Rendre la filière bois compétitive en améliorant l’accès à la ressource forestière et en développant la construction bois
Lancé à l’occasion de la présentation des 34 plans de la Nouvelle France, un comité stratégique de la filière bois (CSF bois) a été installé réunissant des représentants du secteur : entreprises ou fédérations industrielles, organisations syndicales et représentants des administrations en lien avec la filière, sous le pilotage d’un industriel, vice-président du comité. Avec la création du CSF bois, c’est la première fois que l’ensemble de la filière forêt-bois, qui génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 50 milliards d'euros et représente plus de 450 000 emplois directs et indirects, est reconnue à l’égal des autres filières industrielles stratégiques (automobile, aéronautique…). Face aux enjeux de la transition énergétique et écologique, elle constitue une filière d’avenir innovante, dont les perspectives de croissance sont fortes et seront à l’origine de créations d’emplois et de richesse.
u cours de cette réunion d’installation, a également été évoqué le plan « Industries du bois », l’un des 34 plans de la Nouvelle France Industrielle, lancé en septembre 2013 par le président de la République. Ce plan, animé par deux industriels alsaciens, Franck Mathis, PDG de Mathis S.A., et Dominique Weber, PDG de Weber Industries, vise à promouvoir l’utilisation du bois dans la construction d’immeubles en bois et dans l’aménagement intérieur. Il vise aussi à réimplanter sur le territoire national les activités de transformation du bois et à accélérer la massification de l’offre, dans le respect d'une grande qualité architecturale, notamment en faisant de la construction d’immeubles à vivre en bois le cœur de cette stratégie. Il s’agit pour ce faire de rendre la filière plus compétitive en améliorant l’accès à la ressource forestière et en développant la construction bois.
Ainsi, si la construction bois progresse en France, surtout dans la maison individuelle, d'autres pays sont plus avancés : les plus récents bâtiments en bois atteignent 8 niveaux en France, 14 en Norvège, 18 en Australie. Des bâtiments de plus de 30 niveaux sont en projet aux États-Unis et au Canada.
L'ambition majeure du plan consiste à lever divers freins techniques, réglementaires et culturels, d’abord en qualifiant le produit dans une démarche pilote, puis en le déployant sur le territoire. Le plan se déclinera également en région et soutiendra les industriels locaux qui décideraient d’en suivre la logique.
La construction urbaine en hauteur s'est imposée. Des levées réglementaires et culturelles font partie des premières démarches qui devraient être menées. A commencer par le ministère du Logement, mais aussi auprès des architectes et des prescripteurs ou des centres techniques (CSTB, FCBA). "Certaines actions et avis techniques pourraient être priorisés", précise un conseiller du ministre du Redressement productif. En ligne de mire, les avis techniques pour les bois thermochauffés. Des actions seront probablement menées en faveur des feuillus car le massif forestier français en est en grande partie composé. Parmis les axes : l'utilisation de feuillus en structure, en bardage, en terrasse... Concernant l'aménagement, l'accent sera porté sur le design et le savoir-faire français. "Nous avons de bons designers, des créations de très bonne qualité, mais nous n'en profitons pas assez. Nous devons être des leaders des savoir-faire de la qualité des espaces de vie", précise un représentant de l'Unifa. "Le ministère voulait un périmètre large, il l'a eu", lance, sourire en coin, Frank Mathis. Ainsi la partie construction en hauteur sera très technique avec des révisions réglementaires et normatives. "Nous allons avancer sur la réglementation structurelle et les normalisations feu, sismique... Parler de résistance au feu plutôt que de réaction au feu, mettre en place des réglementations qui autorisent la construction en hauteur sans soumettre des avis techniques. La partie aménagement sera plus marketing et visera à donner envie de vivre dans un environnement bois même si, là aussi, il peut y avoir des actions par rapport aux réglementations notamment concernant le feu, par exemple les cages d'ascenseur. Il y aura sans doute des passerelles." Deux projets donc, l'un plus technique, l'autre plus marketing !
Frank Mathis, Pdg de Mathis SA
Issu d'une famille d'industriels du bois installés en Alsace depuis 1875, Frank Mathis a repris l'entreprise familiale en 1999, après des études techniques et commerciales et un parcours de chef de projet sur des chantiers de grands bâtiments en bois sur lesquels il a fait à la fois les ventes et le suivi des travaux en lots séparés ou en entreprise générale bois. Frank Mathis s'est attaché à bâtir une entreprise totalement intégrée qui couvre à la fois l'ingénierie, la production industrielle des éléments en bois lamellé-collé et acier et la mise en œuvre sur chantier. Il a mis les hommes, les procédures qualité et l'amélioration continue au centre de son projet d'entreprise avec l'objectif de maintenir sa société au rang de leader national de la construction de grands bâtiments en bois. Frank Mathis, 50 ans, est également engagé dans les instances professionnelles nationales de la filière bois et le pôle de compétitivité pour les bâtiments à énergie positive : Energivie.
Parler d'une même voix :
Bref, une mobilisation conjointe des industriels et de l'Etat doit être menée. Pour cela, celui-ci attend qu'un consensus soit trouvé au sein de la filière : entre les industriels du bois et les forestiers, entre les usages en industrie et en énergie. De l'autre côté, trois ministères devraient se mobiliser : le ministère de l'Agriculture et de la Forêt, celui du Logement, du Développement durable et l'Energie et celui du Redressement productif. Pour l'heure, le financement des différents plans n'est pas réparti. Une enveloppe globale de 3,7 milliards sera utilisée en fonction des besoins. "Tous les plans ne seront pas identiques, a précisé Arnaud Montebourg lors de la réunion. On va faire au cas par cas en fonction des plans et des actions. Le CGI [Commissariat général aux investissements] et la BPI [Banque publique d'investissement] seront associés. Certains plans n'auront pas d'argent public mais de la commande publique par exemple. Chaque plan aura un correspondant à la direction de l'industrie et un correspondant chez moi avec des correspondants métiers. On ne veut pas de structure, c'est de l'argent dispersé !" Aussi, si tous les axes de ce plan ne sont pas encore véritablement bien définis, le ministre du Redressement productif a demandé à ce qu'avant Noël, les équipes soient constituées et le calendrier des actions fixé. "Et ne me dites pas que ce n'est pas possible, lance-t-il. Pour reprendre Napoléon Bonaparte : impossible n'est pas français !" Ces équipes seront composées d'industriels et de représentants de l'Etat et du Conseil national de l'industrie (CNI). Les premiers résultats de ce plan industriel doivent être visibles dans les trois ans, affirme-t-on au ministère du Redressement productif. Une première construction en hauteur - probablement moins de 10 étages d'abord - devrait voir le jour. Cela implique que d'ici là la filière puisse proposer une offre industrielle 100 % française et compétitive, que les manques aient été comblés, que les acteurs se soient mobilisés. Pour l'heure, Frank Mathis estime qu'une dizaine d'entreprises aujourd'hui et une cinquantaine à terme seront capables de construire en hauteur. La construction bois doit s'imposer d'elle-même de par ses atouts, que ce soit en construction mixte ou tout bois. Un beau challenge !
Dominique Weber, Pdg de Weber Industries
Dominique Weber, 55 ans, dirige depuis 1990 avec son frère Stéphane l'entreprise familiale Weber Industries située à Mertzwiller en Alsace, spécialisée dans la fabrication de mobilier en bois massif à destination de la grande distribution. En 2011, le groupe reprend la société vosgienne Manuest à Châtenois, renommée WM 88, pour y fabriquer des cuisines et salles de bain. Président de la délégation de l'Unifa Est, branche professionnelle, depuis 2002, puis président de l'Afpia Est-Nord depuis 2004, il est également trésorier de l'Unifa national depuis 2009 et membre du comité de direcion depuis 1993. Depuis 2012, il occupe la présidence de deux grappes d'entreprise Pama, Pôle aménagement de la maison en Alsace et celle du Plab, Pôle lorrain de l'ameublement bois, dédiée à l'animation de la filière ameublement dans la région.