Comment les séismes peuvent impacter les volcans ?
Les séismes géants éclairent les volcans sous pression :
Des chercheurs de l'Institut des sciences de la Terre (CNRS/Université Joseph Fourier/Université de Savoie/IRD/IFSTTAR) et de l'Institut de physique du globe de Paris (CNRS/Université Paris Diderot/IPGP), en collaboration avec des chercheurs japonais, ont observé, pour la première fois, la réponse des volcans japonais aux ondes sismiques émises lors du séisme géant de Tohoku-oki (2011). Ces observations renseignent la manière dont les séismes peuvent impacter les volcans. Elles devraient permettre d'améliorer l'estimation du risque d'éruptions volcaniques majeures à travers le monde. Leur étude est publiée le 4 juillet 2014 dans Science.
Jusqu'au début des années 2000, le bruit de fond sismique (qui regroupe toutes les composantes non désirées affectant une analyse, par exemple le bruit généré par le dispositif de mesure lui-même ou les perturbations originaires de l'extérieur et malencontreusement captées par les appareils de mesure) était systématiquement supprimé des analyses en sismologie. Or ce bruit de fond est en réalité associé à des ondes sismiques causées par la houle océanique. Celles-ci, qui peuvent être comparées à des micro-séismes permanents et continus, permettent alors aux sismologues de s'affranchir des séismes (très localisés sur un temps limité) pour imager l'intérieur de la Terre et son évolution dans le temps, à la manière d'une échographie à l'échelle de la Terre.
L'utilisation du bruit de fond sismique est à l'origine d'une nouvelle méthode de mesure, continue dans le temps, des perturbations des propriétés mécaniques de l'écorce terrestre. Les chercheurs de l'Institut des sciences de la Terre (CNRS/Université Joseph Fourier/Université de Savoie/IRD /IFSTTAR) et de l'Institut de physique du globe de Paris (CNRS/Université Paris Diderot/IPGP) ont utilisé cette nouvelle technique et se sont associés à des chercheurs japonais disposant du réseau Hi-net, réseau de capteurs sismiques le plus dense au monde (plus de 800 capteurs installés sur tout leur territoire).
À la suite du séisme géant de Tohoku-oki en 2011, les chercheurs ont analysé plus de 70 téraoctets de données sismiques issues de ce réseau. Ils ont alors montré pour la première fois que les zones où les perturbations de l'écorce terrestre étaient les plus importantes ne correspondaient pas à celles où les secousses ont été les plus fortes. Elles étaient, en effet, localisées sous les régions volcaniques, en particulier sous le Mont Fuji. Cette nouvelle méthode a donc permis aux chercheurs d'observer les anomalies causées par les perturbations du séisme dans les régions volcaniques sous pression. Le Mont Fuji, qui montre l'anomalie la plus élevée, est probablement soumis à un état de pression important bien qu'aucune éruption n'ait encore eu lieu à la suite du séisme de Tohoku-oki. Le séisme de magnitude 6.4, qui s'y est produit quatre jours après le séisme de 2011, confirme l'état critique, en termes de pression, de ce volcan. Ces résultats vont dans le sens des théories selon lesquelles la dernière éruption du Mont Fuji en 1707 ait été très probablement déclenchée par le séisme géant de Hoei de magnitude 8.7 qui s'est produit 49 jours avant l'éruption.
De manière plus générale, ces résultats montrent comment caractériser les régions affectées par des pressions élevées de fluides volcaniques grâce aux données sismiques issues de réseaux de capteurs sismiques denses. Ils permettent ainsi d'améliorer l'estimation du risque d'éruptions volcaniques majeures à travers le monde.
Photo : L'imagerie de la susceptibilité sismique permet de détecter les régions affectées par des pressions élevées de fluides volcaniques. La figure de fond est référencée comme le “Fuji Rouge” (Katsushika Hokusai, 1830).