La consommation énergétique des infrastructures du web en 2030, l’équivalent de la consommation énergétique mondiale de 2008
La consommation énergétique des infrastructures du web (serveurs, data centers, …) pourrait représenter, en 2030, l’équivalent de la consommation énergétique mondiale de 2008.
Un aspect moins bien connu est la consommation d’énergie côté utilisateurs, c’est-à-dire les consommations via l’utilisation des PC, des smartphones et autres tablettes .
Pendant un an, le projet Web Energy Archive , soutenu par l’ADEME, a mesuré les consommations énergétique de 600 sites web par le biais de leurs utilisateurs.
L’objectif de WEA est de mesurer la consommation d’énergie des sites web côté client par des mesures réelles. Il s’agit de mesurer la manière dont les sites web sont proposés au « client » (au sens informatique du terme, c’est-à-dire du point de vue de l’utilisateur).
La consommation côté serveur n’est pas prise en compte dans un premier temps par la mesure (indisponibilité des moyens d’analyse sur des données réelles) mais par une estimation.
L’objectif est de se mettre en situation réelle d’utilisation des sites (navigateurs du marché, visualisation d’une page d’accueil…) et d’inventorier le plus grand nombre de sites web possible pour être représentatif de l’activité du Web.
Les impacts environnementaux du secteur des TIC sont susceptibles de croître de manière exponentielle
Des chiffres inédits sur la consommation énergétique des sites web
Les 100 sites français les plus visités engendrent une consommation annuelle totale de 8,3 GWh, soit l’équivalent de la consommation d’énergie de 3 077 foyers. L’impact de ces mêmes sites côté serveur est de 0,58 GWh, soit plus de 10 fois moins!
Selon le niveau d’éco-conception du site web (optimisation du poids du site et de ses images éventuelles,…), la consommation varie de 10 à 300 Wh pour 1000 pages vues.
L’étude WEA permet par ailleurs d’établir différents classements entre navigateurs ou encore entre systèmes d’exploitation. Ainsi, les systèmes Androïd consomment en moyenne 9,2 Wh d’énergie pour 1000 pages vues, soit environ 5 fois moins que les plates-formes PC.
Côté navigateurs, Chrome se retrouve en tête des plus gourmands en énergie avec 27 Wh pour 1000 pages vues, devant Internet Explorer et Firefox.
Autres indicateurs mis en avant : 171 Peta Octets, soit 5,7 millions de DVD Blueray, sont échangés chaque année entre ces sites et leurs serveurs, ce qui implique d’importantes capacités de stockage et accélère l’obsolescence des matériels (serveurs, disques durs…).
Il a enfin été démontré qu’un site web éco-conçu peut consommer moins pour un même niveau d’efficacité.
La mise en place de quelques règles simples de bonnes pratiques (limiter l’usage du flash, optimiser les images…) permettrait déjà d’économiser entre 20% et 25% d’énergie.
Une étude amenée à s’étendre
Analysant pour l’instant majoritairement des sites web français, le principe de l’étude intéresse déjà plusieurs autres pays et pourrait très vite traverser les continents. Pour répondre à ces ambitions, le projet WEA va non seulement mesurer davantage de sites mais aussi prendre en compte l’ensemble de la chaîne Internet en analysant les serveurs et réseaux.
Un projet de crowdfunding pour financer la suite des travaux sera prochainement mis en place par le Green Code Lab : contre un financement minimum de 10€, les sites pourront obtenir une étiquette énergie.
En conclusion, des sites web pas tous égaux devant l’éco-conception
La mesure de la consommation de ressource par WEA montre qu’il existe une grande disparité entre les 500 sites web. Il existe une corrélation entre le nombre de requêtes, la taille de la page et la mémoire vive consommée sur le poste client et l’énergie consommée. De la même manière, la corrélation entre mémoire et énergie existe. Par contre, les relations de cause à effet n’ont pas été prouvées. En effet, par exemple, est-ce le nombre de requêtes qui influe sur la mémoire vive, ou alors ou la taille des requêtes ; est-ce que la moindre consommation de mémoire vive impacte la consommation d’énergie… Cependant on observe que la frugalité des sites web en termes d’éléments (nombre de requêtes, taille des éléments…) amène automatiquement une réduction des ressources consommées (Energie et mémoire).
Ce constat est d’autant plus important que l’on observe que les sites les plus visités (sites d’information en particulier) sont aussi les plus lourds. Compte tenu de l’effet d’échelle dû aux millions de visiteurs de ces sites, l’impact de la phase d’usage est largement prépondérant du côté des utilisateurs. En effet, nous avons prouvé que la consommation d’énergie côté client était 100 fois plus importante que celle côté serveur.
Cette disparité existe de la même manière entre les navigateurs. On montre en effet que les ressources consommées par Google Chrome sont largement supérieures à celles des autres navigateurs. Globalement, les éditeurs ont tout intérêt à maitriser cet impact.
On observe encore plus ce besoin d’optimisation dans la gestion du cache. Les navigateurs n’amènent en effet que très peu de gain lors du rechargement de la page. Ceci n’enlève cependant pas le bénéfice des mécanismes de cache côté serveur et côté du réseau. Il est cependant dommage que la partie client, qui comme nous l’avons dit peut être prépondérante dans les impacts, n’en bénéficie pas. Ce constat est malheureusement vrai sur les plates-formes mobiles ou l’efficience est encore plus importante.
Sur ces plates-formes, on constate une consommation moindre de ressource mais la même disparité dans les niveaux de consommation. L’impact des sites sur l’autonomie de la plate-forme est alors non négligeable entre un site optimisé et un site non optimisé.
On observe de plus une tendance des sites web à utiliser des services extérieurs (comme par exemple les CDN ou des moteurs d’analyse). L’impact environnemental d’un site web en est d’autant plus complexe. Cependant, force est de constater que l’impact d’un service est extrêmement réparti : serveur principal, réseau, clients mais aussi serveurs externes et réseau associé. L’impact unitaire de tous ces éléments est peut-être faible mais la somme de tous les services et l’effet d’échelle rend la mesure et la maitrise de cet impact nécessaire.
Une plate-forme qui a montré son intérêt
Au-delà des résultats sur la consommation de ressources des sites web, la plate-forme WEA a montré plusieurs intérêts. En effet, tout au long du projet, les contributeurs et membres du Green Code Lab ont utilisé WEA pour des ateliers, des études et des démonstrations lors de salons, conférences. Il en ressort plusieurs choses notables :
- La plate-forme permet de sensibiliser les utilisateurs (pas uniquement les développeurs) à l’impact environnemental des sites web. Les métriques simples et l’étiquette énergétique permettent en effet de comprendre concrètement l’impact d’un site web.
- WEA permet de lever des alertes auprès de sociétés qui pensaient avoir appliqué des bonnes pratiques en termes d’éco-conception mais qui sont au final très consommatrices en termes de ressources. WEA est un outil de pilotage pour les décideurs.
- Le sentiment commun est que performance et éco-conception sont liées. Les mesures WEA montrent que ce n’est pas forcément aussi corrélé. Il est nécessaire de mesurer concrètement les bonnes pratiques pour énoncer qu’une pratique de performance est ou non en accord avec l’éco-conception.
- Même si les hypothèses sont perfectibles, WEA permet de caractériser précisément l’impact environnemental d’un site web côté client et d’agir concrètement.
De nombreuses évolutions possibles pour WEA
Afin d’être représentatif de l’usage actuel des sites web, WEA se doit d’évoluer régulièrement et de prendre en compte les tendances en terme d’usage et de matériel. C’est pour cela qu’il est nécessaire dans un premier temps d’augmenter le nombre de sites mesurés. Ceci demande de renforcer la capacité de mesure (actuellement 3000 sites par mois) par l’achat de serveur de mesure. Leur nombre est de plus à augmenter (PC fixes et mobiles). De la même manière, il serait nécessaire d’augmenter le nombre de systèmes d’exploitation et de navigateurs caractérisés avec WEA.
WEA doit de plus étendre son analyse à toute la chaine internet : serveur mais aussi réseau. En effet, comme l’étude a montré, il est nécessaire de mesurer pour comprendre et agir. De cette manière, afin d’identifier des points de consommation importants et des bonnes pratiques, la mesure et l’estimation globale est nécessaire. On peut imaginer par exemple que la localisation d’un serveur peut grandement impacter la consommation de la partie réseau.
Il est aussi intéressant d’ajouter des fonctionnalités nous permettant d’aller plus loin dans l’analyse des tendances (par exemple mesures de plusieurs pages du site, défilement de la page…). Ceci permettrait de plus aux développeurs et aux utilisateurs d’identifier des bonnes pratiques concrètes.
La plate-forme WEA permet de récolter de nombreuses informations sur les tendances de consommation de ressource des sites internet. Le WEA a de nombreuses données qui sont mesurées et qui n’ont pas été analysées (type des serveurs qui hébergent, catégorie des sites, caractéristiques des sites…). Ces données vont permettre de mieux comprendre les tendances et d’identifier des bonnes pratiques. Le Green Code Lab a pour objectif de prendre en charge ce travail afin de mettre en place un observatoire des consommations internet. WEA en est la première brique.