Quelle place donne-t-on aux personnes handicapées dans notre société ???? Inaccessible et in'adap'tée
Une place inaccessible et in’’adap’’tée, la Commission Mixte Paritaire de l’Assemblée nationale et du Sénat a adopté mardi soir le projet de loi d’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’accessibilité des établissements recevant du public, des transports, de la voirie et des espaces publics. Cette ordonnance relative à l’accessibilité constitue, une fois de plus, un recul et suit tragiquement les volontés d’une société inaccessible, car après 2 lois inappliquées, et notamment celle de 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui donnait 10 ans pour rendre accessibles les établissements recevant du public, les transports, la voirie et les espaces publics, seulement 30% de ces établissements avaient respecté leurs obligations quelques mois avant 2015. Un échec cuisant de la France à faire respecter la mise en œuvre de l’accessibilité ! Depuis la loi sur l’accessibilité de 1975, et plus encore depuis la loi handicap du 11 février 2005, les associations n’ont cessé de demander un accompagnement fort, une impulsion politique claire et des dispositifs financiers adaptés.
Pourtant, après 40 années de retard, les associations en sont toujours réduites à devoir convaincre du bien-fondé des aspirations légitimes des personnes à mobilité réduite !
Les arguments avancés de la crise financière de 2008, dont les pouvoirs publics disent qu’elle est désormais derrière nous, et de la raréfaction des ressources publiques, ne peuvent ni expliquer ni justifier les années de retard prises dans la formalisation des documents de programmation et de diagnostics exigés par le législateur dès 2005 !
Alors que le gouvernement a souhaité réunir les grandes associations du secteur du handicap et les représentants des établissements privés et des collectivités territoriales pendant près de 140 heures afin de définir un cadre pour tenter d’instaurer une dynamique de mise en accessibilité de la société. Résultat, un amer constat que l’échéance d’accessibilité de la France pour 2015 ne sera pas respectée et que les personnes en situation de handicap devront encore patienter entre 3 et 10 ans pour pouvoir vivre comme des citoyens ordinaires ! Un cadre régressif dans lequel ont été constitués des « Agendas D’Accessibilité Programmée » (AD’AP).
La durée des ADAP prend en compte la diversité des situations : 3 ans au maximum pour 80 % des ERP, 6 ans pour les patrimoines rassemblant plusieurs ERP, à titre exceptionnel 9 ans pour des patrimoines lourds et complexes mais avec des réalisations échelonnées.
Par ailleurs,le projet de simplification dans le cadre du plan de relance pour la construction de logements instaure cette détermination inacceptable à rendre la société inégalitaire car il faut rappeler que 9,6 millions de personnes sont en situation de handicap (chiffres Insee) en France. Sans compter les personnes âgées, les parents avec poussettes, les femmes enceintes, l'accessibilité est un enjeu de société qui concerne tout le monde.
Et pourtant, l’égal accès des personnes à mobilité réduite aux droits et libertés ouverts à tous constitue un moyen de lutter contre les discriminations, une réponse sociétale améliorant la qualité de vie de tous les citoyens quel qu’ils soient, permettant ainsi d’anticiper les conséquences sociales et surtout économiques de l’allongement de l’espérance de vie.
L’APF a souhaité dénoncer ce pré-projet d’Ordonnance comme inacceptable en l’espèce.
- Les délais envisagés pour concrétiser une continuité de la chaîne de déplacement
entre le cadre bâti, les transports publics, la voirie et les espaces publics – objectif initial de la loi du 11 février 2005 – sont inenvisageables après 40 ans d’attente pour une réelle liberté d’aller et de venir, droit constitutionnel fondamental. Il est patent que ce texte ignore les 225000 signataires de la pétition initiée par l’APF (www.necoutezpasleslobbies.org) au sujet de ces délais...
- Le laxisme du dispositif des ADAP (Agenda d’Accessibilité Programmée) que ce soit en amont de la procédure (prolongation sine die du dépôt des ADAP, avis préfectoral favorable faute de décision explicite de l’Etat, etc.), pendant son cours (possibilité de demander des prorogations ou de suspensions), ou en son aval (faiblesse des amendes encourues, attestation de fin d’ADAP par photographies et factures pour les ERP de 5ème catégorie).
Alors qu’on nous parle de confiance, l’APF réitère son constat d’une société inaccessible malgré 2 lois inappliquées en 40 ans, donc la souplesse n’est plus de mise !
- L’apparition injustifiable de dispositions qui n’ont jamais été discutées pendant les réunions dites de « concertation », telle que la possibilité de reporter indéfiniment un dépôt d’ADAP.
- Au mépris des promesses gouvernementales initiales concernant les ERP de 5ème catégorie (commerces et services publics de proximité) pour qu’ils soient accessibles dans un délai de 4 ans (en tenant compte de l’année de procédure d’instruction des ADAP), il s’agit désormais de permettre à ces établissements d’avoir un délai allant jusqu’à 9 ans, voire plus (prolongation du délai de dépôt d’ADAP, suspension, et prorogation du délai de réalisation des ADAP, etc.).
Lié à la possibilité de reporter indéfiniment un dépôt d’ADAP, faudra-t-il attendre 2030, 2040, voire 2050 pour enfin avoir une simple boulangerie accessible ?
- La surexposition des « difficultés financières » dans le projet d’Ordonnance, s’avère insupportable au regard d’une part, de la possibilité entérinée initialement par la loi de tenir compte des capacités d’investissement (Cf. Voir Documents « Regards croisés » de la Délégation Ministérielle à l’Accessibilité : www.accessibilite.gouv.fr ) ; et d’autre part de ne pas obliger à prouver la demande d’obtention d’aides ou de prêts à taux bonifiés via la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations; 18 milliards d’euros à disposition) ou la BPI (Banque Publique d’Investissement), ou encore d’autres dispositifs ( Accord Banque populaire – CAPEB, les fonds structurels européens, ou des aides extra-légales comme avec les municipalités entre autres de Nantes, Grenoble, etc.).
- La suppression de l’avis conforme de la CCDSA (Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’Accessibilité) – hormis pour les grands ERP (notion restant à définir...) - : A l’heure de 50 milliards d’économies à effectuer dans les finances publiques, et des 30 milliards d’euros d’allègements patronaux dans le cadre du Pacte de responsabilité, il serait cyniquement dommageable de priver un Préfet de passer outre l’avis d’une commission préfectorale spécialisée...
- La systématisation de l’avis réputé favorable faute de décision explicite de l’Etat ; et ce qu’elles que soient la demande d’un gestionnaire d’ERP ou d’un service de transport public ; c’est-à-dire que cela concerne une demande de prolongation de dépôt d’ADAP, une demande de validation de l’ADAP, une demande de suspension ou de prorogation des délais des ADAP, etc.
- La suppression de la sanction automatique de l’inexécution d’un ADAP pour les ERP.
- La possibilité d’accorder un délai supplémentaire pour un gestionnaire d’ERP lorsqu’il n’a pas exécuté les engagements de son ADAP...
- L’absence d’obligation de dépôt d’un ADAP pour les services des transports publics
- La faiblesse des amendes encourues par une AOT (Autorité Organisatrice de Transport) pour non-dépôt d’ADAP et inexécution totale ou partielle d’un ADAP.
- L’enterrement de l’objectif initial de la loi du 11 février 2005 en prévoyant que tous les points d’arrêts d’un service public de transport, ne seront pas rendus obligatoirement accessibles (hormis le cas initialement prévu par la loi d’impossibilité technique avérée).
Une nouvelle fois, cette disposition ne respecte en rien les discussions des soi-disantes réunions de «concertation», au cours desquelles il fut question de dresser une méthodologie des points d’arrêts à rendre accessibles prioritairement, et non à exonérer indûment des AOT de leur obligation !
Il s’agit d’un gravissime recul par rapport aux objectifs initiaux de la loi du 11 février 2005 !
- Il faudra a minima attendre décembre 2018, voire beaucoup plus (compte tenu de la possibilité de reporter sine die un dépôt d’ADAP), la mise en place d’un service de substitution pour les points d’arrêts considérés comme non-prioritaires ; et ce alors que l’obligation de mise en place d’un tel service date initialement de Février 2008...
Et ce, d’autant plus qu’est ignorée la date de départ faisant courir l’inacceptable délai de 3 ans pour la mise en place d’un service de substitution...
- La suppression de l’obligation de mise en accessibilité des ERP liés à un point d’arrêt « considéré » comme non-prioritaire ; ou comment on détricote une loi au mépris de la ratification par la France de la Convention internationale des Droits des personnes handicapées !
- La désignation incompréhensible de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité à l’Autonomie) pour gérer le fonds regroupant les très faibles amendes liées aux ADAP : l’APF et le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) n’ont eu de cesse depuis 2005 d’expliquer que l’accessibilité n’avait rien à voir avec les mécanismes de compensation individuelle liée à une déficience ou à l’âge.
Rappelons que l’accessibilité concerne la majorité de la population française :
-les personnes vivant avec une déficience, qui représentent 10 % à 15 % de toute collectivité,
-les personnes âgées, qui représenteront un quart de la population d’ici une dizaine d’années, et ce alors que le Gouvernement prépare un projet de loi sur « l’adaptation de la société au vieillissement »
-les parents avec poussettes, -les femmes enceintes, -les voyageurs avec bagages, -les blessés temporaires,
-les cyclistes, qui ont besoin d’une voirie sans obstacles à la roue, -les livreurs, -les quelque 80 millions de touristes étrangers accueillis chaque année, -les personnes valides par le confort procuré, -etc.
De plus, l’APF a déjà fait constater le manque de moyens de la CNSA pour gérer des fonds d’origine diverse.
- La suppression de la sanction pénale prévue par loi du 11 février 2005 pour l’article L. 111-7 du Code de l’Habitation et de la Construction.
- L’introduction d’un nouveau motif de dérogation pour les ERP existants, via un refus d’une copropriété de se rendre accessible ; et ce alors que cette possibilité était déjà prévue par la loi du 11 février 2005 par les motifs réglementaires d’ « impossibilité technique » et de « disproportion manifeste entre les améliorations à apporter et leurs conséquences »...
- L’incompatibilité juridique apparente entre un délai de 5 mois accordé aux CCDSA pour instruire les dossiers d’ADAP, et le délai de 2 mois pour lequel une validation d’ADAP est réputée validée faute de décision expresse et notifiée de ladite CCDSA.
- L’inexistence d’obligation faite aux CIA (Commissions Intercommunales d’Accessibilité) de dresser une liste publique par voie électronique, des ERP accessibles ou ayant déposés un ADAP ;
Le gouvernement s’asseoit-il sur la nécessité pour les personnes vivant majoritairement en zone rurale, d’identifier les ERP accessibles ou ayant déposé un ADAP ?
- La suppression injustifiable de l’obligation faîte à l’ERP existant de respecter les obligations réglementaires du neuf lorsque celui effectue des travaux.