Les berges du Faubourg de l’île de Nantes, un parcours séquentiel actif…
Un important travail de recomposition urbaine s’opère depuis 10 ans sur l’île de Nantes en s’appuyant sur la requalification des espaces publics. Quais, berges, rues, places sont créés ou réaménagés, et proposent une nouvelle trame urbaine pour le développement de la ville. Ils constituent autant d’espaces de rencontres et de croisements pour les habitants de l’île et les nantais. Ces réaménagements engendrent un nouveau partage de l’espace public au profit des transports en commun et des circulations douces, piétonnes et cyclables.
Pour se faire, les urbanistes-concepteurs de la phase 2, smets/uaps/sce, ont imaginé une trame d’espaces publics qui s’appuie sur la construction progressive d’une grande figure paysagère, à l’échelle de l’île. Cette figure constitue le canevas du projet qui lie les quartiers entre eux (rues et places, cheminements, jardins et parcs) tout en mettant en valeur leurs spécificités. Elle souligne la diversité de l’île et lui donne une structure d’ensemble. cette trame verte est composée de cinq axes majeurs : les berges de Loire, les axes est-ouest (ligne de Chronobus c5 et le boulevard Gustave Roch), les traversées nord-sud, les aménagements le long des voies ferrées et le grand parc métropolitain, à l’ouest de l’île.
Le concours des berges du faubourg : retrouver la Loire, chercher la continuité…
La requalification des bords de Loire est l’une des composantes majeures du projet urbain de l’île de Nantes. Depuis 2005, 7 km de berges ou quais ont été réaménagés sur les 12 km du tour de l’île. Après l’ouest (Quai des Antilles, site des chantiers, quai Mitterrand) et l’est (secteur Tripode, Bd de la Loire et Blancho au sud), les berges du faubourg viennent parachever l’aménagement de la rive nord. Ces aménagements offriront une continuité piétonne et vélo entre la pointe ouest de l’île (quai des Antilles, site des chantiers), la pointe est (le CRAPA), et jusqu’au pont Georges Clémenceau, au sud du Centre commercial Beaulieu. En 2015, les deux tiers du tour de l’île seront aménagés.
Le périmètre d’intervention est circonscrit entre le pont Haudaudine et le pont Aristide Briand. L’intervention des paysagistes commence aux pieds des façades bâties des quais Rhuys, Hoche et Doumergue, jusqu’à la Loire, dont la limite évolue en fonction du marnage.
afin d’engager une transformation du faubourg en profondeur, et de connecter les aménagements à ceux effectués le long de l’axe central est-ouest du Chronobus c5, la Samoa a inclu les rues transversales aux quais : rue de la tour d’auvergne, Conan Mériadec, grand Biesse, Français Libres et François Albert. Au total ce sont donc 7 hectares d’espaces publics qui seront réaménagés (berges+ voies).
Le programme défini conjointement par la Samoa, l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine smets/uaps/ sce et les services de Nantes métropole, porte sur la requalification des berges, en lien avec les enjeux suivants :
• mettre en avant le lien avec la Loire et la relation entre les rives, thématiques au cœur du projet urbain ;
• s’inscrire dans la continuité des aménagements déjà traités dans la phase 1 du projet urbain ;
• imaginer les usages avec les citoyens.
à l’image de l’ensemble des aménagements d’espaces publics sur l’île de Nantes, le projet doit s’inscrire dans la trame urbaine et la transformation mesurée afin non pas d’adopter une attitude nostalgique mais de valoriser l’existant.
Le programme laisse une certaine liberté aux équipes de concepteurs dans la définition des usages, notamment sur le linéaire du boulevard Gaston Doumergue. L’absence d’habitations à cet endroit permet en effet d’envisager un certain nombre d’expérimentations et d’accueillir tant des espaces récréatifs que des événements.
Afin de favoriser l’appropriation des lieux, du mobilier urbain spécifique (bancs, tables de pique-nique, poubelles...) et des toilettes publiques sont intégrés au projet. Une concertation avec les citoyens sera engagée au printemps 2014 pour définir les usages.
Par ailleurs, une attention particulière est apportée aux questions environnementales et aux équilibres naturels. Les berges de Loire ont un caractère vivant (lié notamment au marnage) mais également fragile. Elles abritent une biodiversité importante à laquelle il faut veiller. La célèbre angélique des estuaires, une plante endémique des grands estuaires français, très présente sur l’île de Nantes, illustre la richesse de cette biodiversité. à noter également que tous les espaces verts de l’île bénéficient d’un entretien naturel, sans arrosage ni pesticides.
L’ensemble des espaces doit permettre une accessibilité confortable à tous les publics, avec des circulations réservées aux piétons, vélos et tous types de circulations douces. De fait, les aménagements amélioreront l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et prendre en compte des principes relevant tant de la réglementation que des usages quotidiens : rampes à faible pourcentage, cheminements clairement délimités, limites de revêtements ou bandes podotactiles, espaces à proximité des bancs pour l’accueil des fauteuils roulants...
Sur tous les espaces publics réalisés depuis 2003 sur l’île de Nantes, les aménagements font l’objet d’un travail concerté avec les associations de personnes handicapées, dans le cadre de visites organisées avec la mission handicap de la ville de Nantes. Des échantillons de l’ensemble du mobilier urbain sont ainsi installés sur site pour être testés au cours de ces visites. Ces visites génèrent des adaptations de certains équipements, nécessaires à la meilleure appréhension ou utilisation.
Le concours de maîtrise d’œuvre
La Samoa a fait le choix d’un concours pour désigner le groupement de maîtrise d’œuvre qui se réunit autour d’une équipe de paysagistes confirmés. Au-delà des bureaux d’études techniques et d’ingénierie ou d’entreprises, les groupements intègrent des compétences spécialisées dans les modes de concertation avec les habitants, ce qui apporte une dimension nouvelle au projet.
Suite à un premier jury de classement qui s’est tenu en mai 2013, cinq équipes ont été admises à concourir parmi 45 candidatures :
• In Situ, Fhy, Aia Ingenierie, Biotec et collectif etc
• Agence Sosson, Tgt, Alphaville, Bazarurbain, Ingerop et confluences ingénieurs
• Latz&Partner, campo paysage, céramide ingénierie, Pfarré Lighting Design, Hervé saillet, cétrac, dhi et constellation
• BASE, Safege, Transitec, Champalbert expertise et bruit du frigo
• Phytolab, Forma 6, Arcadis, Pro-développement, Ville ouverte et Charles Vicarini
Après analyse des projets par un jury composé d’élus, des services de la collectivité et de personnalités compétentes*, la Commission d’appel d’offres de la Samoa a désigné comme lauréat, le 19 décembre 2013, le groupement constitué autour de BASE (bien aménager son environnement), agence française qui regroupe paysagistes, architectes et ingénieurs.
Le projet lauréat : une approche séquentielle en bord de Loire
« L’aménagement des berges nord de l’île de Nantes s’inscrit dans la lignée des parcs et aménagements récents de l’île qui sont la réminiscence d’usages antérieurs, visibles à travers des traces de matériaux, réagencés et réorganisés. Le remaniement de l’ancien a pour but de rendre les espaces « aimables », facilement accessibles, agréables, généreux pour les usages. Mais il s’agit également d’être aimable avec l’histoire du lieu, sa géographie et ses dynamiques écologiques. Cela suppose une certaine inventivité pour conjuguer les deux. L’invention, c’est faire du plus avec le moins, c’est se servir de l’existant et le traduire pour l’adapter aux usages contemporains, c’est un recyclage actif. L’amabilité, c’est l’humilité et la générosité dans les aménagements, pour qu’ils soient profitables à tous, en tout temps. » Extrait notice de projet – équipe base
Le projet lauréat, porté par l’agence base, met en exergue de nouveaux usages sur le site tout en assurant la continuité avec l’existant. Le parti pris d’aménagement repose sur le renforcement de deux ambiances différentes de part et d’autre du pont du général Audibert.
La première séquence, à l’ouest (quais Rhuys et Hoche), est abordée sous l’angle de l’attention au contexte, de la valorisation et du respect de l’existant (nature des sols en pavés, typologie du site, alignement de platanes...). La proposition est donc de prolonger ici « les usages et cultures locales qui se sont sédimentés progressivement sur les rives », sur un site qui restera plus minéral que le boulevard Doumergue avec notamment la conservation des pavés existants.
La partie est, après le pont Audibert, est perçue comme un lieu plus neuf, un lieu d’acclimatation où faire émerger de nouveaux usages. Ici prime l’inventivité, définie comme « faire du plus avec le moins». La proposition d’aménagement valorise le caractère naturel et fluvial des berges. Le quai, plus large, se prête parfaitement à utiliser le dynamisme nantais pour créer des usages expérimentaux qu’il conviendra de définir au fil d’ateliers de concertation avec les riverains et futurs usagers. Il est néanmoins proposé d’y aménager une guinguette dont les conditions d’animation devront être définies. Le reste du site sera doté de différents équipements, qui sont également à définir au fur et à mesure de la concertation, tels qu’une aire de pique-nique, des espaces de jeux pour enfants ou d’expression artistique, etc.
Sur les rues connexes, les principes généraux reposent sur l’apaisement des fonctions circulatoires, avec un traitement particulier des rues adjacentes et de leur connexion aux quais, créant notamment des placettes avec plateau surélevé. il est proposé un rétrécissement de la chaussée au profit des trottoirs pour offrir plus de confort aux piétons.
Sur les quais, le principal objectif fonctionnel en terme de circulation est de «recréer des continuités entre les modes doux et de rétablir des transitions douces là où les infrastructures routières ont pu les couper ». Toutes les pentes sont conservées mais des cheminements sont aménagés pour permettre l’accès à tous les publics. Au bord du fleuve, une passerelle sur caillebotis métallique permet la continuité piétonne lorsque la marée monte et inonde le bas du quai. Des gradines sur pieux sont aménagées offrant ainsi des possibilités d’assises et de contemplation du fleuve. Sur la partie haute, la typologie du site est également mise à profit pour créer des balcons sur la Loire (quais Hoche et Doumergue), sorte de respirations qui viennent rythmer le linéaire.
Les paysagistes proposent des ambiances végétales distinctes pour l’ouest et l’est. La partie est privilégie des essences ligériennes et locales, avec la conservation des grands platanes qui marquent le linéaire du quai.
Les paysagistes envisagent d’agrémenter la partie ouest d’une végétation luxuriante, pour diversifier l’approche ligérienne des espaces publics sur l’île, tout en conservant les troënes dorés existants. Une large palette végétale est proposée afin de créer des ambiances conviviales et propices à la détente.
La programmation proposée par le projet de l’équipe BASE a interpellé le jury par sa richesse, son foisonnement et par la qualité et l’intelligence de ses propositions. Mais au-delà, c’est la proposition d’une matrice capable de s’adapter aux besoins et aux envies qui sortiront de la concertation qui a remporté l’adhésion sur le projet.
«La programmation favorise les usages intergénérationnels et des activités adaptées aux heures de la journées, aux week-ends et aux saisons. Cela permet de maintenir une forte variabilité d’ambiances et d’animations temporelles sur les berges. De plus, le projet prend en compte l’évolutivité des berges suivant les crues : les usages possibles s’adaptent aux mouvements du fleuve...» extrait de la notice de projet–équipe base