Accessibilité : la société doit s’adapter aux personnes en situation de handicap, et non le contraire ….
Un avis rendu par le Conseil Economique, Social et environnemental montre que l’accompagnement des personnes en situation de handicap doit suivre une approche inclusive et non celle qui privilégie l’intégration des personnes en situation de handicap en cherchant à les «adapter» à leur environnement qui compense les difficultés qu’elles rencontrent.
Plus d’un quart de la population française souffre d’une incapacité, d’une limitation d’activité ou d’un handicap. Les politiques en faveur des personnes handicapées en France leur accordent les mêmes droits formels que les autres citoyens et ont permis de répondre à certains de leurs besoins, notamment en termes d’éducation, de travail, de loisirs et de soins. Mais dans la réalité, ces droits ne leur sont souvent accessibles que dans des structures séparées. Les personnes handicapées et leur famille mènent de fait souvent des vies parallèles, en marge de la société.
La loi du 11 février 2005 reconnaît quant à elle l’environnement comme un facteur majorant ou minorant la situation de handicap et a également précisé les contours et l’étendue de l'accessibilité à tout pour tous et du droit à la compensation des conséquences du handicap. Elle est évaluée tous les 3 ans dans le cadre de la Conférence Nationale du Handicap.
Cet avis ne sollicite pas majoritairement l’appui des pouvoirs publics. Il s’attache plutôt à permettre la naissance d’une nouvelle dynamique sociale et économique, celle de l’inclusion, rendue possible par une société accueillante et accompagnante, une société où l'accès de tous aux biens et services est pensé en amont, comme une évidence. Cette vision nouvelle nourrira la Conférence nationale du handicap qui se tiendra cette année.
C’est dans cette optique que le CESE formule un certain nombre de préconisations qui s’articulent autour de quatre thématiques : un soutien au développement de la conception universelle ; une gouvernance plus lisible et le développement d’une recherche prospective ; un enrichissement de l’éducation et de la formation tout au long de la vie ; une valorisation de la singularité des compétences. L’avis a été présenté à la presse et en assemblée plénière le 25 juin. Il a été voté à l’unanimité des 156 votants.
· La conception universelle, un enjeu d’innovation et d’essor économique fort :
La conception universelle de biens et services consiste en la création et la production de biens et services pour tous auxquels il n’est pas besoin de médian pour y accéder. La conception universelle est non seulement « un stimulateur de recherche » mais, note le CESE, «elle a aussi la vertu de ne pas segmenter les productions, voire à terme, de réduire les prix de vente ».
Dans ce cadre, l’avis recommande de créer un pôle de compétitivité « accessibilité et conception universelle » par inter-région, en s’appuyant sur les équipes de recherche et les entreprises locales. Ces recherches doivent par exemples permettre de développer, en collaboration avec les personnes handicapées intellectuelles, des initiatives concrètes, comme les outils permettant la transcription automatique d’un niveau de langue vers un autre visant à faciliter la compréhension des documents. A l’école, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication doit être approfondie, le niveau technologique actuel permettant de répondre aux problèmes d’élèves ayant des difficultés praxiques ou cognitives.
Ce développement technologique doit nécessairement être lié à une mise en valeur des lieux et services déjà accessibles et inclusifs, en les référençant sur une plateforme numérique, en en faisant l’inventaire, ou encore un décernant un « prix de l’accessibilité » aux biens et aux services qui seraient décernés lors de la journée de l’accessibilité.
· Une gouvernance lisible et le développement d’une recherche prospective
La prise en considération de la parole des personnes handicapées ainsi que la participation à la vie politique et civique sont les conditions de leur citoyenneté pleine et entière. L’avis préconise ainsi de prendre en compte la parole des personnes directement concernées par une situation lors des concertations. Pour y parvenir au mieux, il recommande de réunir les trois Conseils consultatifs (âge, handicap et pauvreté) en une seule entité, un Haut Conseil à l’inclusion. Ce Haut Conseil serait composé d’experts des différents champs, mais aussi des personnes concernées. Ce Conseil doit être répliqué à l’échelon territorial.
«Une politique inclusive est inévitablement une politique d’anticipation des changements et des mouvements sociétaux » insiste l’avis. Cette politique ne peut ainsi être basée que sur la connaissance et la recherche. Le CESE recommande de saisir le Conseil national de l’information statistique (CNIS) pour qu’il suive l’application de la loi de 2005 dans l’esprit de l’inclusion des personnes handicapées dans toutes les activités de la société, et pour qu’il mette en œuvre une véritable épidémiologie des handicaps. La recherche doit également être développée pour permettre de mieux comprendre le handicap et ainsi d’apporter des réponses plus adaptées en termes de prise en charge. Pour que ces recherches soient les plus efficaces possibles, l’avis préconise de pérenniser les financements publics consacrés à la recherche et de maintenir les déductions fiscales sur les dons qui permettent aux fondations d’apporter une aide déterminante aux équipes de recherche.
· L’éducation, la formation initiale et tout au long de la vie, l’adaptation des métiers : des conditions essentielles
Sensibiliser n’est pas informer et encore moins former. Bien souvent, la confusion des genres existe au point que les professionnels peuvent totalement être dépourvus lorsqu’ils rencontrent une difficulté pour laquelle ils n’ont pas été préparés. Être formé, c’est avoir acquis des savoirs fondamentaux.
A ce sujet, la loi du 11 février 2005 prévoyait dans son article 22 « une formation consacrée à la connaissance et au respect des personnes handicapées et à leur intégration favorisant leur intégration » au primaire et au collège. Cette disposition législative n’a pas été mise en œuvre. L’avis insiste sur la nécessité de la rendre effective. Ainsi que le prévoit la loi, les professeurs doivent également être formés pour accueillir et enseigner à des élèves et étudiants en situation de handicap, et des moyens doivent être mis à leur disposition pour y parvenir dans les établissements scolaires.
Former les adultes de demain doit s’accompagner d’un accompagnement des personnes qui le sont aujourd’hui. De nombreuses associations, le ministère de la Culture, le ministère du Tourisme, promeuvent un pictogramme appelé S3A (Symbole d’Accueil, d’Accompagnement et d’Accessibilité) qui est la garantie pour les personnes en situation de handicap de rencontrer des personnels accueillant et comprenant leur difficulté.
Enfin, pour que la formation soit la plus efficace possible, le CESE insiste sur la nécessité de procéder à un inventaire des pratiques formatives existantes et à une évaluation des besoins dans ce domaine. L’avis propose de créer un groupe national «Formations et Handicaps», comprenant les organisations professionnelles, les partenaires sociaux et les associations représentatives des personnes en situation de handicap, qui serait chargé de procéder à cette évaluation.
· Être autrement capable
La France a des richesses qu’elle n’exploite pas suffisamment. Elle est riche d’expériences multiples mais celles-ci restent conditionnées par la bonne volonté et les compétences de quelques acteurs et sur des territoires restreints. Les projets à valeur inclusive ne sont aujourd’hui pas partagés, et donc non duplicables. L’avis recommande ainsi de mettre en place une plateforme permettant de recueillir et de partager des expériences éprouvées pour permettre à chacun d’aménager un projet à sa propre réalité territoriale.
Cependant, l’avis note que « la connaissance et le partage ne sont pas suffisants pour générer des comportements qui permettent de promouvoir les actions inclusives. Il est nécessaire d’y adjoindre des mesures incitatives ». Ces mesures sont nombreuses et touchent plusieurs domaines.
Les aidants doivent être mieux accompagnés, non seulement lors de l’établissement du diagnostic, mais à chaque moment, avec la création d’un numéro vert national permettant l’accès à une cellule de conseil, d’écoute, de soutien, d’entraide et d’information pour les familles de personnes handicapées. Les parents et la famille doivent pouvoir continuer à travailler. L’aide à domicile doit ainsi être rendue plus accessible, en la finançant par l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).
Pour faciliter l’accès à l’emploi ordinaire pour les personnes en situation de handicap, l’avis préconise de procéder à un audit du Code du travail pour modifier les dispositions pénalisant objectivement les personnes handicapées. Le CESE recommande également de développer l’emploi accompagné afin d’améliorer l’activité et le parcours professionnel des personnes en situation de handicap.
Enfin, le CESE recommande, pour permettre une meilleure accessibilité des personnes en situation de handicap au système de soin, de développer les réseaux de soins et de sécuriser leur financement, de façon à ce que des réseaux spécialisés puissent venir en appui de pratiques classiques. Le CESE préconise également la mise en place de « correspondants hôpitaux » en soutien des autres membres du personnel.
Christel Prado, rapporteure de l’avis, conclut en insistant sur l’importante de l’évolution proposée par le CESE : « Le CESE est convaincu que le mode de co-construction des politiques publiques est celui le plus abouti d’une société démocratique. C’est sans doute autant à la société qu’aux personnes d’évoluer aujourd’hui vers un versant plus inclusif dans le cadre des valeurs républicaines pour que la société française soit plus riche de l’ensemble des acteurs qui la compose »