De très grandes inquiétudes pour le secteur des Travaux Publics… 2014 la plus basse année depuis 1998
Alors que le secteur du bâtiment est durement touché par la conjoncture économique, celui des TP vit des jours sombres et à l’approche du deuxième semestre de l’année les perspectives ne permettent pas d’entrevoir une lueur d’espoir.
2014, pour le secteur du bâtiment, les perspectives sont plutôt sombres…
Le constat établit par le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) à la veille du Forum TP qui se tiendra le 15 mai à Paris montre que 2014 sera la plus basse année pour les Travaux Publics depuis 1998, 21% en dessous du point haut de 2007 en euros constants
Ainsi le secteur des TP confirme l’anticipation pour 2014 d’une baisse du chiffre d’affaires Travaux Publics de - 4%, malgré le léger rebond au 4ème trimestre 2013, l’activité est à nouveau au ralentie en ce début d’année. Certes, si on fait une comparaison avec le début 2013, les bonnes conditions météorologiques ont permis de soutenir les travaux mais l’activité est restée globalement assez faible.
Les marchés conclus sont en diminution de -8,7% en rythme annuel. Ce recul devrait se poursuivre dans les prochains mois alors que se mettent en place les nouvelles équipes municipales. Une baisse de la commande publique qui se retrouve également dans le suivi des lots TP dans les appels d’offres qui est passé au rouge dans la plupart des régions.
L’enquête d’opinion vient également confirmer ce décrochage de la commande : en avril 2014, les réponses des entrepreneurs du secteur font état d’une dégradation forte de leurs carnets de commande : le solde d’opinions correspondant aux carnets de commandes est plus de 23 points inférieur à sa moyenne de longue période.
Selon la fédération, il y a 3 grandes explications à ce pessimisme ambiant des entrepreneurs du secteur.
1. Le budget de l’AFITF est en forte baisse
• En crédits de paiements, le budget de l’AFITF est en forte diminution depuis la suspension de l’écotaxe. Le budget prévu en 2013 n’a pas été réalisé et celui annoncé pour 2014 est encore en baisse : le budget primitif 2014 est inférieur de près de 20% à celui de 2013.
• Des autorisations d’engagement qui ont été quasiment réduite à néant en 2014 avec les conséquences sur le financement de la prochaine génération de contrats de plan Etat-régions ou du 3ème appel à projet de transports collectifs...
• Ce budget de l’AFITF est catastrophique. M. Pancher, député de la Meuse a même récemment déclaré qu’il ne restait plus que 80 millions d’euros dans les caisses de l’Agence et que celle-ci vivait sur des avances de trésorerie (de RFF !).
2. L’investissement des collectivités locales est en panne
• Les études récentes des analystes de Standard&Poors et de la Banque Postale convergent vers une diminution de l’investissement local de l’ordre de -6% en 2014.
• Cette panne de l’investissement local est d’autant plus inquiétante que la FNTP ne voit pas de signaux d’améliorations à l’issue de cette année électorale.
3. Pas de soutien à attendre de l’investissement privé
• Enfin, peu d’espoir du côté du privé comme en témoigne le graphique d’évolution du nombre de logements neufs mis en chantiers et des autorisations de construire. Il n’y aura donc pas d’effet d’entrainement à rechercher de ce côté-là, la FFB ayant annoncé une évolution proche de zéro pour l’année en cours.
4. Emploi : les perspectives s’assombrissent encore
• L’enquête d’opinion FNTP du mois d’avril traduit ces mauvaises perspectives dans les entreprises de TP : les entrepreneurs sont nettement plus nombreux qu’aux trimestres précédents à anticiper une réduction de leurs effectifs. Le solde d’opinion retombe même à son plus bas niveau historique de 1997.
• Evidemment, il n’y a pas d’annonces de grands plans sociaux comme dans d’autres secteurs. C’est plus diffus sur tout le territoire et ce sont également des non remplacements de départs qui conduisent à cette baisse mais pourtant aujourd’hui les faits et les chiffres sont là : 22 500 emplois ouvriers permanents ont été perdus entre 2007 et fin 2013. Depuis le début 2013, la FNTP estime qu’elle a perdu plus de 7000 emplois ouvriers et maintient son anticipation de -12 000 emplois de sa dernière conférence de presse, pour 2014.
La baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales pourrait entraîner les Travaux Publics dans un scénario noir dans les trois prochaines années
La FNTP estime qu’après les annonces du Premier Ministre, il est désormais certain que les collectivités locales seront fortement sollicitées pour participer à l’effort de redressement des finances publiques. La baisse des dotations sera amplifiée et se poursuivra jusqu’en 2017, où elles seront inférieures de 10,5 Md€ à leur niveau de 2013. Elles devraient en effet baisser d’environ 3 Md€ chaque année entre 2015 et 2017.
La Banque Postale a construit trois scénarios pour tenter de prévoir l’évolution de l’investissement local sur la période 2015-2017 :
- Le scénario « de base » conduirait à une baisse de 21% des dépenses d’investissement en 2017 par rapport à 2014.
- Un scénario moins pessimiste, dans lequel les dépenses de fonctionnement sont mieux maitrisées, aboutit à des dépenses d’investissement en baisse de -8%.
- Enfin un dernier scénario « noir » faisant évoluer les recettes courantes de +2% an au lieu de +3% a été simulé. Dans celui-ci, les dépenses d’investissement des collectivités locales plongent de -34%.
En partant de l’hypothèse que l’ampleur de la baisse des investissements liés aux Travaux Publics sera équivalente à celle de l’investissement global, la FNTP en résulte un plongeon potentiel du chiffre d’affaires des TP liés aux collectivités et de fortes destructions d’emplois.
Elle rajoute que le scénario de base appliqué à l’évolution du chiffre d’affaire TP entraînerait un recul de celui-ci de 3,8 Md€ et provoquerait la destruction de 37 000 emplois. Les emplois perdus seraient de 58 600 en cas de scénario noir.
Automatiquement, la FNTP poursuit que ces pertes d’emploi impacteront en outre durablement la compétitivité de notre secteur en se traduisant par une perte de compétences dans certains domaines qui faisaient jusqu’à présent la force de ces entreprises sur le marché national et à l’export.
Les attentes des professionnels des Travaux Publics : cohérence, clarté, engagement
Jeudi 15 mai, la ministre de tutelle, Madame Ségolène Royal viendra s’exprimer devant les entrepreneurs de Travaux Publics. A cette occasion, la FNTP souhaite lui faire part de ses convictions et de ses attentes.
1. La FNTP est en ''état d'urgence'' avec un constat doublement préoccupant :
- la situation du secteur des Travaux Publics avec une véritable hypothèque sur l’avenir des entreprises.
- la situation des infrastructures : il est grand temps de sortir des ''idées toutes faites''.
Les infrastructures françaises ne sont pas les plus modernes du monde et nous perdons régulièrement en compétitivité. Prenons l’exemple d’un des derniers rapports du Forum Economique Mondial. La France était première en 2012 pour la qualité de ses infrastructures de transport, elle est 4è aujourd’hui. Et elle est passée de la 11ème à la 15ème place pour la qualité des services de transport.
2. La profession des TP ne vit pas dans une bulle. La FNTP attend de la cohérence et de la visibilité. Il ne peut pas y avoir de parole crédible de l'Etat sans engagements clairs assortis d'un mode d'emploi financier :
- Sortir de la logique des effets d'annonce jamais suivis d'effets qui désespèrent les entreprises, au bénéfice d'une véritable programmation accompagnée d'un calendrier précis sur le court et le long terme. Ce qui suppose de faire des choix et de s'y tenir,... enfin.
- La responsabilité de l'Etat, c'est de mobiliser des financements à la hauteur des ambitions qu'il se donne, en arbitrant entre les différentes ressources possibles (dotations budgétaires, fiscalité affectée, péage,...). Le sort qui sera réservé à l'AFITF, est un marqueur pour la FNTP. Reste à trouver très vite une solution pérenne de substitution pour un rendement équivalent à celui qui était prévu (800 M€/an).
3. L'Etat doit être à la fois plus courageux et plus visionnaire:
- Plus courageux, en se donnant les moyens de préserver les dépenses d'investissement qui sont devenues, depuis quelques années, la variable d'ajustement de nos politiques publiques. Il est plus que temps de s'attaquer aux dépenses de fonctionnement si l'on veut être capable de retrouver des marges de manœuvre pour investir dans nos infrastructures (éviter cette situation qui fait que la mauvaise dépense chasse la bonne). Nous accumulons en réalité beaucoup de retard (fluidification du trafic routier, équipement ferroviaire, prévention des risques naturels...) et les dépenses consacrées à l'entretien de nos infrastructures et de nos réseaux sont ''indignes'' d'un pays comme la France.
- Plus visionnaire en faisant de l'investissement dans les infrastructures un levier de compétitivité et d'attractivité pour l'ensemble de l'économie française. Les TP, ce sont les ponts et les routes. Mais pas seulement, ce sont aussi les infrastructures intelligentes, les réseaux numériques, les nouvelles mobilités, la ''ville de demain'', les économies de ressources (eau, énergie...)....
- Dans ce domaine, tout est d'abord et avant tout affaire de volonté politique et certains grands pays en administrent la preuve autour de nous : les États Unis, le Canada, l'Allemagne...
4. La profession des TP souhaite associer l’Etat à l’accord dans sa négociation avec les syndicats de salariés sur le pacte de responsabilité. En effet, compte tenu des spécificités de notre secteur dépendant à 70 % de la commande publique, la fédération a besoin d’avoir une visibilité sur les engagements de l’Etat en matière d’infrastructures et d’investissements. C’est pourquoi elle demande pour les Travaux Publics, une concertation tripartite avec les représentants des organisations patronales, des organisations de salariés et des représentants de l’Etat. C’est la seule voie possible pour ouvrir des discussions et fixer des objectifs en termes d’emplois.