L’apport satellitaire au service de la planification des territoires et du suivi de leur utilisation.
La Direction de la recherche et de l’innovation du Commissariat général au développement durable vient de publier une étude concernant l’apport des applications satellitaires notamment sur les besoins en matière de planification des territoires et de suivi de leur utilisation.
Face à l’augmentation continue de l’artificialisation des espaces, cette préoccupation majeure de l’occupation des sols a donné lieu à un ensemble de dispositions législatives et réglementaires, tant communautaires que nationales. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les efforts déployés pour contribuer, à cet égard, aux objectifs de la Transition écologique. Les satellites apportent en effet une vision globale des phénomènes observés, tout en étant très utiles pour appréhender les phénomènes locaux et étudier à toutes les échelles les évolutions dans le temps.
Les projets pilotes lancés avec le soutien du ministère depuis 2011 et 2012 ont notamment permis d’avancer significativement dans le traitement automatisé des images fournies par satellites, en obtenant, sur des emprises régionales ou locales, des couches d’occupation des sols simples, qui présentent un potentiel d’utilisation intéressant pour un suivi régulier de l’étalement urbain et contribuent au diagnostic de territoire nécessaire pour la planification. Grâce à l’imagerie en très haute résolution, déterminer la densité urbaine sur de larges zones est aujourd’hui possible.
Le contexte réglementaire
Sur ce sujet prioritaire, la production réglementaire a été très importante depuis une quinzaine d’années.
Documents d’urbanisme
Pour répondre aux besoins de la population en termes de logements et d’alimentation, la Stratégie Nationale de Développement Durable 2010-2013 a fixé parmi ses orientations la lutte contre l’artificialisation des espaces. Il en découle une obligation d’intégrer dans les documents d’urbanisme des mesures relatives «à la maîtrise de l’étalement urbain» et à «la limitation de la consommation des espaces agricoles et naturels». Il s’agit de privilégier le renouvellement urbain et la densification du bâti, pour répondre au besoin croissant d’espace.
La loi Grenelle 2 du 12 Juillet 2010 avait déjà préconisé un urbanisme plus économe en ressources foncières, avec notamment des schémas de cohérence territoriaux
(SCOT) plus prescriptifs, fixant des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, et précisant les mesures pour les atteindre. Quant aux plans locaux d’urbanisme (PLU), ils poursuivent aussi un objectif chiffré de limitation de la consommation des espaces naturels. L’évaluation des politiques publiques conduites dans ce cadre est devenue obligatoire, avec des périodicités variables suivant les documents de planification concernés (3 ans, 6 ans, 10 ans).
Trame verte et bleue
Dans le cadre de la Transition écologique, la politique de Trame Verte et Bleue porte l’ambition d’enrayer le déclin de la biodiversité, en préservant, voire en restaurant, les continuités écologiques. Cet outil d’aménagement du territoire vise à (re) constituer un réseau écologique cohérent à l’échelle nationale, pour permettre aux espèces animales et végétales de circuler, de s’alimenter et de se reproduire.
Les Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE) déclinent la Trame Verte et Bleue à l’échelle régionale et la plupart des documents d’urbanisme ou des grands projets doivent être compatibles avec ces schémas, afin de réduire la fragmentation écologique du territoire.
Préservation des terres agricoles
La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) du 13 juillet 2010 a complété ce dispositif, en posant le principe d’une réduction de moitié de la perte de surfaces agricoles d’ici 2020. Elle a conduit à la création d’un Observatoire de la consommation des espaces agricoles, ainsi qu’à la mise en place des Commissions Départementales de la Consommation des Espaces Agricoles (CDCEA).
La première Conférence environnementale, qui s’est tenue les 14 et 15 Septembre 2012, a défini très précisément les mesures à prendre et le calendrier associé, pour engager l’ensemble des politiques publiques dans la lutte contre l’artificialisation des sols.
Nécessité d’un schéma d’analyse cohérent
Ce cadre réglementaire exigeant, qu’il s’agisse de maîtrise de l’étalement urbain, de structuration du maillage écologique ou de préservation des terres agricoles et des espaces naturels, requiert un schéma d’analyse cohérent, comprenant trois étapes de travail :
diagnostic de l’état actuel,
définition des territoires à enjeux,
suivi des tendances au moyen d’indicateurs pertinents.
La caractérisation de l’occupation du sol, comme celle de son évolution, deviennent un impératif.
La qualité des bases de données disponibles étant de niveaux très hétérogènes et présentant certaines limites, il existe un fort besoin de production d’une couche actualisée d’occupation des sols. Si l’utilisation de l’imagerie satellitaire apparaît comme une solution crédible pour répondre à cette attente, le recours à des méthodes complémentaires, ne serait-ce que pour des vérifications de terrain, apparaît encore nécessaire dans le cas d’applications exigeantes en terme de cartographie fine ou d’évolution sur de petites emprises.
Les enjeux de l’occupation du sol
Comme cela a été évoqué plus haut, les grandes thématiques qui répondent aux enjeux évoqués par le cadre réglementaire et pour lesquelles les applications satellitaires offrent une grande utilité, sont au nombre de quatre :
un urbanisme plus économe en ressources foncières,
une consommation plus sobre de l’espace liée à la préservation des terres agricoles,
une restauration des continuités écologiques,
une détermination fine de la densité urbaine, liée à la lutte contre l’étalement urbain.
Les attentes des utilisateurs
L’objectif principal des utilisateurs de l’imagerie satellitaire est la détermination d’indicateurs pertinents sur un territoire régional, avec une localisation simple des zones à enjeux (consommation de l’espace, potentiel écologique ...). Cette exigence requiert une nomenclature en 7 classes d’occupation du sol, qui soit cohérente avec Corine Land Cover : surfaces artificialisées hors axes de communication, surfaces en eau, forêts, cultures, prairies, axes de communication, zones humides distinctes des cultures, prairies. La thématique des zones humides nécessite, quant à elle, des travaux de recherche complémentaires.
Les avantages de l’imagerie satellitaire
Par rapport aux bases de données habituellement utilisées pour traiter des thématiques de l’occupation des sols, les technologies satellitaires présentent différents atouts :
une large couverture d’observation (exemple : 60 km x 60 km pour SPOT 5)
la possibilité d’un passage régulier au-dessus d’un même point (après seulement quelques jours, par exemple)
des résolutions spatiales conformes aux besoins
• des coûts faibles par rapport à l’utilisation d’images aériennes, dès lors que la zone d’observation est vaste, une information spectrale riche permettant la mise en place de traitements automatiques de l’information sur des territoires étendus
un recours à des techniques d’extraction automatique d’informations et de production d’une couche d’occupation du sol répondant à un grand nombre de besoins l’émergence de dispositifs d’accès gratuit à l’imagerie satellitaire (ex : Geosud, qui permet à tout acteur public d’accéder à une image d’une couverture nationale homogène, avec une résolution entre 5 et 10 mètres).
Les conditions et les limites de l’utilisation
Comme pour les autres technologies, l’utilisation des technologies satellitaires a pour préalable une information adaptée, pour une pleine sensibilisation et une véritable appropriation des méthodes et des outils par les services concernés.
Lorsque les besoins des utilisateurs portent sur des évolutions du territoire sur de petites emprises ou sur la localisation fine de zones à enjeux, l’utilisation des images satellites peut rencontrer des limites et devoir être complétée par d’autres méthodes, encore que l’utilisation des données en très haute résolution conduise parfois, en milieu urbain, à des indicateurs de densité pouvant se substituer à une analyse de terrain.
Les couches haute résolution du programme Copernicus
Les couches à haute résolution sont disponibles à partir du programme Copernicus(3), anciennement GMES. Il s’agit de cinq couches, harmonisées sur l’ensemble du territoire européen, et pour lesquelles, à cette date, les services ne sont disponibles que sur certains territoires de démonstration.
Souvent appelées «HR layers», ces couches à hautes résolutions sont issues de traitements automatiques d’images satellites SPOT 4 et 5, disposant d’une résolution variant entre 20 et 100 mètres. Les cinq «HR layers» sont :
les zones artificialisées,
les zones de forêt,
les prairies,
les zones humides,
les zones d’eau.
Ces couches sont ensuite utilisées pour établir les couches de Corine Land Cover.
Densité urbaine : Le test de Toulouse
En application des principes du développement durable, la ville doit poursuivre plusieurs objectifs : améliorer la qualité de vie de ses habitants, privilégier les transports collectifs et les transports doux et porter une attention particulière à la préservation, voire à la «redensification», des centres urbains. Il convient ainsi de lutter contre un développement périurbain, avec son modèle pavillonnaire, consommateur à la fois de foncier et d’énergie.
Dans l’exemple de Toulouse, l’outil satellitaire testé par le Pôle de Compétences et d’Innovation du CETE Sud-Ouest a conduit à une bonne appréciation de l’occupation du sol et de la consommation de l’espace.
La très haute résolution permet ainsi de caractériser finement la densité urbaine. Les images disponibles sont désormais accessibles via le programme Pléiades(5). Dans la phase de valorisation de ces images, leur acquisition a été facilitée par la «Recette Thématique Utilisateurs» (RTU) Pléiades, pilotée par le CNES. Il en est de même pour le traitement d’images via l’outil «Orfeo Tool Box», également développé par le CNES.
La méthode mise au point par le CETE permet d’extraire une couche d’occupation du sol suffisamment pertinente pour le bâti, conduisant à la production d’indicateurs de densité surfacique.
Le champ d’investigation choisi est particulièrement intéressant, compte tenu des spécificités de l’agglomération toulousaine : une grande étendue spatiale (plus de 100 km2), une extension « naturelle » en zone périphérique et une forte pression démographique, avec une croissance de la population de 10000 habitants par an.
Deux zones test, représentatives de paysages hétérogènes, ont été sélectionnées (quartiers Saint-Michel et Rangueil). Une méthodologie générale, produisant une couche d’occupation des sols à partir d’un traitement semi-automatique d’images, a été établie. Les images utilisées ont une résolution de 50 cm et proposent quatre bandes spectrales.
Sur les images traitées, plusieurs zones d’apprentissage -ou «échantillons vérité»- sont sélectionnées manuellement et représentent environ 3% de l’image totale. Un outil de classification automatique est mis en œuvre dans un premier temps, en utilisant notamment les capacités des quatre bandes spectrales Pléiades. Puis, les paramètres de la classification sont ajustés par itérations, de façon à optimiser les résultats produits sur les zones d’apprentissage : on vérifie ensuite, pour ces zones, la concordance de la couche d’occupation du sol obtenue avec la « vérité terrain » (« échantillons vérité»). La classification semi-automatique s’applique à l’ensemble des images de test, puis à l’ensemble de la ville.
La densité surfacique, c’est-à-dire le nombre de m2 de surface bâtie par îlot urbain, se calcule à partir du traitement précédent. Appliquée à la ville de Toulouse dans son ensemble, la méthodologie déployée, sur la base de l’image Pléiades de référence, conduit avec précision à une carte de densité calculée à l’îlot.
Un outil efficace et accessible
Qu’il s’agisse de méthodes automatiques mises en œuvre à l’échelle régionale ou de méthodes semi- automatiques utilisées en milieu urbain, l’imagerie par satellite est désormais un outil efficace et accessible (SPOT), permettant de produire des informations dérivées particulièrement utiles pour la gestion de l’espace et la préservation de l’environnement.
Pour mieux orienter et programmer l’organisation et le développement cohérent des territoires, participer à leur aménagement durable, permettre l’évaluation environnementale et assurer le suivi de l’application des textes réglementaires, les applications satellitaires commencent à faire leurs preuves et offriront, dans les années à venir, des services de plus en plus performants.