SISBAT, un programme de recherches sur le comportement au séisme des bâtiments à ossature bois…
Le programme SISBAT, lancé en 2009 et coordonné par FCBA, a pour objet d’affiner les connaissances sur le comportement au séisme des habitats avec charpente industrialisée en bois. SISBAT fait suite à des travaux réalisés par le CSTB à l’initiative du Syndicat National des Fabricants de Structures et Charpentes Industrialisées en Bois (SCIBO).
A cette fin, un ensemble de partenaires industriels impliqués dans la maison individuelle, dont les fabricants de charpentes industrialisées en bois - représentés par le SCIBO- et les fabricants de tuiles en terre cuite - représentés par la FFTB- se sont engagés dans un vaste programme de recherche durant 5 années. Alors que le programme touche à sa fin, les résultats se révèlent plus que satisfaisants : en cas de séisme, structure et couverture restent en place et continuent de jouer leur rôle.
L’actuelle carte de zonage du risque sismique (entrée en vigueur en octobre 2010) a notablement augmenté les exigences en matière de construction parasismique en France. Ainsi, 60 % du territoire français (contre 14 % auparavant) est concerné par une obligation de justification parasismique (via l’Eurocode 8).
Dans le cas de la maison individuelle, cette obligation de justification est limitée aux zones d’aléa modéré à fort soit 25% du territoire. Ces maisons individuelles disposent, dans la plupart des cas, d’une toiture en charpente industrialisée en bois (75%), d’une couverture en tuiles de terre cuite (70 % ), de murs maçonnés (85 %) ou en ossature bois (12 %).
Parallèlement, les connaissances en matière de résistance des charpentes industrialisées en bois méritaient d’être enrichies pour faire valoir le bon comportement de ces charpentes en cas de séisme. Aussi, dès 2009, SISBAT a réuni de nombreux professionnels en lien avec la maison individuelle. Un vaste partenariat de recherche où industriels, universitaires et centres techniques ont travaillé de concert, soutenus par l’Agence Nationale de Recherche (Programme RISKNAT) et le CODIFAB et coordonné par l’institut FCBA, avec un triple objectif :
Améliorer la connaissance scientifique sur ce type de charpentes et faire évoluer les textes normatifs (Eurocode 8)
Optimiser la conception et le dimensionnement des charpentes industrialisées en bois au séisme
Etablir des règles de moyens simplifiées et fiables pour le calcul des charpentes industrielles en bois en contexte sismique
«Les éléments se complètent idéalement pour une stabilité globale de l’ouvrage.»
3 questions à Céline DUCROQUETZ, responsable du Pôle Couverture, CTMNC
Pourquoi les tuiles terre cuite ont-elles rejoint le programme SISBAT ?
Il n’y avait pas de doute sur le comportement des tuiles en zone sismique. Le programme SISBAT représentait une opportunité de le vérifier scientifiquement et de répondre ainsi aux attentes des contrôleurs techniques en matière de règles de dimensionnement pour les ouvrages non structuraux.
Un mot sur les essais :
La contrainte mécanique majeure pour les tuiles est la résistance au vent. Nous avions vérifié par calcul qu’il était possible de se référer pour les sollicitations sismiques aux préconisations suivant les charges de vent. Sur la base des calculs comparés ainsi que du retour d’expérience issu des préconisations des règles PSMI, nous avons fixé les tuiles selon une contrainte minimale de vent... Cette approche a été payante: les tuiles se sont parfaitement comportées et toutes sont restées solidaires de la charpente.
Quels enseignements pour la filière ?
SISBAT a, à la fois, confirmé la bonne tenue des tuiles en zone sismique et conforté la crédibilité du système de fixation. Le retour d’expérience et les différentes phases d’essais nous permettent aujourd’hui de faire des préconisations de pose en zone sismique. Seule la zone de risque 4 oblige à renforcer la fixation.
OUTILS ET METHODES
Les exigences actuelles en matière de résistance en cas de séisme reposent sur deux principes:
- Assurer le non effondrement de la structure afin de permettre l’évacuation des lieux
- Limiter les dommages afin de minimiser le coût induit par les réparations.
Le dimensionnement des structures doit permettre de répondre efficacement à ces deux exigences.
Pour étudier cette résistance et donc le comportement de maisons individuelles disposant de toiture en charpente industrielle en bois avec couverture en tuiles terre cuite, le programme SISBAT s’est fondé sur une approche «multi échelles», visant à étudier dans un premier temps les éléments constitutifs de la charpente puis d’aller progressivement vers un ouvrage complet afin de comprendre son comportement global et ses répercussions sur la charpente :
* Echelle 1 : les assemblages (essais CSTB)
* Echelle 2 : les toitures à 2 pans (essais FCBA)
* Echelle 3 : les maisons (essais CEA)
Pour chaque phase, le programme a reposé sur un couplage constant entre approche expérimentale (tests sous chargements monotones et cycliques, table vibrante unidirectionnelle ou table vibrante 3D) et modélisation numérique. Ce couplage permet de valoriser les essais expérimentaux, de valider la modélisation et d’extrapoler les résultats pour d’autres bâtiments et d’autres séismes.
« Les charpentes, dimensionnées pour un séisme de 1, ont résisté à un séisme de 3.»
3 questions à Laurent LE MAGOROU, ingénieur construction bois, FCBA
Qu’est-ce qui a motivé la mise en place du programme SISBAT ?
En théorie, les structures bois présentent un très bon comportement au séisme du fait d’un rapport résistance/masse important et d’une excellente ductilité. Mais jusqu’à présent, dans le cas des charpentes industrialisées et par manque de preuves scientifiques, les valeurs fixées pour les calculs par l’Eurocode 8 étaient particulièrement défavorables, pouvant conduire à un inutile surdimensionnement des charpentes.
Concrètement, quels étaient les objectifs de ce programme ?
Il s’agissait avant tout d’apporter des preuves scientifiques pour améliorer l’état des connaissances sur le comportement des toitures en charpente industrielle en bois. Ces éléments permettant de faire évoluer l’Eurocode 8, d’éviter le surdimensionnement actuel (moins de contraintes de calcul) et, in fine, de mettre en valeur un très bon comportement de ce type de toiture en situation de séisme.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la valorisation à venir des résultats obtenus ?
SISBAT trouve sa conclusion concrète dans le programme SISTACI (également coordonné par le FCBA et financé par le CODIFAB) qui a pour objet de proposer des calculs simplifiés ou des règles de moyens pour la mise en œuvre des charpentes industrialisées pour les différents types de bâtiments, au-delà de la maison individuelle, et en fonction des différentes zones de risque sismique.
ESSAIS ET MODELISATION
3 questions à Carole FAYE, Ingénieure de recherche, Institut technologique FCBA, coordinatrice du programme SISBAT
Pouvez-vous détailler la méthode qui a été appliquée pour le programme SISBAT ?
L’idée était d’adopter une démarche globale, c’est-à-dire de réaliser des allers-retours permanents entre expérimentation et modélisation numérique. La modélisation a permis de faire varier les paramètres (dimensions des bâtiments étudiés et séismes) et d’obtenir ainsi 50 fois plus de situations, et de résultats.
Comment se déroule un essai sur table vibrante ?
Les derniers tests (sur maisons complètes) ont été réalisés sur la table vibrante Azalée du CEA, qui permet de simuler un séisme dans les 3 directions. Les maisons testées (6 x 6 m avec murs en briques terre cuite et murs en ossature bois) ont successivement subi 4 séismes, dont l’accélération maximale horizontale de sol était : 0,16 g - 0,33 g - 0,66 g - 1 g sans qu’aucune réparation ne soit réalisée. Entre chaque essai, un contrôle visuel a permis de vérifier l’état de la charpente et de la couverture (ainsi que l’ossature bois et les murs maçonnés). Les toitures en charpentes industrialisées en bois ont été testées telles qu’elles sont conçues aujourd’hui (selon le DTU 31.3) et donc sous dimensionnées selon l’EC8 (plus sévère) pour un séisme de niveau 0,16 g. Cependant, elles ont supporté l’ensemble des séismes sans effondrement.
Comment ces intensités de séisme ont-elles été fixées ?
Pour le territoire français, il existe 5 zones de sismicité. Pour la zone de sismicité la plus forte, l’accélération de référence sur un sol de type rocheux est de 3 m/s2 soit environ 0,33 g. Le niveau d'accélération lors des essais a progressivement été augmenté jusqu'à atteindre la valeur maximale en horizontal de 1 g. Ce dernier séisme a été reproduit 2 fois de suite sans effondrement des structures.
* Essais sur toitures complètes au FCBA, en 2011
Après les premiers essais sur pièces d’assemblage (2009) et les premières modélisations, 14 toitures sont testées sur table vibrante (2011) au FCBA.
* Construction d’une maison à ossature bois sur la table vibrante
Les allers-retours entre modélisation et expérimentation à différentes échelles aboutissent aux essais sur 2 maisons sur la table Azalée du CEA (2013).
* Charpente industrialisée en bois sur chaque maison
Chacune des 2 maisons a été réalisée pour les essais (dimension 6 x 6 m) et dispose d’une toiture en charpente industrialisée en bois.
* Couverture en tuiles terre cuite pour les essais de 2013
Les tuiles terre cuite ont été fixées selon les recommandations minimales des règles PSMI actuellement en vigueur: 1 tuile sur 5 est fixée à la charpente en partie courante.
* Essai sur maison complète ossature bois au CEA, en 2013
Une maison avec murs à ossature bois a été construite pour évaluer l’incidence de ce type de murs sur la charpente. Celle-ci est dimensionnée conformément aux prescriptions du DTU 31.3.
* Essai sur maison complète maçonnée au CEA, en 2013
De la même manière, la maison avec murs en briques terre cuite permet d’analyser l’incidence des murs maçonnés sur le comportement de la charpente.