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Le forage géothermique à l’origine d’une modification de l’équilibre hydrogéologique à Lochwiller…

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Le forage géothermique à l’origine d’une modification de l’équilibre hydrogéologique à Lochwiller…

Le forage géothermique à l’origine d’une modification de l’équilibre hydrogéologique à Lochwiller…

Un avis rendu par Geoderis, Groupement d’Intérêt Public constitué du BRGM et de l’INERIS sur l’origine des désordres survenus sur la commune de Lochwiller (67) rapporte que le forage géothermique réalisé sur la propriété Kandel à 140 m de profondeur soit l’élément déclencheur du phénomène de gonflement des terrains observés à Lochwiller. Une mise en communication des eaux de la nappe captive du Muschelkalk, captée entre - 64 et - 140 m, avec les terrains argileux à anhydrite datés du Keuper inférieur et compris entre la surface et environ - 40 m environ, a été malheureusement déclenchée sans que les tentatives de colmatage du forage ne réussissent totalement à la supprimer.

Le forage aurait perturbé l’équilibre hydrogéologique de son environnement. Ce phénomène aurait pu être évité uniquement si le forage s’était arrêté avant 64 m.

Le forage géothermique à l’origine d’une modification de l’équilibre hydrogéologique à Lochwiller…

Au vu de l’examen des causes possibles aux mouvements de terrain observés, des amplitudes de mouvement et de désordres, il ressort que le gonflement des argiles à anhydrite reconnues dans plusieurs sondages effectués sur le lotissement Weingarten semble être la cause principale à retenir. Selon l’avis, l’apparition de ce phénomène est donc intervenue à la suite de ce forage dont les conséquences premières ont été un apport d’eau dans le Keuper à partir de 9 m de profondeur. L’avis poursuit que ces eaux ont envahi la formation géologique et ont trouvé, dans un premier temps, un exutoire en pied de versant au niveau de la propriété Schorr. L’avis explique également que les tentatives de colmatage du forage ont permis, après 7 mois, de diminuer les venues d’eau en provenance du forage de manière à faire cesser l’inondation en pied de colline. Toutefois, au vu du gonflement des terrains initié courant 2008 sur la propriété citée ci-dessus et visible sur tout le versant, surtout depuis 2011, il semble que les venues d’eau n’aient pas tout à fait cessé et que des circulations d’eau en provenance du forage géothermique continuent à se produire dans les terrains du Keuper majoritairement secs à l’origine. Il a été vu plus haut que les anhydrites interstratifiées d’argiles ont un fort potentiel de gonflement en présence d’eau. Les conséquences premières ont donc été un gonflement initié par l’arrivée locale mais en quantité d’eaux souterraines d’origine profonde dans le secteur du forage. Ce gonflement est un phénomène d’extension importante qui affecte tout le secteur : versant et partie basse du village.

L’avis rapporte qu’il a été vu plus haut que l’épicentre du gonflement était situé à une cinquantaine de mètres du forage, vers le nord-est, correspondant au sens du pendage. Il est probable que les eaux souterraines qui se déversent nouvellement dans le Keuper (l’équilibre n’est pas atteint à l’heure actuelle) circulent préférentiellement dans le sens du pendage, c’est-à-dire dans le sens de l’inclinaison des couches géologiques. En effet, la perméabilité horizontale (c’est-à-dire parallèle à la stratification) de ces terrains sédimentaires est plus importante que la perméabilité verticale et, les argilites étant assez peu perméables, il est très probable que les eaux suivent les bancs ou les lits plus perméables dans le sens de l’inclinaison des couches. Dans cette analyse, l’avis de Geoderis estime qu’il est possible que l’anhydrite se dissolve à proximité du forage sur la hauteur de terrains où elle est présente, que les eaux circulent vers l’aval pendage, et que le gypse recristallise à quelques dizaines de mètres en aval.

La pression de gonflement de l’anhydrite est généralement dans la gamme de 1 à 5 MPa, parfois plus. Le poids des terrains exerce une contrainte verticale de l’ordre de 200 kPa et une contrainte horizontale en première approximation de l’ordre de 100 kPa environ pour 10 m d’épaisseur. De manière simple, on peut donc voir que les contraintes liées au poids des terres ne peuvent s’opposer à cette pression de gonflement à faible profondeur (moins de 50 m dans le cas présent).

Le rôle des travaux d’aménagement sur la circulation des eaux d’infiltration

Les travaux d’aménagement ont modifié la répartition des écoulements naturels.

Tout d’abord, l’abattage du verger, qui occupait un peu moins d’un hectare sur le versant à l’emplacement du lotissement, a pu jouer un rôle en supprimant l’évacuation de l’eau vers l’atmosphère par transpiration des arbres, et surtout en annulant la consommation d’eau par ces mêmes arbres. L’eau météorique était donc auparavant en partie consommée par le verger et subissait probablement un écoulement de surface (ruissellement) et un écoulement hypodermique vers le pied du versant.

Lors de la construction des lotissements, cette eau de pluie s’est trouvée en situation d’infiltration accrue du fait des travaux de terrassement, puis de ruissellement sur les surfaces imperméabilisées, s’écoulant ainsi vers le réseau d’évacuation des eaux pluviales. Ce réseau s’étant déstructuré à plusieurs reprises, du fait notamment du mouvement de gonflement d’ensemble, celui-ci a certainement favorisé, et favorise peut-être toujours, des infiltrations d’eau localisées qui s’écoulent le long des canalisations. Ces infiltrations peuvent se trouver drainées par le lit drainant certainement présent sous les canalisations, ceci jusqu’au bassin d’orage qui atteint à sa base une profondeur de 5,20 m. Les premières apparitions d’anhydrite ont été notées par FONDASOL dans les deux carottages à partir de 7,50 m.

Par ailleurs, toujours du fait du gonflement de la colline qui a atteint au moins 50 cm localement, une crevasse est apparue derrière la maison de M. Borowiak et présentait une profondeur de plus de 3 m. Il est possible que d’autres crevasses de ce genre soient apparues (elles peuvent être masquées en surface par la végétation ou les revêtements). Cette déstructuration des terrains du Keuper peut favoriser, de même, l’infiltration des eaux de pluie en profondeur.

Ensuite, l’avis poursuit et pense donc que, dans ce contexte, des apports d’eau localisés issus des fuites des canalisations, voire issus de crevasses provoquées par le gonflement, ont rejoint les terrains, cette fois en provenance de la surface, participant à une alimentation en eau du Keuper, cette fois par le haut. Ces circulations d’eau peuvent être à l’origine de gonflements plus localisés, d’extension plus réduite, des argiles à anhydrite dans la partie la plus proche de la surface, mais également des phénomènes superficiels connexes localisés tels que la dissolution de gypse et des mouvements superficiels. L’avis observe que des mouvements de terrain très locaux, à l’échelle du mètre, qui ne peuvent pas être provoqués par le gonflement d’ensemble de la colline, gonflement initié vers 9-10 m de profondeur (profondeur de l’eau dans le forage lors de la dernière mesure).

L’avis de Geoderis s’est porté également sur la pluviométrie annuelle de 2010 qui a été plus importante de 15% (766 mm) par rapport à la moyenne sur ces trente dernières années (665 mm). L’année 2011 a été plus sèche (528 mm, soit un déficit de 20%), toutefois, la pluviométrie mensuelle de l’été 2011 a été exceptionnellement forte (+ 50% environ). Pour Geoderis, ces anomalies climatiques peuvent avoir joué un rôle sur l’évolution de la situation à Lochwiller. Il a été vu plus haut que le bulletin climatique de Météo-France pour 2011 précise qu’au printemps, les « faibles pluies associées aux températures élevées ont entraîné un assèchement extrêmement précoce des sols superficiels sur la quasi-totalité du pays. A l'exception des régions méditerranéennes, les sols ont connu sur l'ensemble du pays un niveau de sécheresse jamais atteint à la fin du printemps au cours des cinquante dernières années ».

Ensuite, « les pluies ont été fréquentes durant l'été. La quantité d'eau recueillie sur l'ensemble du pays est supérieure de presque 30% à la normale ».

L’avis mentionne qu’il est envisageable que la sécheresse qui s’est manifestée au printemps soit à l’origine de l’apparition de fentes de dessiccation dans les sols, qui auraient ensuite favorisé l’infiltration dans les terrains des eaux de pluie qui ont été très abondantes au cours de l’été qui a suivi. Les habitants de Lochwiller ont mentionné une apparition des fissures sur leurs habitations en 2011. De plus, un habitant, M. Salin, nous a fait mention de ce phénomène sur son terrain en juillet 2012.

Cette influence des eaux de pluie sur le gonflement de l’anhydrite au droit de Lochwiller peut être mise en évidence par la corrélation de la pluviométrie mensuelle avec l’écartement mensuel des fissures sur les habitations Schorr et Schmitz sur la période 2012-2013.

Il semble apparaître une influence de la pluviométrie sur l’aggravation des fissures avec un décalage de 4 semaines sur l’habitation Schorr ; cela semble assez net. Les mois fortement pluvieux sont suivis le mois suivant d’une extension plus forte des fissures. Le décalage serait plutôt de deux semaines sur l’habitation Schmitz. Ici, la corrélation est moins certaine. Deux témoignages vont dans le sens de ces hypothèses : M. Matjeka affirme que les fissures s’ouvrent 3-4 jours après un fort épisode pluvieux, M. Schorr évoque plutôt 8- 10 jours de délai. M. Schmitz, en revanche, n’a pas remarqué de corrélation.

En résumé, la Figure ci-après résume conceptuellement les situations des écoulements d’eau avant et après l’abattage du verger, la construction du lotissement et celle du réseau d’assainissement, puis sa déstructuration, et la foration du forage géothermique, telles que décrites plus haut.

Le forage géothermique à l’origine d’une modification de l’équilibre hydrogéologique à Lochwiller…

Des phénomènes connexes ont aussi accéléré la problématique. Celui du retrait-gonflement mouvement de terrain qui affecte plus particulièrement les sols argileux. Les argiles ont des structures en feuillets permettant d’accueillir de l’eau et des ions entre ceux-ci (dans l’espace inter-feuillets), mais également, et inversement, de favoriser la diminution de ces éléments. Ainsi observe-t-on, lors des périodes de sécheresse, le phénomène de retrait lié à la compaction des feuillets et, lors des périodes de forte pluviométrie, le phénomène de gonflement lié à la dilatation de l’argile du fait de la présence d’eau.

A l’échelle microscopique, la nature minéralogique constitutive et le contexte d’échange entre les feuillets et avec l’espace qui les sépare sont autant de facteurs favorisant ou limitant le potentiel de dilatation ou de rétractation de nombreux travaux de thèse ayant été réalisés sur ces sujets complexes.

On peut considérer que la tranche de terrains argileux pouvant être affectée par ces phénomènes est de l’ordre du mètre et dépasse très rarement cinq mètres. Pour ce qui concerne le gonflement, la hausse des terrains peut atteindre plusieurs centimètres, exerçant une contrainte préjudiciable pour les structures.

Le BRGM a classé en aléa retrait-gonflement de niveau moyen le secteur d’étude du fait de la présence d’argilites dans la formation du Keuper. Même si l’argile constitutive est l’illite, qui fait partie des argiles dites « peu gonflantes », la structure macroscopique en bancs interstratifiés semble favoriser le potentiel de gonflement des terrains. Les mouvements attendus dans ce cas sont faibles (de l’ordre d’une dizaine de centimètres environ).

Toutefois, dans le cas des habitations de Lochwiller, l’amplitude de la surrection observée (plusieurs dizaines de centimètres, atteignant plus de 50 cm) et des pressions latérales exercées (sur la grange de M. Matjeka, démolie par sécurité, sur celle de M. Schorr, sur l’habitation de M. Schmitz) sont très supérieures et sans commune mesure avec le simple phénomène de gonflement des argiles.

Ainsi, le phénomène de gonflement des argiles ne constitue pas un phénomène prépondérant dans les mouvements de terrain observés à Lochwiller. En revanche, on ne peut exclure que certains mouvements différentiels observés sur le terrain puissent être attribuables à des phénomènes localisés de retrait-gonflement des argiles du Keuper.

Autre phénomène connexe, la dissolution locale du Gypse, glissement et reptation superficiels. En effet, la dissolution de gypse peut également intervenir, minoritairement. Du gypse a été reconnu en forages. De même, des signes de reptation d’argiles en surface et de glissement peu profond ont été observés. L’examen de la pente naturelle dans le prolongement de la colline permet de se rendre compte de ces mouvements superficiels limités (moutonnements, terrain bosselé, arbres penchés, etc.) ;

En guide de conclusion, l’avis estime que concernant l’évolution future du phénomène, il n’apparaît pas à ce jour de stabilisation du phénomène de gonflement. Les arrivées d’eau en provenance de la surface s’auto-entretiennent du fait du gonflement des terrains qu’elles provoquent et des nouveaux désordres aux canalisations souterraines à chaque fois occasionnés. Un maintien d’arrivées d’eaux profondes se produit probablement toujours. La part de chaque origine des eaux n’est pas connue.

La bibliographie consultée fait état de gonflements sur une longue période des argilites à anhydrite). Si le phénomène se poursuit selon la même intensité, il est probable que certaines constructions ne puissent résister aux contraintes différentielles occasionnées.

Le mouvement de gonflement semble maintenant s’étendre dans la partie basse du village, vers l’ouest, et vers le nord.

Enfin, l’avis formule les recommandations suivantes :

- la prise de mesures urgentes concernant l’étanchéité des canalisations souterraines, pour supprimer les arrivées d’eaux de surface ;

- un colmatage parfait du forage, pour maîtriser les arrivées d’eaux profondes, en effectuant une surforation et un bétonnage sous forte pression ;

- une reconnaissance du stock d’anhydrite en présence et de la nature des eaux souterraines, afin de confirmer la nature de l’origine du gonflement, par des forages atteignant la base du Keuper (environ 40 m) ;

- la reprise des mesures de nivellement et une extension du réseau de mesures, qui apparaît à ce jour insuffisant ;

- l’identification de configurations géologiques similaires à titre de vigilance pour de futurs projets dans ce milieu souterrain très sensible.

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