Et pourquoi pas des gratte-ciels en bois ? PART.II
Si on peut légitimement se poser la question sur l'avenir de la construction en bois pour ce 21ème siècle, objet de la 1ère partie, à l’heure actuelle, on observe que plusieurs bureaux d'études ou cabinets d'architecte de partout à travers le monde planchent sur des concepts qui permettraient de bâtir prochainement des bâtiments en bois beaucoup plus hauts...
Le plus haut bâtiment en bois est la tour résidentielle de Forte Living, à Melbourne, en Australie, haute de dix étages (32 m). ...
Tall Wood, Vancouver (Canada)
L’architecte canadien Michael Green a mis au point un concept qui permettrait de construire à Vancouver une tour en bois pouvant atteindre jusqu’à 30 étages. Son idée : utiliser d’énormes panneaux de bois contrecollé pour les planchers et les murs ainsi que des colonnes de bois d’ingénierie pour la structure du bâtiment. Des poutres d’acier seraient également intégrées aux panneaux de bois massif supportant les planchers. Quatre options sont proposées selon les besoins :
1- Immeuble pouvant atteindre jusqu’à 12 étages.
Cette option, dont les murs en panneaux massifs et les colonnes au périmètre en bois servent de structure, permet une grande flexibilité sur le plan des divisions intérieures et du design de la façade.
2- Immeubles pouvant atteindre jusqu’à 20 étages.
Ici, en plus des murs et des colonnes en bois au périmètre, des murs structuraux en bois massif ont été ajoutés à l’intérieur. Cette option ne permet donc pas autant de possibilités sur le plan des divisions intérieures que la première. Toutefois, l’absence de murs structuraux porteurs extérieurs laisse la place à une grande flexibilité en ce qui a trait au design de la façade.
3- Immeuble pouvant atteindre jusqu’à 20 étages.
Similaire à la deuxième option en termes de nombre d’étages, ce concept intègre toutefois des murs structuraux porteurs extérieurs en bois massif. Ceux-ci remplacent les murs structuraux intérieurs et les colonnes au périmètre en bois, allouant ainsi une plus grande flexibilité sur le plan des divisions intérieures. Toutefois, les murs structuraux extérieurs en bois massif limitent le nombre de fenêtres possibles.
4- Immeuble pouvant atteindre jusqu’à 30 étages.
Son avantage réside dans la hauteur de construction qu’il permet. Toutefois, l’utilisation de murs structuraux porteurs à l’intérieur et à l’extérieur en fait la moins flexible des quatre options en termes de design.
Une ressource qui devrait être davantage considérée notamment dans la construction d’immeubles de grande hauteur.
Tel est l’avis de Michael Green, architecte canadien internationalement reconnu pour son travail orienté vers les défis humanitaires et environnementaux de notre société, présenté lors d’une conférence tenue à Montréal dans le cadre du Congrès de Montréal sur le bois. Si le Québec envisage de porter de quatre à six le nombre d’étages permis par le code du bâtiment, Michael Green, quant à lui, regarde toutefois beaucoup plus haut...
30 étages : voilà le chiffre magique. Quand Michael Green parle de son objectif de construire un jour un édifice en bois d’une telle hauteur, il s’exprime avec beaucoup de passion et de conviction. « Je crois qu’à moins que nous ne commencions à parler de viser la lune, qu’à moins que nous parlions de construire des bâtiments de 30 ou 40 étages en bois, nous ne parviendrons jamais à bâtir plus haut qu’à l’heure actuelle. »
En d’autres mots, l’innovation consiste, selon lui, en l’art de changer les perceptions qu’a la société de ce qu’il est possible de réaliser. « Prenez, par exemple, le tout premier gratte-ciel au monde, construit à Chicago en 1895 et s’élevant sur 10 étages. Les passants étaient terrifiés à l’idée de marcher à l’ombre de cet immeuble. Puis, quatre ans plus tard, on construisait la tour Eiffel, d’une hauteur équivalente à 81 étages. Ce n’est pas seulement un symbole de la France, c’est un symbole d’innovation. Il a semé l’idée que l’on pouvait construire des bâtiments plus hauts que 10 étages. De 30 à 40 ans plus tard, l’horizon de Manhattan était complètement transformé. Si nos ancêtres pouvaient être aussi innovants, repoussaient les limites aussi loin il y a un peu plus de 100 ans, nous pouvons certainement changer la façon dont nous construisons des bâtiments aujourd’hui. »
Certes, les modifications apportées au code du bâtiment provincial de la Colombie-Britannique en 2009 pour permettre la construction de bâtiments de six étages en bois constituent un pas dans la bonne direction. Michael Green fait toutefois remarquer qu’il ne s’agit pas pour autant d’une innovation. « Au Japon, un bâtiment d’une hauteur équivalente à 19 étages a déjà été construit entièrement en bois, il y a près de 1 400 ans, fait-il remarquer, dans une zone hautement sismique, une zone au climat humide... exactement comme en Colombie-Britannique. Cela laisse supposer que nous ne sommes pas assez brillants, en tant qu’architectes et ingénieurs, pour construire un bâtiment qui serait plus haut que quatre ou six étages. Cela laisse supposer que nous ne sommes pas aussi brillants pour réaliser ce que les gens faisaient il y a de cela 1 400 ans. »
La faisabilité des gratte-ciels en bois :
En 2012, Michael Green rendait public un long rapport sur la conception d’immeubles multiétages en bois : The Case for Tall Wood Buildings. Ce dernier est le résultat d’une étude réalisée avec Éric Karsh, ingénieur en structure d’origine québécoise pour Equilibrium Consulting, analysant différentes possibilités pour ce type de construction. Ils en sont venus à développer un système de construction innovant qu’ils ont baptisé FFTT (Finding Force Through the Trees). La plus simple version du FFTT consiste à relever des murs en panneaux de bois massifs de six étages de haut à la fois, jusqu’à l’obtention de la hauteur voulue. Au total, un bâtiment de 30 étages en bois pourrait être érigé en faisant appel à ce système.
Pour Michael Green, non seulement la technologie existe pour réaliser de tels édifices multiétages en bois, mais les problèmes sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés appellent à choisir cette voie. « Le carbone, c’est en quelque sorte le gras trans de l’architecture, explique-t-il. Nous avons analysé que la production de béton requis pour un bâtiment de 20 étages était à l’origine de l’émission de près de 1 215 tonnes de C02. Ce même bâtiment, s’il était conçu en bois selon le système FFTT, séquestrerait quant à lui près de 3 150 tonnes de CO2. Une différence de 4 356 tonnes de CO2, ce qui équivaut aux émissions de 900 autos pendant un an. Ce n’est peut-être pas une statistique très importante pour le moment, mais au fur et à mesure que les codes de construction vont évoluer, ces chiffres vont de plus en plus être considérés dans le choix des matériaux de structure. »
Des bâtiments multiétages en bois sont également souhaitables dans les secteurs propices aux catastrophes naturelles, telles que les tremblements de terre, puisque leur légèreté soustrait au bâtiment de un sixième à un quart du poids d’une construction en béton, contribuant ainsi à réduire les sollicitations sismiques. Le tremblement de terre survenu il y a un an à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, est révélateur. « Quand les ingénieurs ont analysé ces bâtiments, ils étaient complètement sous le choc devant l’ampleur des dégâts aux structures: il s’agissait pour la majorité de bâtiments en béton, la plupart de 20 étages. Pourtant, ces bâtiments avaient réagi exactement comme les ingénieurs et le code du bâtiment le prédisaient: ils ont dissipé l’énergie en se fissurant. » Ainsi, il devenait impossible d’occuper de nombreux bâtiments. « Environ 1 400 bâtiments à Christchurch doivent maintenant être démolis. Imaginez l’impact environnemental! Mais plus important encore, imaginez ce qui arrive à une ville majeure qui perd autant de bâtiments de la sorte... »
En plus des avantages sociaux et environnementaux découlant de l’utilisation du matériau bois, Michael Green souligne les avantages en ce qui a trait au temps de construction. « Si vous voulez convaincre votre client d’opter pour une construction multiétages en bois, ne regardez pas uniquement le coût brut des matériaux. Regardez la durée de la construction et évaluez les économies réalisées sur le plan de la main-d’œuvre, des assurances, du financement, etc. La durée de construction d’un bâtiment en bois fait partie intégrante de la preuve comme quoi ce type de bâtiment est économiquement rentable. »
De la planche à dessin à la réalité
Bien plus que le sujet d’une étude, la construction du premier bâtiment de 20 ou 30 étages en bois serait d’ailleurs sur le point de se concrétiser. « J’aimerais pouvoir dire que le plus haut bâtiment en bois au monde sera érigé à Vancouver. En fait, je sais que ce sera annoncé, mais je ne suis pas en mesure de dire où, ni quand, ni comment. J’espère que ce sera dans les prochains mois, mais ça pourrait prendre encore un an », admet-il.