalyse pour traiter l’air permet surtout d’éliminer les COV (composés organiques volatils), certains travaux ont aussi étudié des polluants inorganiques tels que les oxydes d’azote (NOx). Des expérimentations, menées grandeur nature, sur des revêtements de bâtiment2 ou de route3 (matériaux photoactifs : mortiers et ciments) ont montré une réduction des concentrations de NOx allant jusqu’à 40 à 57%, à proximité immédiate des zones où sont utilisés ces matériaux. D’autres expérimentations ont été moins concluantes sur l’efficacité de la photocatalyse, en raison notamment d’une saturation trop rapide du semi-conducteur.
Air intérieur : élimination de micro-organismes et dégradation de certains COV
Outre les polluants gazeux, la photocatalyse permet, sous certaines conditions, d’éliminer certains COV, ainsi que les micro-organismes grâce à un effet germicide. Les micro-organismes s’accrochent suffisamment longtemps à la surface du semi-conducteur pour que cela bloque leur reproduction (effet bactériostatique) ou les détruise (effet bactéricide).
Toutefois, leur efficacité est non prouvée en conditions réelles d’utilisation. Peu de recherches en conditions réelles d’utilisation de la photocatalyse ont été effectuées à ce jour. Les quelques expérimentations menées dans les ambiances intérieures sur un système de ventilation équipé d’un filtre catalytique4 ont montré de forts écarts de performances selon les mélanges de polluants employés et les débits d’air testés. Celles effectuées sur des épurateurs d’air autonomes et les matériaux photoactifs ont montré un abattement très faible des molécules chimiques. Des simulations numériques des écoulements d’air et des polluants à l’intérieur d’une pièce équipée de peintures photoactives montrent, notamment, une adsorption insuffisante des polluants et donc une efficacité peu significative. A ces constats s’ajoute le fait que le rendement d’un photocatalyseur décroît avec son usure. Enfin, le processus de photocatalyse peut avoir des effets non désirés sur son environnement, en affectant par exemple les propriétés des peintures (résistance, texture...) par l’oxydation de leurs composés organiques.
... car dépendante de plusieurs paramètres
Il est assez difficile de prédire, en toutes circonstances et précisément, les performances de matériaux ou de systèmes photocatalytiques étant donné les nombreux paramètres influençant l’efficacité du processus de photocatalyse.
La concentration du polluant : A partir d’un certain niveau de concentration, plusieurs études montrent que la vitesse de dégradation n’évolue plus en raison d’un phénomène de saturation de la surface du photocatalyseur5. Notamment, une étude6 menée sur les effluents gazeux d’une usine montre que le photocatalyseur pouvait être désactivé à partir d’un seuil de concentration en toluène de 1g/m3 car sa dégradation génèrait des sous-produits de réaction (benzaldéhyde, acide benzoïque) qui s’accumulaient à la surface du photocatalyseur.
L’humidité : Si l’humidité favorise la génération de radicaux libres (qui vont dégrader le polluant efficacement), elle réduit à l’inverse les quantités de polluants pouvant se fixer à la surface du catalyseur. Il est aujourd’hui démontré, en air intérieur, qu’une humidité anormalement élevée tend à diminuer la performance des systèmes photocatalytiques de tous types, en plus de favoriser les moisissures. Par ailleurs, un effet « nettoyant » des pluies est mis en évidence en extérieur, efficace pour avoir une surface du photocatalyseur7 ne se saturant pas trop vite. Des questions se posent toutefois sur la toxicité de ces eaux de ruissellement.
L’intensité lumineuse : En extérieur, la lumière UV naturelle est suffisante pour activer le phénomène photocatalytique, mais les conditions optimales d’épuration ne sont pas toujours garanties selon le moment de la journée, la latitude du lieu exposé, l’orientation locale du matériel ou encore la nébulosité. En intérieur, il convient de choisir des lieux recevant suffisamment de lumière du jour ou d’installer des lampes UV, ce qui entraîne une consommation supplémentaire en énergie. Sachant que les vitres stoppent les UV naturels, le procédé peut être adapté en dopant le semi-conducteur avec des métaux pour s’activer aussi dans le spectre de la lumière visible.
Le contact avec le catalyseur : L’efficacité des épurateurs (autonomes, CVC) dépend d’un débit d’air suffisant, et celle des matériaux « photoactifs », d’un contact réel au niveau des parois. Or, dans beaucoup de cas, les polluants et micro-organismes présents dans l’air d’une pièce peuvent être évacués par la ventilation ou l’aération avant d’avoir été en contact avec le catalyseur, ce qui rend le procédé inactif.
Les variations de température : Elles peuvent avoir un impact indirect sur l’efficacité de la technique en agissant sur le vieillissement mécanique des matériaux. Par exemple, les performances de la photocatalyse à des températures hivernales négatives, pour des applications extérieures, ne sont pas connues.
Méconnaissance des effets sur la santé
Les épurateurs d’air ou les matériaux dépolluants ayant recours à la photocatalyse utilisent en grande majorité du dioxyde de titane (TiO2) à l’échelle nanométrique, classé par le CIRC8 depuis 2007 comme « cancérogène possible pour l’homme ». Les éventuelles émissions de particules de TiO2 par les produits photocatalytiques commercialisés et l’exposition des personnes restent inconnues à ce jour. Par ailleurs, en cas de dégradation incomplète des polluants, la photocatalyse peut générer des composés appelés également sous-produits nocifs pour la santé ou l’environnement, comme des cétones et des aldéhydes. Enfin, un processus complet de dégradation peut également être source de polluants (nitrates par exemple).
Consommation énergétique :
Les matériaux photoactifs ont l’avantage d’être économes en énergie si la source de lumière est naturelle (UV) ce qui dispense de l’installation de lampes. En revanche, les épurateurs photocatalytiques consomment de l’énergie, de façon relativement limitée pour les petits systèmes autonomes, mais de façon non négligeable pour les systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC) destinés à intégrer un bâtiment. Dans l’industrie, une opération de traitement des effluents gazeux, accompagnée par l’ADEME, a montré que la photocatalyse pouvait être peu adaptée en raison de son coût énergétique et de ses performances insuffisantes10.
Nécessité d’une certification des produits
Malgré la multiplication des offres sur le marché, les consommateurs et maîtres d’ouvrage n’ont pour l’instant aucun moyen de connaître l’efficience réelle des appareils et matériaux proposés. Il est donc nécessaire de mettre en place une norme pour vérifier la performance des systèmes épurateurs et matériaux en toutes circonstances, ainsi que leur innocuité. En France, des travaux sont menés sous l’égide de l’AFNOR depuis 2007 pour mettre au point des méthodes d’essais normalisées. Trois normes expérimentales existent aujourd’hui : l’une porte sur l’épuration des NOx par les matériaux photocatalytiques en extérieur (XP B 44-011, publiée en 2009), une deuxième sur l’efficacité des purificateurs d’air commerciaux pour éliminer les COV en intérieur avec recirculation de l’air (XP B 44-013, publiée en 2009) et une troisième sur les épurateurs d’air autonomes pour le secteur tertiaire ou résidentiel (XP B 44- 200, publiée en 2011).