La Maîtrise des débits, des températures, dans l’objectif de limiter la prolifération des légionelles
Le CSTB a édité un guide portant sur la maîtrise du risque de développement des légionelles
dans les réseaux d’eau chaude sanitaire. Destiné au chef d’établissement ou au responsable gestionnaire, il apporte une meilleure lisibilité des actions à engager sur les installations d’eau chaude sanitaire (ECS) dans le cadre d’une stratégie globale. Il est construit de manière à permettre l’identification rapide des différentes composantes du réseau, les difficultés majeures et les pistes d’actions envisageables.
En dépit des efforts techniques fournis pour sécuriser les réseaux d’eau chaude sanitaire (ECS), divers événements ont révélé le travail qui restait à accomplir dans ce domaine. L’application des textes réglementaires, si elle est indispensable, n’est pas toujours suffisante. La conception, la maintenance et l’exploitation du réseau doivent s’appuyer sur une évaluation du risque de contamination en fonction des contraintes de chaque type de bâtiment :
•Établissement recevant du public (ERP)
•Immeubles d’habitation
•Locaux de travail
Après avoir édité un article sur le bon contrôle des débits d’un réseau ECS, afin de garantir une température souhaitée en tout point du réseau. Cet article précisera le contexte réglementaire pour l’ensemble des établissements (ERP, immeubles d’habitation, locaux de travail) face au risque lié aux légionelles et la description de l’écosystème bactérien des réseaux.
La prévention de la légionellose et la gestion du risque lié aux légionelles à l’intérieur des bâtiments sont encadrées en France par plusieurs textes officiels qui s’appliquent aux propriétaires et gestionnaires des immeubles d’habitation, des locaux de travail et des ERP.
Les Dispositions générales
Les propriétaires des réseaux d’eau intérieurs des immeubles et des établissements sont tenus de respecter les obligations réglementaires du code de la santé publique (CSP) (articles L. 1321-1, R. 1321-1 et suivants, notamment R. 1321-49 et R. 1321-53) relatives aux eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Ces obligations portent notamment sur :
• la distribution d’une eau respectant, au niveau de l’ensemble des robinets des usagers, les limites et références de qualité réglementaires ; ces exigences de qualité portent à la fois sur des paramètres bactériologiques et des paramètres physico-chimiques, témoins notamment de la non-altération de la qualité de l’eau par les matériaux des réseaux d’eau (fer, cuivre, nickel, plomb, etc.) ;
• la surveillance permanente de la qualité de l’eau délivrée au consommateur : celle-ci intègre nécessairement l’examen périodique des installations de distribution d’eau, la tenue et la mise à jour régulière d’un carnet sanitaire des installations, et éventuellement la réalisation d’analyses complémentaires en fonction des dangers identifiés ;
• l’information du consommateur en cas de problème de qualité de l’eau distribuée et l’information des autorités sanitaires en cas d’incident pouvant avoir des conséquences pour la santé publique ;
• la mise en œuvre d’analyses complémentaires à la demande des autorités sanitaires, notamment en cas de risques pour la santé en relation avec l’usage de l’eau distribuée ;
• la construction des réseaux avec des matériaux conformes aux dispositions réglementaires (arrêté interministériel modifié du 29 mai 1997 et circulaires d’application et dispositif complémentaire d’attestations de conformité sanitaire) pour leur contact avec l’eau1 ;
• l’utilisation de produits et de procédés de traitement de l’eau, de produits de nettoyage et de désinfection autorisés ;
• la possibilité pour chaque consommateur, d’avoir accès à une eau froide non soumise aux traitements complémentaires mis en œuvre sur les réseaux d’eau de l’établissement. Par exemple, chaque consommateur doit disposer d’un point d’eau non traitée lorsque l’eau froide distribuée fait l’objet d’un traitement d’adoucissement.
Les propriétaires des réseaux d’eau intérieurs des immeubles et des établissements sont tenus de mettre en place les mesures nécessaires à la bonne gestion de la température de l’eau qui doit constituer un objectif essentiel à la prévention de la prolifération des légionelles dans les réseaux d’eau. Les obligations réglementaires relatives à la température de l’eau sont les suivantes :
• la température de l’eau froide doit être inférieure à 25 °C (référence de qualité mentionnée dans l’arrêté ministériel du 11 janvier 2007 relatif aux limites et aux références de qualité des eaux brutes et des EDCH) ;
• la température de l’ECS doit être supérieure à 50 °C sur l’ensemble du réseau d’ECS et inférieure à 60 °C aux points de puisage (à l’exception des tubes finaux d’alimentation des points de puisage « antennes » et dans les pièces destinées à la toilette où la température de l’eau ne doit pas dépasser 50 °C) ;
• la température de l’ECS au niveau des équipements de stockage doit, lorsque le volume total des équipements de stockage est supérieur ou égal à 400 litres, et à l’exclusion des ballons de préchauffage, être en permanence supérieure ou égale à 55 °C à la sortie des équipements ou être portée à une température suffisante au moins une fois par 24 heures (cas des ballons à accumulation).
Les obligations relatives à la température de l’ECS, publiées au travers de l’arrêté interministériel du 30 novembre 2005 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en ECS des bâtiments d’habitation, de bureaux ou locaux recevant du public s’appliquent à l’ensemble des réseaux d’eau neufs ou entièrement rénovés à partir du 15 décembre 2006. Les modalités d’application de cet arrêté sont explicitées dans la circulaire DGS/DSC/DGUHC/DGE/DPPR n°126 du 3 avril 2007. Il est rappelé que la température maximale est de 60 °C au point de puisage des établissements non rénovés après cette date.
Les Dispositions spécifiques
En complément de ces dispositions générales, des dispositions spécifiques incombent aux responsables d’établissements qui accueillent des populations particulièrement vulnérables aux risques liés à la présence de légionelles dans les réseaux d’eau intérieurs.
- Les établissements thermaux
Les établissements thermaux doivent suivre les dispositions mentionnées dans l’arrêté du 19 juin 2000 modifiant l’arrêté du 14 octobre 1937 modifié relatif au contrôle des sources d’eaux minérales naturelles et dans la circulaire DGS n° 2000-336 du 19 juin 2000 concernant la gestion du risque microbien. Dans ce type d’établissement l’absence de légionelles est exigée. Ces textes fixent les limites de qualité de l’eau et la gestion du risque associé.
- Les établissements de santé
Les établissements de santé doivent suivre les consignes mentionnées dans la circulaire DGS/DHOS n° 2002-243 du 22 avril 2002. Les établissements sont tenus de mettre en œuvre un plan d’action de prévention de la légionellose qui intègre nécessairement :
• l’expertise des installations avec la mise en place d’un programme de surveillance qui intègre la recherche des légionelles et la mesure régulière de la température de l’ECS ;
• l’élaboration et le suivi du carnet sanitaire ;
• la mise en place de protocoles de gestion dans le cas de présence de légionelles, de patients à haut risque et de cas de légionellose ;
• la planification des travaux de réfection des réseaux.
La circulaire précise notamment les produits qui peuvent être utilisés pour le nettoyage et la désinfection des réseaux d’eau et les actions curatives à entreprendre en fonction des résultats d’analyse de légionelles. Cette circulaire a fixé à 103 UFC/L en Legionella pneumophila le niveau d’action à partir duquel le responsable de l’établissement doit mettre en place les mesures relatives à l’information, à l’évaluation de la contamination des réseaux, à la mise en place de mesures correctives et de protection des populations. Pour les patients à haut risques particulièrement vulnérables, l’absence de légionelles aux points d’usage est exigée.
Le Guide de l’eau dans les établissements de santé, diffusé par la circulaire DHOS/DGS n° 2005-417 du 9 septembre 2005, récapitule l’ensemble des obligations réglementaires relatives à l’eau dans les établissements de santé et précise des recommandations de bonnes pratiques2.
Parallèlement, l’arrêté du 1er février 2010 impose des fréquences minimales d’analyses de légionelles et des mesures de la température de l’ECS applicables pour les établissements de santé et les autres établissements respectivement décrits dans les tableaux 1 et 2.
Tableau 1 : Fréquences minimales des analyses de légionelles et des mesures de la température de l’ECS dans les établissements de santé (extrait de l’arrêté du 1er février 2010)
Points de surveillance |
Mesures obligatoires pour chacun des réseaux d’eau chaude sanitaire |
Sortie de la/des production(s) d’eau chaude sanitaire (mise en distribution) |
Température de l’eau : 1 fois par jour (ou en continu) |
Fond de ballon(s) de production et de stockage d’eau chaude sanitaire, le cas échéant |
Analyses de légionelles : 1 fois par an – dans le dernier ballon si les ballons sont installés en série – dans l’un d’entre eux si les ballons sont installés en parallèle |
Point(s) d’usage à risque le(s) plus représentatif(s) du réseau et point(s) d’usage le(s) plus éloigné(s) de la production d’eau chaude sanitaire |
Analyses de légionelles : 1 fois par an Température de l’eau : 1 fois par semaine (ou en continu) |
Points d’usage représentatifs situés dans des services accueillant des patients identifiés par le comité de lutte contre les infections nosocomiales (ou toute organisation chargée des mêmes attributions) comme particulièrement vulnérables au risque de légionellose |
Analyses de légionelles : 1 fois par an Température de l’eau : 1 fois par semaine (ou en continu) |
Retour de boucle (retour général) le cas échéant |
Analyses de légionelles : 1 fois par an Température de l’eau : 1 fois par jour (ou en continu) au niveau de chaque boucle |
Les établissements sociaux et médico-sociaux
Les établissements sociaux et médico-sociaux d’hébergement pour personnes âgées doivent suivre les consignes mentionnées dans la circulaire DGS/DHOS/DGAS n° 2005-493 du 28 octobre 2005. Les consignes sont proches de celles relatives aux établissements de santé. Les plans d’actions mis en place par les établissements doivent figurer parmi les actions prioritaires dans le cadre des conventions tripartites. Ils intègrent nécessairement la surveillance de la qualité de l’eau vis-à-vis des légionelles, l’expertise des installations de distribution d’eau et la définition, le cas échéant, des travaux de réfection (Tableau 2).
Les autres établissements recevant du public
Les autres ERP, et notamment les établissements hôteliers, doivent mettre en place les contrôles – analyses de légionelles et mesures de température aux fréquences mentionnées dans le tableau 2 – dans les conditions prévues par l’arrêté du 1er février 2010. Par ailleurs, il leur est recommandé de :
• assurer un entretien régulier des réseaux, lutter contre l’entartrage et la corrosion ;
• assurer une circulation équilibrée de l’ECS dans les bouclages et une gestion appropriée de la température de l’eau ;
• formaliser des procédures et tenir à jour un carnet sanitaire des installations.
Pour nombre d’entre eux, cette surveillance constitue une action de prévention nouvelle. La circulaire du 21 décembre 2010 relative aux missions des ARS dans la mise en œuvre de l’arrêté du 1er février 2010 apporte des précisions sur les modalités de mise en œuvre de l’arrêté au travers d’un guide à l’attention des maîtres d’ouvrage qui traite des thèmes suivants :
• les légionelles et la légionellose ;
• la responsabilité des établissements ;
• la surveillance à réaliser au niveau des points techniques ;
• la surveillance à réaliser au niveau des points d’usage à risque ;
• les laboratoires chargés des prélèvements d’eau et des analyses de légionelles ;
• les objectifs cibles relatifs aux taux de légionelles aux points d’usage à risque ;
• les dispositions qui incombent aux établissements qui restent inoccupés;
• les mesures de prévention à mettre en œuvre ;
• les mesures curatives en cas de dépassement des objectifs cibles.
Tableau 2 : Fréquences minimales des analyses de légionelles et des mesures de la température de l’ECS dans les établissements sociaux et médico-sociaux, les établissements pénitentiaires, les hôtels, les résidences de tourisme, les campings et les autres ERP (extrait de l’arrêté du 1er février 2010)
Points de surveillance |
Mesures obligatoires pour chacun des réseaux d’eau chaude sanitaire |
Sortie de la/des production(s) d’eau chaude sanitaire (mise en distribution) |
Température de l’eau : 1 fois par mois |
Fond de ballon(s) de production et de stockage d’eau chaude sanitaire, le cas échéant |
Analyses de légionelles : 1 fois par an – dans le dernier ballon si les ballons sont installés en série – dans l’un d’entre eux si les ballons sont installés en parallèle |
Point(s) d’usage à risque le(s) plus représentatif(s) du réseau ou à défaut les point(s) d’usage le(s) plus éloigné(s) de la production d’eau sanitaire |
Analyses de légionelles : 1 fois par an Température de l’eau : 1 fois par mois |
Retour de boucle (retour général) le cas échéant |
Analyses de légionelles : 1 fois par an Température de l’eau : 1 fois par mois au niveau de chaque boucle |
Il convient enfin de signaler que la prévention de la légionellose et la gestion du risque lié aux légionelles dans les ERP ont fait l’objet d’un guide de recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF), diffusé par la circulaire DGS n° 2002-273 du 2 mai 2002.
La contamination des réseaux par la légionelle
La Legionella :
Les légionelles d’origine hydrotellurique se rencontrent dans les réservoirs aquatiques naturels (rivières, lacs, étangs), dans les sols humides, les composts et les boues d’épuration. Même si ces bactéries sont détectables dans des eaux dont la température varie de 6 °C à 63 °C, leur optimum thermique de croissance se situe entre 25 °C et 43 °C (Konishi et al., 2006). Ainsi, les légionelles colonisent de nombreuses installations liées à l’activité humaine : principalement les réseaux d’ECS, les installations de refroidissement par dispersion d’eau dans un flux d’air (tours aéroréfrigérantes [TAR]) utilisées pour la climatisation d’immeubles tertiaires ou le refroidissement sur les sites industriels, les bains à remous (« spas ») mal entretenus, mais aussi parfois les équipements de stations thermales, les fontaines décoratives, etc.
La colonisation de réseaux d’ECS par des micro-organismes est de plus en plus identifiée comme source récurrente de problèmes sanitaires. Cette biomasse est fixée sur les parois des canalisations des réseaux dans une matrice de polymères organiques (couche visqueuse de quelques micromètres à quelques millimètres d’épaisseur), aussi appelée « biofilm ».
Le biofilm peut être à l’origine de la corrosion des canalisations et de la dégradation de la qualité de l’eau mais peut aussi entraîner des problèmes de contamination microbienne de l’eau, véhiculée dans le réseau. En effet, le biofilm joue alors un rôle protecteur vis-à-vis des légionelles en raison de sa structure et de la présence de protozoaires (par exemple les amibes).
Dans un réseau contaminé, la proportion de légionelles présentes se répartit à plus de 95 % emprisonnées dans le biofilm et à moins de 5 % libres dans l’eau (Flemming et Walker, 2002, Saby et al., 2005).
Il existe une confusion entre les bactéries libres (pélagiques ou planctoniques) et la situation réelle du circuit avec une méconnaissance de la présence et de la quantité de biofilm. En effet, les légionelles fixées dans le biofilm (sessiles) sont de 50 à 1 000 fois moins exposées aux traitements que les bactéries pélagiques (McBain et al., 2002). Green (1993) a même montré qu’une dose de 1mg/L de chlore libre était suffisante pour tuer L. bozemanii planctonique alors qu’une concentration quatre fois plus élevée était nécessaire pour pénétrer le biofilm et atteindre les Legionella sessiles. De plus, pour une concentration donnée en désinfectant, un temps de contact bien plus long doit être appliqué pour atteindre les bactéries sessiles par rapport aux pélagiques (Wright et al., 1991). Ce phénomène est dû à la consommation des désinfectants par le biofilm. En conséquence, les résultats des tests des produits de désinfection réalisés in vitro sont très différents des observations faites in situ.
Présentation de la maladie : légionellose :
La légionellose représente l’un des principaux risques infectieux liés aux réseaux d’ECS. En milieu hospitalier, ils sont à l’origine de la plupart des cas de légionellose nosocomiaux.
Parmi les bactéries les plus couramment isolées dans le biofilm, les légionelles font l’objet d’une surveillance spécifique du fait de leur impact sanitaire. Elles sont en effet responsables de deux types d’affections, l’une bénigne et pseudo-grippale (fièvre de Pontiac) et l’autre, infection respiratoire aiguë (légionellose) transmissible par l’inhalation d’aérosols contaminés.
La période d’incubation de la légionellose est habituellement comprise entre 2 et 10 jours. Le diagnostic repose majoritairement sur la recherche d’antigène urinaire chez le patient (spécifique des infections à Legionella pneumophila du sérogroupe 1, pathogènes). La mortalité augmente dès lors qu’il s’agit de personnes fragiles (immunodéprimées) et de sujets âgés.
En France, la maladie est à déclaration obligatoire4 depuis 1987. Jusqu’en 2005, le nombre de cas enregistrés était en augmentation ce qui s’explique principalement par une amélioration de la surveillance, celle-ci reposant sur le diagnostic et la déclaration aux autorités sanitaires (figure 1). Depuis 2006, le nombre de cas a diminué progressivement, témoignant de l’impact des mesures engagées dans le cadre du plan national santé-environnement (PNSE) 2004-2008 et du plan gouvernemental de prévention de la légionellose. Par ailleurs, la létalité a également diminué et s’est stabilisée autour de 10 %. Près de 1 200 cas ont été notifiés en 2009 et 1 540 en 2010. Les données sont publiées chaque année sur le site de l’Institut de veille sanitaire (InVS).
Influence de l’hydraulique sur le développement des légionelles :
La lutte contre le développement des légionelles est devenue une priorité dans la production d’ECS, en particulier dans les établissements de santé, mais également pour toute production collective d’ECS (immeubles d’ha- bitation, ERP et locaux de travail). Il y a cependant parfois plus d’échecs que de succès dans la lutte contre cette bactérie. Cela est dû à plusieurs facteurs :
− un dimensionnement inadapté des réseaux ECS bouclés. En effet, la mauvaise circulation dans les boucles d’ECS, entraîne une diminution de la température et la formation d’un biofilm. La formation du biofilm est la principale cause de prolifération dans les réseaux d’ECS. Cette circulation difficile a pour origine l’absence ou le calcul erroné du dimensionnement des canalisations de retour de boucle d’ECS. Elle peut aussi engendrer le colmatage des canalisations et/ou des organes d’équilibrage ;
− une mauvaise connaissance de la qualité physico-chimique des eaux, de la présence de bras morts, de l’état général du circuit (corrosion, entartrage, etc.).
Afin de lutter efficacement contre les légionelles dans les réseaux d’ECS, il est indispensable de limiter leur développement. Ainsi, il est nécessaire d’agir à deux niveaux :
• Assurer un fonctionnement hydraulique satisfaisant dans les boucles d’ECS et ainsi maintenir l’eau à une température élevée, supérieure à 50 °C, en tout point des canalisations maintenues en circulation par la pompe, depuis la production jusqu’au piquage des antennes. Pour cela, le dimensionnement ne doit pas se baser uniquement sur le calcul des pertes thermiques. Le calcul des pertes de charge du réseau d’ECS, le respect des vitesses de circulation dans les canalisations et des plages de fonctionnement des organes d’équilibrage sont tout aussi importants pour un bon dimensionnement des boucles d’ECS.
• Lutter contre l’entartrage et la corrosion par une conception et un entretien adaptés à la qualité de l’eau et aux caractéristiques de l’installation. Le nombre d’actions de maintenance à mener doit être réaliste et permettre leur mise en œuvre effective.
La réalisation de ces actions limite, voire supprime, la nécessité de réaliser des interventions curatives sur les réseaux ECS qui ne garantissent pas une efficacité à long terme. De plus, de tels traitements peuvent avoir pour conséquences un déséquilibre de la flore microbienne et une dégradation des installations (corrosion), favorisant ainsi la création de nouveaux gîtes favorables à la prolifération des légionelles.
Les traitements disponibles :
Il est important de signaler que les traitements de désinfection ne sont efficaces que dans les tronçons en circulation. La maîtrise de la température en tout point du réseau en circulation permet de s’affranchir de tout traitement de désinfection.
Il existe de nombreux traitements sur le marché qui sont classés en fonction :
− du type d’eau à traiter. En effet, l’ECS relève du code de la santé publique (dispositions relatives aux eaux destinées à la consommation humaine) alors que les TAR ont moins de contraintes, l’eau étant considérée comme industrielle ;
− de la phase de traitement. Celui-ci peut être préventif (traitement en continu) ou curatif (traitement choc) dans le cas d’un circuit d’eau contaminé.
Les méthodes de traitement sont de trois types : physiques, thermiques ou chimiques. Cependant, les méthodes physiques comme la filtration membranaire ne sont que peu utilisées, en dehors des filtres terminaux (Kim et al., 2002).
Le tableau 3 présente l’ensemble des traitements qui sont autorisés en France pour désinfecter les réseaux ECS.
Tableau 3 : Désinfectants utilisables en France dans les réseaux ECS (circulaire du 22 avril 2002)
Produits |
Utilisation en traitement continu |
Utilisation en traitement discontinu a |
Utilisation en traitement choc curatif b |
Composés chlorés générant des hypochlorites (hypochlorite de sodium ou de calcium, chlore gazeux, hypochlorite de calcium) |
1 mg/L de chlore libre |
10 mg/L de chlore libre pendant 8 h |
100 mg/L de chlore libre pendant 1 h ou 15 mg/L de chlore libre pendant 24 h ou 50 mg/L de chlore libre pendant 12 h |
Dichloro-isocyanurates (de sodium ou de sodium hydratés) |
Non |
10 mg/L en équivalent chlore libre pendant 8 h |
100 mg/L de chlore libre pendant 1 h ou 15 mg/L de chlore libre pendant 24 h ou 50 mg/L de chlore libre pendant 12 h |
Dioxyde de chlore |
1 mg/L de chlore libre |
Non |
Non |
Peroxyde d’hydrogène mélangé avec de l’argent |
Non |
100 à 1 000 mg/L de peroxyde d’hydrogène c |
|
Acide peracétique en mélange avec du peroxyde d’hydrogène |
Non |
Non |
1 000 ppm en équivalent H2O2 pendant 2h |
Soude |
Non |
pH > 12 au moins 1 h d |
|
PROCÉDÉS |
|||
Choc thermique |
60/50 °C dans le réseau et inférieur à 50 °C dans les pièces de toilette |
Traitement discontinu : 70 °C pendant 30 min |
|
Filtration membranaire seuil de coupure 0,2 μm |
Oui |
Non |
Non |
a: Les modalités de désinfection préconisées pour les traitements discontinus n’ont été validées que pour de petits réseaux, et les retours d’expériences ne permettent pas de les valider actuellement pour les réseaux de taille plus importante. b: Les concentrations de désinfectants sont données à titre indicatif. Il faut s’assurer au préalable de la tenue des matériaux avec les types et les doses de désinfectants utilisés. c: Pour un temps de contact fonction de la concentration et pouvant aller jusqu’à 12 heures. d: Cependant des précautions doivent être prises pour la tenue des matériaux. Cette solution doit être envisagée en dernier ressort et avec de grandes précautions eu égard au risque encouru par le personnel. |
Les traitements thermiques
Les traitements thermiques sont souvent utilisés pour limiter la prolifération de legionella pneumophila dans les réseaux ECS (immeubles d’habitation, établissements de santé et autres ERP, etc.).
En France, le CSHPF dans son rapport sur la gestion du risque lié aux légionelles recommande que la température du circuit soit portée à 70 °C pendant 30 minutes avant qu’il soit entièrement vidangé. Cette procédure de choc thermique est reprise par la circulaire du 22 avril 2002.
Cependant, les chocs thermiques n’ont qu’une efficacité transitoire (Kim et al., 2002 ; Farhat et al., 2010). Thomas et al. (2004) ont constaté que les amibes résistent à des températures de 70 °C et représentent alors des zones refuge pour les légionelles. Par ailleurs, des travaux récents de Mouchtouri et al. (2007) ont montré que les chocs thermiques dans des réseaux ECS pouvaient n’être pas suffisamment efficaces pour éliminer les légionelles à moins qu’ils ne soient appliqués très régulièrement et associés à un traitement chloré. Enfin, il est important de rappeler le risque de brûlure au contact d’une eau traitée thermiquement au regard du temps d’exposition nécessaire pour détruire les légionelles (tableau 4).
Tableau 4 : Correspondance entre la résistance thermique des légionelles et le risque de brûlure de la peau
Température de l’eau |
Temps d’exposition |
|
Brûlure profonde de la peau* |
Destruction des légionelles |
|
70°C |
1 seconde |
1 minute |
60°C |
7 secondes |
30 minutes |
50°C |
8 minutes |
Croissance stoppée |
*Pour une personne, adulte en bonne santé (valeurs publiées en 1992 par la Société française d’étude et de traitement des brûlures ; le risque est encore plus important pour les personnes fragiles et les jeunes enfants). |
Il paraît important de signaler que les chocs thermiques ont un effet mécanique sur les surfaces internes des canalisations. Le DTU 60.1 précise qu’ils sont interdits, pour les tubes en acier galvanisé et il convient, par ailleurs, de vérifier le domaine d’emploi des canalisations de synthèse pour réaliser ces chocs thermiques. Enfin, ces chocs induisent une mise en suspension des particules qui peut provoquer le colmatage des organes de réglage et un stress des bactéries qui se réfugient dans les antennes et les bras morts.
Les traitements chimiques
Plusieurs agents oxydants sont largement utilisés pour désinfecter les eaux destinées à la consommation humaine (tableau 3). Parmi ces produits, ceux à base de chlore sont les plus utilisés pour lutter contre les légionelles dans les réseau d’ECS. En cas de forte contamination, des traitements chocs sont réalisés en injectant périodiquement des concentrations en chlore libre de 15 à 100 mg/L. Après un temps de contact variant en fonction de la nature du produit et de la concentration injectée (tableau 3), le réseau est alors vidangé et rempli avec de l’eau du réseau public.
Bien que le chlore soit le moyen le plus couramment utilisé pour désinfecter les réseaux ECS, il présente aussi parfois des inconvénients. Tout d’abord, la chloration permet un abattement efficace des légionelles, mais ne les éradique pas totalement. Cela s’explique par la présence de Legionella dans les amibes qui résistent à la chloration (Kilvington et Price,1990 ; Thomas et al., 2004) et par le fait que le chlore ne pénètre pas dans le biofilm (DeBeer et al., 1994). La chloration peut aussi entraîner une augmentation de la corrosion des réseaux, ce qui fournit de nouvelles zones de refuges pour les bactéries (Kim et al., 2002).
Les produits non oxydants sont essentiellement utilisés pour traiter les TAR. Ils ne seront pas évoqués dans ce guide.
Quand désinfecter ?
La circulaire DGS du 21 décembre 2010 relative aux missions des ARS dans la mise en œuvre de l’arrêté du 1er février 2010 apporte des informations aux maîtres d’ouvrage au travers du guide joint en annexe : elle précise notamment que l’interprétation des résultats d’analyse doit être contextuelle, et liste les actions qui peuvent être engagées s’agissant des actions curatives lorsque les objectifs cibles sont dépassés (les quantités de Legionella pneumophila doivent être inférieures à 1000 UFC/L d’eau aux points d’usage à risque [douches notamment] et inférieures au seuil de détection au niveau des points d’usage à risque accessibles aux patients particulièrement vulnérables des établissements de santé).
Extrait du chapitre 9 du guide joint à la circulaire DGS du 21 décembre 2010 : « Les interventions à mettre en œuvre par le responsable des installations à la suite du dépassement des objectifs cibles sont celles mentionnées dans les circulaires en vigueur : pour les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux d’hébergement pour personnes âgées, ces mesures sont mentionnées dans les circulaires du 22 avril 2002 et du 28 octobre 2005 respectivement.
Pour les autres établissements, il pourra être procédé en fonction de la situation aux actions suivantes :
1. interprétation contextuelle des résultats d’analyse : vérification de l’origine des écarts par rapport aux résultats d’analyses antérieures, recherche des causes de dysfonctionnement, confirmation du risque ;
2. restriction des usages à risque (douches, bains à remous, etc.) ;
3. mesures correctives (entretien) au niveau des installations d’ECS (production ou/et réseaux) ;
4. renforcement des contrôles et mise à jour de la stratégie d’échantillonnage ;
5. intervention technique pour supprimer l’exposition ;
Ces actions sont prises en application de l’article 4 de l’arrêté du 1er février 2010 qui prévoit que, lorsque les seuils en légionelles ne sont pas respectés, « le responsable des installations prend sans délai les mesures correctives nécessaires au rétablissement de la qualité de l’eau et à la protection des usagers ».
6. Désinfection curative par choc thermique ou chimique : elle ne doit intervenir que si elle est nécessaire, à l’issue de la mise en œuvre des autres actions, notamment lorsque les mesures correctives n’ont pas été suffisantes pour assurer le rétablissement de la qualité de l’eau.