Des impacts irrémédiables de l’exploitation des ressources minérales marines profondes
Une étude menée par le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB) à la demande du ministère chargé de l’Écologie, a permis de synthétiser et à mettre à disposition des pouvoirs publics et des parties prenantes concernées toutes les connaissances scientifiques disponibles sur les impacts de l’exploration et de l’exploitation des ressources minérales marines profondes. Ces connaissances scientifiques ont été analysées de manière critique et organisées afin d’en construire une synthèse objective.
Matières premières indispensables à l’économie mondiale, la plupart des métaux ont connu ces dix dernières années d’importantes envolées de leurs cours, soutenus par la demande croissante des pays émergents et des nouvelles technologies. La raréfaction des ressources continentales, concentrées sur les territoires d’un nombre réduit de pays, engendre des tensions sur l’approvisionnement amenées à s’accentuer et susceptibles de compromettre la compétitivité et l’emploi en Europe. En parallèle du développement d’une économie plus sobre en ressources, au travers notamment du recyclage des matières premières, les pays industrialisés cherchent donc à diversifier leurs sources d’approvisionnement.
Les explorations scientifiques menées dans les grands fonds marins depuis une quarantaine d’années ont permis d’identifier différents types de ressources minérales potentielles qui suscitent un intérêt croissant à l’échelle internationale. Elles sont présentes dans tous les océans du globe, dans la zone économique exclusive de certains États côtiers comme dans la Zone internationale, laquelle est reconnue comme patrimoine commun de l’humanité par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Situées à de grandes profondeurs, ces ressources restent néanmoins très partiellement explorées. Elles sont par ailleurs associées à des environnements et des écosystèmes encore très mal connus, dont certains sont identifiés comme des “points chauds” de biodiversité. Leur exploitation à venir soulève donc de nombreuses questions.
Forte du deuxième espace maritime au niveau mondial, la France est particulièrement concernée par ces enjeux. Ses organismes de recherche et ses sociétés minières et d’ingénierie leaders au plan international ont la capacité d’explorer et de convertir le cas échéant ce potentiel en perspectives économiques. Le développement de ces activités sous-marines nécessite donc de préciser, pour mieux pouvoir les prévenir ou les maîtriser, les conséquences environnementales potentielles de l’exploitation de ces ressources.
C’est dans cet objectif que le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont confié au CNRS et à l’Ifremer la responsabilité de réaliser une expertise scientifique collective (ESCo) interdisciplinaire portant sur les impacts environnementaux de l’exploration et de l’exploitation des ressources minérales profondes. L’expertise s’inscrit dans le cadre du programme national de recherche et d’accès aux ressources minérales des grands fonds marins, décidé par le Premier ministre lors du comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013 et dont elle constitue la première réalisation.
Quels sont les impacts connus ou probables de l’exploitation des ressources minérales marines profondes ?
L'exploration, destinée à localiser les ressources et à préciser l’étendue des gisements, est susceptible d’avoir des impacts environnementaux. Les principales techniques d’exploration scientifique (analyses minéralogiques, chimiques et courantologiques, échantillonnages géologiques et biologiques, photographie, vidéo et méthodes acoustiques) sont considérées comme ayant des effets nocifs très limités sur l’environnement marin lorsqu’elles sont utilisées ponctuellement. Elles pourraient avoir un impact significatif dans le cas d’une activité intensive sur une zone réduite, comme cela pourrait être nécessaire dans le cadre d’une prospection industrielle.
L’exploitation minière aura indéniablement des impacts sur l’environnement. Ils dépendront de la nature de la ressource exploitée, des technologies utilisées, des spécificités des communautés biologiques associées à cette ressource (en particulier leurs capacités d’adaptation et de résilience) et des caractéristiques physico-chimiques de l’environnement. Les seuls tests d’exploitation minière ou de perturbation des environnements profonds concernent les nodules polymétalliques et ont été menés dans les années 70 à 90. Nombreux sont donc les impacts qui restent à l’état d’hypothèses, construites à partir des connaissances actuelles sur les technologies d’exploitation ainsi que sur les écosystèmes associés aux ressources.
L’étape de collecte du minerai aura pour impacts majeurs la destruction durable de l’habitat et de la faune associée et la formation d’un nuage de particules fines (sédiments, particules de minerai) pouvant modifier la turbidité et la composition physico-chimique de la colonne d’eau. La sédimentation de ce panache sur une zone géographique large y affectera la faune qui s’y trouve (ensevelissement, perturbation de l’alimentation des espèces suspensivores...). La dissolution de particules riches en métaux est susceptible d’engendrer des éléments toxiques pour certaines espèces. Par ailleurs, la nature minéralogique et la réactivité des particules mobilisées dans ce panache sont différentes de celles des panaches hydrothermaux naturels et leurs effets ne peuvent être assimilés a priori à ceux des phénomènes naturels.
Le rejet des déchets miniers (eau de fond, sédiments, débris de minerai) constitue un autre point de vigilance majeur, dont les impacts dépendront de la profondeur à laquelle il est effectué. En surface, le rejet engendrerait une augmentation de la turbidité, une modification du pH et de la température, mais aussi un apport en nutriments et en métaux lourds, avec des conséquences potentielles sur la production primaire, les cycles biogéochimiques et les écosystèmes pélagiques. Le rejet des déchets dans la zone photique* est fortement déconseillé depuis plus de dix ans par la communauté scientifique. À proximité du fond, la modification de la température et le rejet de grandes quantités de particules fines potentiellement riches en métaux sont aussi susceptibles d’impacter les écosystèmes. La remise en solution et la toxicité de ces métaux dépendront des propriétés physico-chimiques locales.
D’autres conséquences sont possibles en lien avec l’activité industrielle. Les émissions acoustiques, lumineuses et électromagnétiques engendrées par le matériel utilisé sont susceptibles d’avoir un effet négatif sur la faune, bien que l’état des connaissances ne permette pas d’en préciser l’intensité. En surface, la présence de navires est susceptible de générer vibrations et bruit, rejet à la mer de saumure issue de la production d’eau potable, introduction d’espèces invasives, et accidents (fuite de carburant, de produits toxiques, perte de minerai créant un impact en surface, naufrage...).
Les impacts liés à des étapes autres que la collecte de minerai sont peu documentés dans la littérature scientifique. Il n’est pas possible à ce stade d’en préciser l’ampleur. Enfin, les conséquences de l’exploitation minière sont susceptibles de se cumuler avec les impacts d’autres activités anthropiques ou du changement global, mais les informations scientifiques à ce sujet sont limitées.
Les impacts connexes liés au traitement du minerai en surface ou à son acheminement à terre devraient être pris en compte dans le cadre d’une évaluation globale des impacts de l’exploitation minière sous-marine. Ils ne sont toutefois pas spécifiques des ressources minérales marines, et n’ont par conséquent pas été abordés dans l’ESCo.
La capacité de résilience des écosystèmes est encore peu documentée. Peu d’écosystèmes profonds ont fait l’objet d’un suivi à long terme, souvent limité à quelques visites répétées sur une ou deux décennies, et encore plus rares sont ceux qui sont effectivement associés à des ressources minérales profondes.
• Les nodules ont fait l’objet d’expérimentations spécifiques. L’épifaune* et l’endofaune* initiale des nodules ainsi qu’une partie de la faune du sédiment seront détruites par l’exploitation. On observe que les sites pilotes d’exploitation sont recolonisés en quelques années, mais par une faune de composition spécifique différente.
• Les études de l’impact de la pêche profonde sur les monts sous-marins permettent d’affirmer que les écosystèmes associés ont une capacité de résilience extrêmement faible, du fait de l’importance d’espèces ingénieures à croissance lente. Les espèces endémiques spécifiques aux encroûtements pourraient être menacées de disparition.
• Concernant les amas sulfurés, les connaissances de la dynamique des écosystèmes concernent surtout des sites hydrothermaux actifs de dorsales rapides soumises à de fortes instabilités environnementales. La connaissance très parcellaire des communautés des zones hydrothermales inactives ne permet pas aujourd’hui de prévoir la réponse des écosystèmes associés.
Il est difficile d’estimer les conséquences de l’exploitation sur les services écosystémiques. Certains services supports (habitats, cycles biogéochimiques...) pourraient être directement impactés, avec des conséquences incertaines sur les services d’approvisionnement (pêche...). Une perte de biodiversité pourrait engendrer, entre autres, la perte d’un patrimoine génétique et moléculaire d’intérêt pour les biotechnologies ou la médecine. Il n’est cependant pas possible à ce stade de chiffrer les conséquences économiques possibles de ces impacts environnementaux, la méthodologie d’évaluation restant à définir et à systématiser.
Représentation schématique des impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales marines profondes. L’illustration présente spécifiquement le cas des sulfures polymétalliques. Les impacts de l’exploitation des encroûtements et des nodules polymétalliques, similaires, sont représentés dans la synthèse du rapport de l’expertise.
L’expertise a synthétisé les connaissances disponibles sur les ressources et leurs techniques d’exploration et d’exploitation, afin de permettre une approche cohérente de leurs impacts.
Sulfures hydrothermaux
Caractéristiques
On rencontre des amas de minéraux sulfurés le long des 60 000 km de dorsales océaniques et au niveau de sites volcaniques sous-marins. Principalement constitués de sulfures de fer, ils peuvent selon le contexte présenter de forts enrichissements en métaux de base (cuivre, zinc) et métaux rares (or, argent, indium, germanium...). La surface des monts de sulfures est typiquement inférieure au km2, sur une épaisseur allant jusqu’à la centaine de mètres. Ils sont situés entre 800 et 5 000 m de profondeur.
Processus de formation
Les sulfures sont le résultat de la circulation hydrothermale d’eau de mer dans la croûte océanique. Les métaux dissous sont précipités lors du refroidissement rapide du fluide à sa résurgence. Les temps caractéristiques des processus hydrothermaux, beaucoup plus rapides que ceux des autres ressources, sont encore très mal connus.
Degré d’exploration
Les zones d’intérêt économique sont principalement les zones inactives (dépourvues d’activité hydrothermale) entre 1 500 et 1 500 m de profondeur. C’est pour les sulfures que les projets d’exploitation minière sont les plus avancés (en Papouasie-Nouvelle-Guinée notamment).
Encroûtements cobaltifères
Caractéristiques
Croûtes pouvant mesurer jusqu’à vingt- cinq cm d’épaisseur que l’on rencontre essentiellement au niveau de monts sous-marins et d’élévations intra- plaques. Composés d’hydroxydes de fer et d’oxydes de manganèse, les encroûtements présentent de fortes teneurs en cobalt, et parfois en platine et tellure, ainsi que des éléments mineurs tels que terres rares, titane, thallium, zirconium, molybdène... Ils peuvent couvrir des surfaces de plusieurs km2, à des profondeurs variant entre 400 et 4 000 m.
Processus de formation
Les encroûtements se forment sur des substrats durs, dans des zones où la combinaison de courants et de faibles apports de sédiments empêche la sédimentation. Leur faible vitesse de croissance, de l’ordre de 1 à 6 mm par million d’années, permet un enrichissement important en éléments traces dissous dans l’eau de mer.
Degré d’exploration
De nombreux pays se sont intéressés depuis vingt ans à ces ressources potentielles, qui restent toutefois dans l’ensemble mal connues. Les dépôts présentant le plus fort potentiel économique sont situés dans le Pacifique.
Nodules polymétalliques
Caractéristiques
Boules sombres de 5 à 10 cm de diamètre composées principalement d’hydroxydes de manganèse et de fer, dont la teneur en cuivre, nickel et cobalt est équivalente ou supérieure à celles des gisements terrestres exploités. Ils contiennent également de faibles teneurs de certains métaux rares (terres rares, lithium, thallium, tellure, molybdène...).
On les rencontre sur de vastes zones (plusieurs dizaines à centaines de milliers de km2) à la surface des sédiments des plaines abyssales, entre 3 000 et 5 500 m de profondeur.
Processus de formation
Les nodules se forment dans des zones à faibles taux de sédimentation. Leur vitesse de croissance est estimée entre 5 et 10 mm par million d’années. Les micro-organismes jouent certainement un rôle important dans les processus de mise en solution puis de précipitation des métaux dans les nodules.
Degré d’exploration
Les plus fortes densités de nodules ont été découvertes dès 1973 le long d’une ceinture est-ouest dans le Pacifique Nord. Cette zone, dite « Clarion-Clipperton », fait l’objet de treize permis internationaux d’exploration (dont un attribué à la France).
L’exploitation industrielle n’a encore débuté pour aucune de ces ressources potentielles. Les méthodes d’exploitation des ressources minérales marines profondes sont, dans la grande majorité des cas, encore en cours de développement, celles sur les encroûtements apparaissant à ce stade comme les moins avancées. Les informations sur ces méthodes ne sont pas disponibles dans la littérature scientifique et dépendent principalement des informations communiquées par les entreprises ou États impliqués. Elles ne relèvent donc pas stricto sensu d’une ESCo.
Quelle que soit la ressource visée, les dispositifs d’exploitation sont schématiquement constitués des éléments suivants :
• une unité d’extraction du minerai, installée sur le fond. Elle exerce une action mécanique pour libérer la ressource minérale recherchée et en constituer un matériau meuble, puis l’achemine jusqu’à la base du système de remontée. Cette unité ramasse ou aspire les nodules, situés dans la couche de surface, puis les sépare des sédiments. Elle excave puis concasse les amas sulfurés, qui peuvent atteindre une centaine de mètres d’épaisseur. Pour les encroûtements, solidement rattachés au substrat rocheux, elle fragmente puis racle la “croûte” riche en métaux et la sépare au mieux du substrat.
• une unité de remontée du minerai, qui transporte la ressource minérale depuis le fond jusqu'à un navire en surface. Il peut s’agir de bennes (système imaginé pour la remontée des nodules polymétalliques dans les années 80), ou de flexibles (riser) et de pompes induisant un flux d’eau ou d’air pour transporter le minerai, comme proposé récemment pour les sulfures.
• une unité de prétraitement du minerai, à bord du navire, qui vise d’abord à séparer la fraction solide du minerai, puis éventuellement à la compacter et la stocker. Le minerai est transféré sur d’autres navires afin de l’amener à terre. L’eau, éventuellement accompagnée de résidus de minerai ou de substrat, est rejetée à la mer à plus ou moins grande profondeur, dans certains cas à proximité du point de prélèvement.
Les contraintes spécifiques à chaque type de ressource modulent ce dispositif-type : le chantier sera ainsi mobile pour les nodules polymétalliques (disséminés sur de vastes surfaces), mais fixe pour les amas sulfurés (de dimensions réduites).
Les milieux et écosystèmes associés aux ressources minérales et de leur dynamique :
Sulfures hydrothermaux
Les sulfures hydrothermaux actifs sont caractérisés par des espèces dites “extrêmophiles” et une faune spécialisée associée à des bactéries chimio-synthétiques par l’intermédiaire de symbioses spécifiques (vers, crustacés, mollusques...). Ces communautés originales et particulièrement productives peuvent former des biomasses très importantes à proximité des sources hydrothermales de haute température (fumeurs noirs), mais également sur les flancs peu actifs des monts de sulfures. Leur composition spécifique varie fortement d’une région océanique à l’autre.
La faune des sulfures inactifs, a priori moins abondante et moins endémique, est très mal connue. Les communautés microbiennes y sont distinctes de celles des sites actifs, mais néanmoins abondantes et diverses.
Encroûtements cobaltifères
Les monts sous-marins présentent des zones de substrat dur pérennes colonisées par des espèces « ingénieures » fixées à croissance lente, comme les coraux et éponges, qui abritent à leur tour une grande diversité d’organismes. Oasis de vie isolées par les plaines abyssales, les monts sous-marins forment des habitats hétérogènes.
L’abondance, la biodiversité et l’endémicité de la macrofaune* sont très variables selon la typologie des sites. La diversité microbienne associée aux monts est peu connue.
Par ailleurs, tous les monts sous-marins ne présentent pas d’encroûtements, et la faune directement associée aux encroûtements eux-mêmes a été très peu étudiée.
Nodules polymétalliques
La faune abyssale classique est largement dominée par des animaux fouisseurs de petite taille (méiofaune*), de forte diversité mais de faible biomasse, exploitée par une rare mégafaune déposivore (oursins, holothuries...).
Sur les nodules, îlots de substrat rocheux dans la plaine abyssale, se développe une faune fixée suspensivore spécifique (coraux, éponges) qui exploite la nourriture contenue dans la colonne d’eau. La diversité microbienne des nodules, importante mais encore peu connue, se distingue de celle des sédiments et joue un rôle dans les processus de minéralisation des métaux.
Les écosystèmes associés aux sulfures et encroûtements sont distribués de manière discontinue à l’échelle des régions océaniques. Au contraire, les environnements associés aux nodules sont caractérisés par leur relative homogénéité sur de vastes espaces, corollaire d’un moindre degré d’endémisme.
Des facteurs variés structurent les communautés et la dynamique des écosystèmes
Les différents types de ressources minérales procurent aux écosystèmes une diversité d’habitats : les substrats sédimentaires meubles dominent sur les plaines à nodules tandis que les substrats durs sont majoritaires pour les sulfures et encroûtements. L’hétérogénéité des habitats à différentes échelles est une caractéristique majeure partagée par les différents types de ressources et un facteur important de biodiversité. Cette hétérogénéité est particulièrement importante pour les sites hydrothermaux actifs, mais encore mal caractérisée dans les zones inactives. Sur les substrats rocheux situés notamment sur les monts sous-marins, les coraux et gorgones contribuent largement à la structuration d’un habitat diversifié. La caractérisation de cette hétérogénéité à petite échelle, en particulier pour les monts sous-marins, requiert des études in situ mobilisant des moyens technologiques avancés.
Les environnements associés aux encroûtements et aux sulfures concentrent des ressources énergétiques importantes pour les communautés biologiques. Dans le cas des monts sous-marins, c’est la production photosynthétique de surface et son transport, favorisés par l’hydrodynamique locale, qui constituent la principale source d’énergie. En conséquence, les influences hydrodynamiques saisonnières et climatiques constituent des facteurs importants de la dynamique temporelle des écosystèmes associés aux encroûtements. La production chimio-synthétique microbienne, intense au niveau des sites hydrothermaux actifs, est également présente dans les sites inactifs où elle est faiblement soutenue par les minéraux sulfurés eux-mêmes. On observe dans les systèmes hydrothermaux actifs une importante variabilité à courte échelle temporelle du fait de l’instabilité des processus géologiques. La variabilité temporelle de court terme est en revanche mal connue pour les zones hydrothermales inactives et les flancs de monts sous-marins. Oligotrophes, chimiquement homogènes sur de larges échelles, les plaines abyssales sont néanmoins affectées par une dynamique saisonnière générale.
Les environnements associés aux sites hydrothermaux actifs ont des propriétés physico-chimiques contrastées, qui structurent fortement les habitats au travers d’adaptations des espèces à l’hypoxie, à la température ou à la toxicité des sulfures et des métaux. La biodisponibilité des métaux dans l’environnement et leur concentration dans les ressources minérales sont en partie contrôlées par des processus microbiens qui se déroulent jusque dans les panaches des fumeurs noirs et exercent ainsi potentiellement une influence sur les systèmes pélagiques dans leur ensemble. Les adaptations génétiques et moléculaires associées présentent un intérêt fort pour les applications médicales ou biotechnologiques. Les fluctuations environnementales des milieux associés aux encroûtements et sulfures minéraux inactifs, ou au contraire la stabilité des masses d’eaux profondes associées aux nodules, sont des propriétés particulièrement importantes en vue d’appréhender la sensibilité des communautés biologiques aux perturbations induites par l’exploitation des ressources.
Le taux de croissance, le cycle de vie (reproduction et phases larvaires) et la longévité des espèces-clés (coraux et gorgones, systèmes symbiotiques...), la diversité génétique et les capacités évolutives des populations sont par ailleurs des facteurs majeurs de la dynamique des peuplements qui restent encore largement méconnus.
La connectivité des populations n’est actuellement appréhendée que pour certaines espèces hydrothermales, naturellement soumises à des phénomènes d’extinction-recolonisation. Dans leur majorité, ces espèces sont capables de coloniser rapidement de nouveaux sites, de proche en proche. La courantométrie régionale, contrainte par le relief sous- marin, est un élément clef de la connectivité et donc du maintien des populations, mais aussi du transport de particules et composés minéraux dissous. Les outils et les modèles prédictifs qui permettraient de l’appréhender restent cependant à développer. Les interactions qui s’établissent entre espèces et entre organismes et habitats lors de la colonisation des sites restent également à documenter.
Les services écosystémiques :
La biodiversité, les écosystèmes et les milieux associés aux ressources minérales marines procurent aux sociétés humaines un certain nombre de services écosystémiques, schématisés dans la figure ci-dessous. Parmi ces services, certains sont assurés directement par les milieux associés aux ressources minérales tandis que d’autres sont assurés par les milieux marins profonds dans leur ensemble (services de régulation notamment).
Les connaissances scientifiques ne permettent pas, à ce stade, de proposer une évaluation monétaire des services écosystémiques associés aux zones océaniques profondes.