Marché de l’immobilier : Valeur verte ou décote verte ?
Toujours dans le dossier établi par le Plan Bâtiment Durable intitulé ‘’IMMOBILIER ET VALEUR VERTE - Etat actuel de la réflexion’’ qui synthétise de multiples études françaises et étrangères sur la notion de valeur verte dans l’immobilier dont les conclusions aboutissent au même constat dans lesquelles la différence de valeur entre des biens immobiliers équivalents mais à performance environnementale différente continuera de s’accentuer, avec un double effet de dévalorisation des biens peu performants et de revalorisation des biens performants.
Cet article s’attache à reprendre la deuxième partie du rapport du Plan Bâtiment Durable dans laquelle il précise des définitions essentielles de la valeur verte pour l'investissement immobilier.
En donnant une définition sur la notion de valeur verte immobilière caractérisée par une diminution de la valeur des biens à faible performance énergétique, appelée la décote verte, le Plan Bâtiment Durable a donc renseigné l’approche sur la notion de décote verte. Le dossier rapporte que selon un article rédigé par le groupe de réflexion « Valeur Verte en pratique » (Gilles Bouteloup et al.), l’immobilier durable devient progressivement un moyen de réduire le risque d’obsolescence à la fois vis-à-vis du marché et vis-à-vis des réglementations annoncées.
Pour Aurélien Chazel, « la “green value” correspond certes à un gain de performance financière sur l’actif immobilier mais est avant toute chose synonyme de diminution du risque d’obsolescence. » (Septembre 2009)
Ainsi, sur le long terme, la valeur verte, entendu comme gains sur les prix de vente entre un immeuble certifié et un immeuble non certifié, semble vouer à se réduire. En effet plus les acteurs intègreront l'analyse des performances environnementales dans les critères de décision, plus il y aura d'actifs certifiés sur le marché, et donc plus cette prime sera faible. Cependant si la valeur verte additionnelle diminue, la décote augmente, en maintenant ou en augmentant la différence de valeur constatée sur le marché entre bâtiments verts et non verts.
L’ « Etude économique sur la valeur verte de l’immobilier des logements », publiée par Cerqual en décembre 2011, offre une explication claire et détaillée des mécanismes économiques qui interviennent dans le développement et l’appréciation de la valeur verte.
Le rapport se penche aussi sur la notion de diminution des charges énergétiques pouvant impacter les prix. Il rapporte que dans son étude Analyse de la Valeur Verte dans le tertiaire : Synthèse, mentionnée précédemment, Sylvain Laurenceau montre que « l’augmentation du loyer pour les immeubles verts ne découle pas d’une baisse des charges » : d’après une analyse des charges par m2, les charges globales sont en effet plus élevées pour les bureaux verts, et les charges énergétiques ne sont inférieures que de 8% à celles des bureaux non verts.
Cependant, l’analyse des charges par usager révèle une tendance contraire : pour les bureaux verts par rapport aux bureaux non-verts, les charges globales sont inférieures de 4%, et les charges énergétiques, de 15%. Ceci s’explique par une intensité d’usage plus élevée (nombre de m2 par personne plus faible dans un immeuble vert que dans un immeuble non vert).
Un autre résultat que Sylvain Laurenceau tire de ses analyse est «que la baisse des charges énergétiques est marginale pour les bureaux verts », car cette baisse ne représentent que 0,3% du couple loyer + charges. L’auteur conclut donc que « la baisse des charges énergétiques pour les bureaux ne semble pas avoir un poids suffisant pour faire émerger la valeur verte », alors que celle-ci est pourtant bien avérée. Cette valeur verte s’expliquerait donc en partie par d’autres paramètres : confort, praticité, image de marque, productivité...
Pour le secteur du logement cette remarque n’est pas valable car les charges énergétiques représentent une part beaucoup plus importante du couple loyer + charges. Cette distinction suivant les segments de marché est visible si l’on compare les labellisations et certifications BBC, uniquement centré sur la performance énergétique, et HQE, qui prend en compte un périmètre plus large. Alors que 92 750 logements ont été certifiés entre le lancement du label BBC et septembre 2012, seules 97 opérations tertiaires ont été labellisées sur la même période. A l’inverse, au 24 février 2012, 8 319 781 m2 de bureaux étaient certifiés NF Bâtiments tertiaires- Démarche HQE, alors qu’il n’y avait que 290 079 m2 certifiés BBC EFFINERGIE 2005.
Le dossier du Plan Bâtiment Durable donne d’autres caractéristiques à la notion de valeur verte.
Compte-tenu de la prééminence des problématiques environnementales énergétiques, et des possibilités d’amélioration dans ce domaine pour le bâtiment, qui ont très souvent une traduction économique favorable (notamment grâce aux économies d’énergie réalisées suite à des travaux de performance énergétique), l’aspect « performance énergétique » de la valeur verte prime sur les autres.
Néanmoins, la valeur verte prend en compte d’autres composantes :
- L’utilisation de matériaux écologiques (au niveau de la construction)
- Les économies de ressources, telles que l’eau, les différents matériaux et matières, l’énergie, etc.
- Les énergies renouvelables (dans les systèmes)
- La proximité des transports en commun (environnement du logement)
(ADEME, 2011).
Bien qu’ils ne soient aujourd’hui pas autant valorisés que la performance énergétique, notamment parce qu’il n’existe que peu de données exploitables en la matière, même pour ces facteurs « l’évolution rapide des indicateurs de mesure et des normes de performance environnementale laisse présager qu’un phénomène comparable [à ce qui s’est passé avec la performance énergétique] se produira dans les années à venir, pénalisant ainsi les biens moins performants.” (Bouteloup and al., 2010).
Enfin, le périmètre couvert par la valeur verte peut s’étendre au-delà des caractéristiques propres du bâtiment.
Selon le groupe « la valeur verte en pratique », l’effective green value se décompose en trois aspects :
- la qualité intrinsèque du bâtiment reposant sur des normes environnementales
- la capacité du gestionnaire à bien exploiter le bâtiment
- le comportement « environnemental » de l’utilisateur
(présentation « Turning the generic concept of « Green Value » into action », Conférence annuelle SBA, Novembre 2009).
Enfin, le rapport du Plan Bâtiment Durable termine sur les conditions émergentes d’une valeur verte sur le marché de l’immobilier à travers 5 critères :
Le coût de l’énergie
L’augmentation du coût de l’énergie et l’anticipation de cette augmentation jouent un rôle prépondérant dans la récente émergence de la valeur verte sur les marchés.
L’évolution des réglementations
La réglementation en termes de consommation d’énergie et d’émissions de GES pour les nouveaux bâtiments évolue continuellement vers des normes plus strictes. Selon le groupe de réflexion « Valeur Verte en pratique » (cf. ci-dessus), la pression réglementaire en constante augmentation depuis les années 1980 a permis l’émergence de la valeur verte.
Le développement d’outils permettant l’identification de la valeur verte
Des outils permettant l’identification et le développement de la valeur verte (labels, règlementations, certifications, etc.), notamment la programmation des mises aux normes, permettent aux acteurs d’anticiper la valeur future des biens immobiliers en fonction de leurs caractéristiques environnementales. L’obligation d’afficher la performance énergétique des bâtiments a ainsi marqué un tournant dans la création de la valeur verte.
L’offre de bâtiments dits « verts » se développe en conséquence, même si la valeur verte se heurte encore à quelques obstacles.
Son émergence est aussi freinée dans certaines zones où les marchés immobiliers sont particulièrement tendus, telles que Paris, les centres-villes des grandes agglomérations et les lieux touristiques, où il y a une très forte pression immobilière.
La valeur verte davantage présente dans les mentalités grâce à une plus grande sensibilité aux problématiques de développement durable
L’étude «Analyse préliminaire de la valeur verte pour les logements» présente les résultats de sondages répertoriés par l’ADEME en 2011. Il apparaît que les Français voient dans la valeur verte un « facteur important dans les choix d’achats et de location » dans le futur » : 76% des sondés reconnaissent l’existence d’une valeur verte dans le futur.
L’assimilation de la valeur verte par les acteurs
La valeur verte a rapidement été adoptée par les professionnels qui ont mis en place des labels, ont suivi des formations, et sont de mieux en mieux informés sur la performance environnementale des bâtiments et ses avantages pour leur profession.
Du côté des grands groupes immobiliers, l’intérêt porté à la valeur verte est également en hausse, selon le baromètre 2013 du reporting environnemental de l’immobilier publié par Novethic.
Ce baromètre analyse les publications extra-financières des entreprises, «en privilégiant les indicateurs chiffrés exhaustifs [...] suivis dans le temps et vérifiés par un tiers» afin d’évaluer les progrès de l’immobilier durable en France et « l’émergence de la notion de valeur verte ». Il « n’évalue pas les actions effectivement mises en œuvre », mais « porte uniquement sur la qualité de la communication des entreprises étudiées ».
Le panel étudié «est constitué de la soixantaine d’entreprises cotées ou filiales de sociétés cotées dont les activités concernent la réalisation et la vente de programmes immobiliers (promoteurs), la détention et la location d’actifs immobiliers (foncières) et la construction de bâtiments (constructeurs). »
Selon les principales conclusions du rapport, 17 foncières «ont atteint un niveau de reporting environnemental mature » et « dans l’ensemble, les promoteurs communiquent moins sur les enjeux environnementaux que les foncières». Quant aux constructeurs, ils présentent « des indicateurs chiffrés, mais peu d’informations sur la méthodologie ».
D’une façon générale, le baromètre fait état de «progrès considérables» des entreprises immobilières en matière de communication environnementale, tout en notant « de très grandes disparités d’un acteur à l’autre ».
Le développement du reporting environnemental des sociétés immobilières témoigne, notamment, de leur intérêt croissant porté à la valeur verte.