La nécessité de refonder la politique de prévention des pollutions diffuses au droit des captages.
Une mission interministérielle a été diligentée afin d’engager une réflexion sur l’efficacité des dispositions relatives à la protection des captages d'eau potable.
Le rapport de la mission établi par Jean-Jacques BÉNÉZIT, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, Pierre RATHOUIS, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, Denis DELCOUR, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, Michel RAYMOND, Inspecteur général des affaires sociales, montre que la politique de prévention des pollutions diffuses au droit des captages destinés à la production d'eau potable n’a pas eu les effets attendus après le lancement du programme des « 500 captages Grenelle », alors même que toutes les aires d’alimentation de captage devraient être en « bon état » en 2015, en application de la directive cadre sur l’eau. Les trois ministères de l’agriculture, de l’écologie et de la santé ont diligenté une mission d'inspection générale pour que toutes propositions utiles soient faites en matière de simplification des procédures, de lisibilité et de d’efficacité des mesures disponibles.
De plus, l’étude observe notamment qu’après analyse de la bibliographie disponible, des nombreux rapports sur ce sujet, des données fournies ou collectées spécifiquement par les directions d'administration centrale et enfin au terme d’une cinquantaine d'entretiens, conduits entre octobre 2013 et mars 2014, les éléments principaux du constat sont les suivants :
− alors que la qualité de l'eau distribuée est satisfaisante, celle de l'eau prélevée l'est beaucoup moins. Pour un total de 33 500 captages exploités aujourd'hui, près de 5000 captages ont été fermés depuis 20 ans et environ 3 000 captages sont jugés dégradés ; la qualité de l’eau prélevée y dépasse les normes de potabilité ou est susceptible de les dépasser dans les années qui viennent. L’amélioration de cette situation n’est pas perceptible. Les principales sources de pollution sont d’origine agricole, nitrates et pesticides, même si des pollutions d’origine industrielle, de collectivités ou de particuliers ne sont pas à négliger.
− le traitement de l’eau, ou même l’abandon du captage, sont souvent privilégiés par rapport à la prévention des pollutions diffuses dans l’aire d’alimentation du captage alors même que le coût du traitement est comparativement plus élevé dans la durée. Et le consommateur d’eau ne fait pas pression en faveur de la prévention puisque, sauf rares exceptions, l’eau distribuée respecte les normes de qualité en vigueur et est toujours potable.
− la complexité de la juxtaposition de deux procédures : la protection des captages, inscrite dans le code de la santé publique, et la prévention des pollutions diffuses relevant du code de l’environnement.
− l’enchevêtrement des compétences entre le préfet et la collectivité gestionnaire du captage, source de déresponsabilisation, d'inefficacité et d'inefficience.
− l’inadéquation de certains outils financiers, techniques et juridiques. C’est le cas des mesures agri-environnementales dont les marges de manœuvre sont insuffisantes,
− l’insuffisance de la gouvernance et du pilotage, tant au niveau local qu’au niveau national.
Par ailleurs, le rapport précise qu’alors que les directives européennes invitent à une logique de résultats, les procédures en question affichent une logique de moyens
Ce diagnostic est partagé par de nombreux acteurs. Il concerne en particulier les 3 000 captages identifiés comme étant « prioritaires » dans les SDAGE. Il peut être étendu à l'ensemble des captages dont l'avenir doit être assuré.
La mission a donc établi 20 recommandations qui s’inscrivent dans une logique de résultat concernant la qualité des eaux qui alimentent les captages. Il est rappelé que l'obtention de résultats, pour ce qui concerne les pollutions diffuses d'origine agricole, passe par la diminution ou la suppression des intrants chimiques, et donc de mesures visant l'affectation des sols, ou les pratiques agricoles sur des zones limitées circonscrites dans l’aire d’alimentation de captage. La question économique des exploitations agricoles doit ainsi être intégrée dès l'amont de l'élaboration d'un plan d'action.
Ces recommandations sont organisées autour des quatre axes suivants :
a) Confier aux communes ou leurs groupements, responsables du service public de l'eau, la compétence « prévention des pollutions diffuses »
Les deux premières recommandations ont pour objet de clarifier pleinement les responsabilités des acteurs publics. La compétence de base est confiée à la commune, avec toutefois un transfert de plein droit aux communautés de communes et d'agglomérations, comme c'est déjà le cas pour les communautés urbaines et les futures métropoles. Cela évitera la dispersion actuelle entre de multiples communes isolées et de multiples petits syndicats intercommunaux, et organisera l'articulation entre politiques de développement et ressources en eau du territoire. En complément, la troisième recommandation prévoit qu'en cas de superposition d'aires d'alimentation de captages de plusieurs collectivités, il y ait obligation de conventionner, ou de créer un syndicat lorsque l'insuffisante qualité des eaux prélevées nécessite un plan d'action contre les pollutions diffuses.
b) Simplifier le dispositif d’ensemble, en unifiant les procédures de protection des captages
La recommandation n°4 propose d'unifier les procédures en s'appuyant sur celle du code de la santé publique. Les périmètres de protection trouveraient une définition juridique, le périmètre éloigné ayant pour objet la prévention des pollutions diffuses de toutes origines. La procédure ZSCE, zone du code de l'environnement ne s'appliquerait plus pour les captages, tandis qu'un plan d'action contre les pollutions diffuses serait intégré dans le dossier de déclaration d'utilité publique. Le contenu du plan d'action est à préciser (recommandation n°5) et il est proposé une possibilité d'exécution provisoire des mesures (recommandation n°6). Le citoyen, et le consommateur doivent être mieux informé sur la qualité de l'eau distribuée bien sûr, mais aussi de l'eau prélevée (recommandation n°7)
c) Doter les communes gestionnaires de captages des outils juridiques, techniques et financiers nécessaires pour assumer leurs responsabilités au regard de la qualité des eaux prélevées.
Toujours dans la logique de résultats, il est indispensable, dès lors qu'on leur en donne la responsabilité, que la collectivité dispose des outils permettant réellement d'agir efficacement.
Ces outils sont d'une part juridiques (recommandations 9 à 13) : l'utilisation des procédures d'aménagement foncier, les possibilités d'expropriation dans le cadre de la déclaration d'utilité publique, l'instauration au profit de la collectivité gestionnaire du captage du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, l'instauration de servitudes, ou encore la liste d'informations communicables.
Ce sont d'autre part des moyens techniques, et la recommandation n°14 propose d'actualiser les référentiels techniques et de créer un centre de ressources national pour la lutte contre les pollutions diffuses.
Enfin, il est nécessaire de mobiliser les outils financiers adéquats (recommandations 15 et 16). Il est en particulier proposé d'accroître la part des budgets des agences de l'eau, actuellement de 180 millions d'euros, pour répondre, avec le complément des crédits du FEADER, au besoin de financement des plans d'action pour les 3000 captages dégradés. En complément, outre l'utilisation des classiques mais insuffisamment souples et adaptées mesures agri-environnementales (MAE), il est proposé de notifier à la Commission européenne un nouveau dispositif d'aides spécifiques pour la prévention des pollutions diffuses d'origine agricole.
d) Améliorer la gouvernance du dispositif aux niveaux déconcentrés et national.
C'est bien une stratégie nouvelle qui est à mettre en place, et nécessite une gouvernance adaptée; c'est l'objet des recommandations 17 à 20. Prescripteur et contrôleur, le préfet devrait ainsi pouvoir rendre obligatoires certaines mesures des plans d'action, le cas échéant. La formation des personnels de l’État, ainsi que l'élargissement des attributions des hydrogéologues agréés sont à prévoir.
Le niveau régional est celui de l'animation du dispositif et de la coordination des réseaux professionnels.
Au niveau central, il est proposé la mise en place d'un délégué interministériel chargé d'animer cette stratégie très interministérielle, qui nécessitera des modifications législatives de plusieurs codes.
La mission souligne que ces recommandations entraînent une simplification substantielle des procédures et moyens d'action, et généreront des économies budgétaires à terme en privilégiant les solutions préventives visant la reconquête de la qualité des eaux des captages.