Le mythe du nucléaire bon marché à vécu, ces coûts ne vont cesser de croître…
Le 10 juin dernier, la Commission d’enquête parlementaire sur les coûts de la filière nucléaire, créée en décembre 2013 à la demande du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, a remis son rapport dont les conclusions montrent que les coûts sont sous-évalués et que la tendance est à la progression constante. Les coûts s’élèvent alors que même ceux du démantèlement ou du stockage ne sont pas connus. Conclusion principale, la faisabilité en matière de financement de la prolongation des centrales nucléaires ne peut être garantie....
Remis après six mois d’enquête au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, le rapport de la Commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire a enregistré pas moins de 110 interlocuteurs et émane les visites des centrales telles que Fessenheim, Tricastin, ainsi que le chantier de l’EPR de Flamanville ou encore l’usine de retraitement de La Hague.
Les conclusions du rapport proposent seize recommandations que le président de la Commission d’enquête, le député PS François Brottes, et le rapporteur, le député EELV Denis Baupin, ont exposé.
La Commission d’enquête dont le rapport relève des analyses divergentes de la part des rapporteurs a souhaité mettre en avant la notion de transparence et d’objectivité afin de ne pas cloisonner l’étude sur une position ’pour’ ou ’contre’ le nucléaire »,
Ainsi, pour François Brottes, l’étude a permis de tirer trois enseignements principaux : la sécurité de l’approvisionnement en uranium - « Nous sommes loin de la pénurie : les réserves d’uranium sont abondantes et diversifiées à l’échelle du globe » - ; le poids des « coûts cachés » du nucléaire ; et un prix à la production, aujourd’hui évalué à 62 euros le mégawatt/heure, qui met « l’énergie nucléaire en tête de liste des coûts de production de l’électricité les plus intéressants en France ».
Quand à Denis Baupin, son analyse appuie sur la croissance constante des coûts de production du nucléaire : « Une augmentation de 21 % en trois ans, selon la Cour des Comptes, c’est beaucoup ». Une tendance à la hausse qui devrait se poursuivre, alors même que ces évaluations ne prennent pas en compte «l’explosion du coût de l’EPR». Une situation insupportable puisqu’il souligne un total défaut sur la maintenance du parc nucléaire entre les années 1970 et 2000, mettant la filière face à ses responsabilités notamment en matière d’investissement, c’est le « mur d’investissement » – pour compenser le retard pris sur les travaux de maintenance, mais aussi intégrer les mesures complémentaires issues des ECS (Evaluations complémentaires de sûreté, entreprises suite à Fukushima) et renforcer la sûreté des installations sur les sites nucléaires.
Ces montants d’investissement, évalués à 110Mds€ par la Cour des Comptes, ne tiennent pas compte de l’éventuelle prolongation au-delà des quarante ans de durée de fonctionnement des réacteurs : « Si on décide de prolonger, alors il faudra intégrer d’autres investissements, de l’ordre de cinquante millions d’euros par an, par réacteur. Vous pouvez calculer le coût global des investissements que représente la poursuite en l’état du parc nucléaire français... », précise Denis Baupin. Et de rajouter qu’ils ne sont pas connus non plus de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. « L’ASN ne se prononce pas sur les coûts des mesures qu’elle préconise ».
Face à une situation insensée, Denis Baupin estime qu’il faut très rapidement créer une structure d’expertise indépendante permettant à l’Etat de planifier ces choix d’investissement au vu des enjeux de sûreté.
S’agissant de la gestion des déchets radioactifs, le rapport conclu à une nébuleuse comptabilité.
En effet, le rapport insiste sur les différentes estimations des coûts du stockage des déchets qui vont « de quatorze à vingt-huit milliards d’euros » souligne le député EELV regrettant de ne pas avoir eu connaissance des coûts potentiels du site d’enfouissement de déchets géré par l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) à Bure.
Le démantèlement des réacteurs arrivés en fin de durée de fonctionnement cristallise d’une certaine manière les oppositions sur ces approches par le coût. Il n’existe pas de chiffres précis concernant le coût général du démantèlement en France. « Comment pourrait-on le connaître pour l’ensemble des cinquante-huit réacteurs, alors qu’on n’en a jamais démantelé un seul jusqu’au bout en France ? » dit Denis Baupin.
Mais selon Francis Sorin, journaliste à la Revue Générale Nucléaire et par ailleurs conseiller du président de la SFEN (Société Française d’Energie Nucléaire), « on sait le faire à l’étranger, aux Etats-Unis ou en Allemagne, et donc on sait combien ça coûte : entre 250 et 400 millions d’euros ». M. Sorin ne trouve pas ce rapport « aussi virulent qu’on pouvait l’attendre avec Denis Baupin, un militant anti-nucléaire ».
Pour lui, cette enquête ne fait que « reprendre en substance le rapport de la Cour des comptes, qui a démontré qu’il n’y avait pas de coût « caché » dans le nucléaire, et que si son coût augmentait, il restait largement compétitif par rapport aux autres énergies ».
La fin du mythe de l’énergie nucléaire bon marché …. Le rapport insiste sur le fait que le mythe de l’énergie nucléaire à bon marché a vécu. Le rapport met en lumière la sous-évaluation de certains coûts et les zones d’ombre d’une filière qui est placée face à une obligation de transparence.
Lors de son audition par la Commission le 21 mai dernier, Ségolène Royal avait notamment annoncé un audit financier de cette question du démantèlement. Pour Denis Baupin, ce travail doit être un outil précieux dans les négociations à venir autour de la loi sur la transition énergétique : « ‘‘A quoi bon la transition énergétique puisqu’on peut prolonger les réacteurs ?’’ nous dit-on parfois. On peut désormais leur répondre que cette prolongation n’est pas gratuite mais qu’au contraire elle a un coût qui peut se révéler important. Cela prouve qu’il est indispensable que l’autorité politique prenne ses responsabilités au sujet de l’avenir du parc nucléaire français ».
« Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaire, notamment de la centrale de Fessenheim »