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Regard sur ces ouvriers qui ne font pas les gros titres pour une Coupe du Monde FIFA organisé au Qatar

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Regard sur ces ouvriers qui ne font pas les gros titres pour une Coupe du Monde FIFA organisé au Qatar

Regard sur ces ouvriers qui ne font pas les gros titres pour une Coupe du Monde FIFA organisé au Qatar

Parce que l’événement réuni plus de 200 pays à travers le monde et qu’il génère des revenus colossaux, les infrastructures pour accueillir une telle compétition demandent des investissements à la hauteur de l’enjeu.

Des complexes sportifs proposant des conditions optimales pour les joueurs, les officiels de parties, les spectateurs et les représentants des médias, équipés de technologie de pointe. Mais qu’en est-il de ceux qui construisent ces édifices voués aux festivités.

En décembre 2010, le Qatar a remporté de façon controversée le marché de la Coupe du monde de la FIFA de 2022 et il est prévu que ce pays dépense, dans les dix prochaines années, plus de 100 milliards de dollars à la construction de stades et à d’autres projets en rapport avec la Coupe du monde. Pour y parvenir, des dizaines de milliers de travailleurs supplémentaires seront nécessaires.

Le Qatar dénombre près de 1,35 million de travailleurs étrangers – dont la grande majorité est originaire de pays d’Asie, notamment le Bangladesh, l’Inde, le Népal, le Pakistan, les Philippines et le Sri Lanka. À l’heure actuelle, les travailleurs migrants représentent 94 % de la main d’œuvre totale du pays. La croissance démographique du Qatar est remarquable, notamment du fait du recrutement de travailleurs migrants faiblement rémunérés pour participer au développement des infrastructures. Dans de telles conditions, Amnesty International a mené une enquête sur la protection des droits humains des travailleurs migrants et montre que ces ouvriers du Qatar sont confrontés à plusieurs types d’abus de la part de leurs employeurs. Dans certains cas étudiés par Amnesty International, ces abus peuvent être assimilés à du travail forcé et à la traite d’êtres humains. Certains se rendent compte à leur arrivée que la nature du travail, le salaire, les conditions de travail ou les horaires sont très différents de ce qui leur avait été promis. Beaucoup de travailleurs migrants découvrent que leurs employeurs retardent, voire suspendent, le versement de leurs salaires, tandis que les hébergements qui leur sont fournis sont parfois d’une indigence choquante. Les employeurs ont le pouvoir d’empêcher les migrants de changer d’emploi ou de quitter le pays. Certains travailleurs se retrouvent ainsi bloqués au Qatar. Si les employeurs ne renouvellent pas leur permis de séjour, les migrants risquent de se voir accusés d’être des travailleurs « clandestins » présumés et arrêtés s’ils sont contrôlés dans la rue par la police.

Le non-respect des droits des migrants peut exposer les travailleurs migrants du Qatar et les familles qui dépendent d’eux au pays à de graves difficultés pendant de longues périodes. Amnesty International a vu des travailleurs qui étaient loin de manger à leur faim et qui vivaient dans des conditions repoussantes, sans électricité, ni eau potable ou sanitaires dignes de ce nom. Pour beaucoup de ceux qui se sont confiés à Amnesty International, le cauchemar ne prend même pas fin une fois de retour au pays car, après des mois ou des années de travail dans le pays le plus riche du monde, ils rentrent sans argent et endettés.

Le Code du travail, qui devrait prémunir les travailleurs migrants contre ce type d’exploitation, est mal appliqué et exclut certaines catégories de travailleurs, comme les employés de maison. Résultat : les employeurs qui se livrent à des abus ont trop rarement à rendre des comptes.

Beaucoup de représentants du ministère du Travail et du ministère de l’Intérieur ont souligné leur engagement à protéger les travailleurs migrants. De fait, des mesures ont été suggérées pour mettre un terme à ces abus.

Toutefois, elles n’ont pas encore été mises en œuvre où ne respectent pas les normes internationales.

Le présent document se concentre sur deux groupes de travailleurs particulièrement exposés aux abus : les ouvriers du bâtiment et les employés de maison. Il se penche sur la manière dont les dispositions législatives qatariennes exposent les travailleurs migrants aux atteintes et facilitent les abus de la part des employeurs. Il s’appuie sur les visites d’Amnesty International au Qatar et sur ses entrevues avec des travailleurs migrants et des personnes qui défendent leurs droits ; des agences de recrutement ; des entreprises ; et des représentants de l’État. Il demande aux autorités qatariennes de mettre en application un certain nombre de recommandations essentielles pour protéger les droits humains de tous les migrants qui travaillent dans le pays.

© Le cheikh Mohammed bin Hamad bin Khalifa Al-Thani, fils de l’Émir du Qatar et président du comité chargé de la soumission, célèbre la victoire de la soumission du Qatar pour la Coupe du monde de 2022. Photo/AP/Anja Niedringhaus

© Le cheikh Mohammed bin Hamad bin Khalifa Al-Thani, fils de l’Émir du Qatar et président du comité chargé de la soumission, célèbre la victoire de la soumission du Qatar pour la Coupe du monde de 2022. Photo/AP/Anja Niedringhaus

LES OUVRIERS DU BÂTIMENT

Les chiffres varient, mais on estime que l’explosion du secteur de la construction au Qatar représentera plus de 160 milliards d’euros dans les 10 ans à venir. Selon le dernier recensement en date, le pays comptait

2 519 entreprises de bâtiment en 2010. Ensemble, ces entreprises emploient 503 518 travailleurs étrangers, dont 500 674 hommes et 2 844 femmes.

Pour un grand nombre des grands projets du Qatar, le propriétaire ou le client final est une institution qatarienne qui dépend du gouvernement ou qui y est étroitement liée. D’après le Middle East Economic Digest, l’État qatarien devrait investir près de 85 milliards d’euros dans des projets entre 2012 et 2020, parmi lesquels la construction de stades et d’autres infrastructures indispensables à l’accueil de la Coupe du monde de football de 2022. L’ampleur des aménagements prévus attire des entreprises du monde entier, aux côtés d’entreprises qatariennes, dans des chaînes logistiques complexes, pour mener à bien ces projets dans un calendrier très serré.

Les ouvriers du bâtiment sont souvent confrontés à de piètres conditions de vie et à des environnements de travail dangereux. Un médecin-chef de l’hôpital général de Doha a déclaré en 2013 que plus d’un millier de personnes y étaient admises chaque année après des chutes sur des chantiers, dont près de 10 % en gardaient une invalidité permanente.

Bien que les autorités qatariennes aient fixé des normes relatives aux hébergements fournis aux travailleurs migrants, la réalité est toute autre pour la plupart d’entre eux. La suroccupation des logements est monnaie courante et il n’est pas rare que les travailleurs dorment à 10 ou 15 dans une petite pièce. L’absence de climatisation ou le mauvais fonctionnement de celle-ci pose également des risques majeurs dans un pays où les températures peuvent atteindre 45 °C. Le débordement des eaux usées et des fosses septiques non couvertes était fréquent. En plus de constituer des problèmes en soi, l’insalubrité des bâtiments, l’absence de collecte des déchets et la saleté des salles de bains et des cuisines contribuaient également à la prolifération d’insectes.

En outre, les retards de paiement et les effets néfastes de la Loi sur le parrainage obligent un grand nombre d’ouvriers du bâtiment à subir des conditions d’exploitation extrême.

Le mauvais traitement réservé aux ouvriers du bâtiment s’explique parfois par une hostilité à peine réprimée à leur égard. Amnesty International a entendu le directeur d’un sous- traitant faire référence à un courrier envoyé par des employés népalais en disant « la lettre des animaux ». La majorité, mais pas la totalité, des abus dont Amnesty International a eu connaissance concernaient des employés de petits sous- traitants qui employaient de 50 à

200 travailleurs. Amnesty International considère toutefois que certains promoteurs et certaines grandes entreprises opérant au Qatar, dont des multinationales du bâtiment, refusent d’assumer la responsabilité du sort des travailleurs qui ont été embauchés sur leurs chantiers. Il est indispensable que les entreprises internationales et les organisations qatariennes, comme le comité organisateur de la Coupe du monde de 2022, surveillent correctement leurs sous-traitants et empêchent les abus sur leurs chantiers.

© Photo/SpecialKRB

© Photo/SpecialKRB

LA LOI SUR LE PARRAINAGE

Tous les travailleurs étrangers du Qatar sont assujettis à la Loi sur le parrainage. CCe système de parrainage lie de facto les travailleurs étrangers à un « parrain » unique qui doit aussi être leur employeur, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise implantée au Qatar.

En vertu de ce texte, les employeurs peuvent empêcher leurs employés de changer de travail ou de quitter le pays et annuler leurs permis de séjour. Les travailleurs ne peuvent pas obtenir ou faire renouveler leur permis de séjour (également appelé « pièce d’identité ») sans la coopération de l’employeur, et les employés qui n’ont pas de permis vivent sous la menace constante d’une arrestation.

« Certaines personnes sont jetées en prison faute de pièce d’identité, d’autres sont renvoyées. C’est pour cela que nous ne sortons pas. » Travailleur migrant, mars 2013

Les employeurs sont censés restituer les passeports des travailleurs une fois qu’ils ont obtenus leur permis de séjour, mais la plupart ne le font pas.

Un grand nombre des travailleurs migrants qui se sont entretenus avec Amnesty International se sentaient incapables de se retourner contre les parrains qui se livrent à des abus, de peur de représailles. La Loi sur le parrainage fournit aux employeurs des outils juridiques qui peuvent être et sont utilisés pour intimider ou menacer leurs employés et les obliger à continuer de travailler lorsqu’ils devraient pouvoir démissionner, quitter le pays ou engager des poursuites contre eux. Les employeurs sont tenus de signaler les « fugueurs », selon le terme employé par l’État qatarien pour désigner les travailleurs qui ont quitté leur employeur sans la permission de ce dernier. Les employés qui fuient pour échapper aux abus s’exposent ainsi à des peines de prison, à de lourdes amendes et à l’expulsion. En outre, l’impossibilité pour les travailleurs migrants de changer d’emploi sans la permission de leur employeur a notamment pour conséquence que certains employés trompés sur les termes et les conditions de leur contrat se sentent obligés de continuer à travailler pour rembourser les dettes qu’ils ont contractées dans leur pays d’origine pour financer leur voyage.

PERMIS DE SORTIE DU TERRITOIRE

En vertu de la Loi sur le parrainage, les travailleurs migrants doivent avoir un permis de sortie de leur employeur pour quitter le pays. Les travailleurs sont donc à la merci de leur employeur qui peut, sur un coup de tête, les empêcher de rentrer chez eux pour leurs congés annuels ou au terme de leur contrat. La loi permet aux employeurs de les faire travailler plus longtemps au prétexte que les procédures d’organisation de leur départ sont en cours. Le régime de permis de sortie empêche de nombreux travailleurs d’engager des poursuites en cas d’abus.

Les démarches qui devraient permettre aux travailleurs de quitter le pays dans le cas où leur employeur ne peut pas délivrer de permis de sortie ou refuse de le faire sont obscures, complexes et longues. Des membres du gouvernement qatarien ont reconnu publiquement que le régime de délivrance des permis de sortie du territoire était insoutenable.

« On peut difficilement conserver le régime de délivrance des permis de sortie sous sa forme actuelle... Il est assimilé à de l’esclavage. Il ne peut pas rester sous cette forme. »

L’ancien Premier ministre Cheikh Hamad bin Jassem bin Jaber al Thani, 2007

La Commission qatarienne des droits humains a constaté ce qu’elle appelle des « pratiques négatives » de la part de parrains « qui, sans motif, nient le droit des employés à obtenir des permis de sortie pour quitter le pays ». Pour autant, le régime a été conservé lorsque la dernière Loi sur le parrainage a été adoptée en 2009.

Amnesty International considère que le régime de délivrance des permis de sortie du territoire constitue une violation du droit à la liberté de mouvement et facilite les atteintes aux droits du travail. Dans certains cas, il est utilisé pour soumettre les employés au travail forcé.

DANS L’IMPOSSIBILITÉ DE PARTIR, EN DANGER S’ILS RESTENT

Il est illégal pour un employeur de confisquer les passeports de ses employés. Le ministère de l’Intérieur a fait savoir que les travailleurs pouvaient porter plainte lorsque leurs passeports leur étaient retirés illégalement de la sorte. Or, bien souvent, même après avoir fait le déplacement au ministère, les travailleurs sont laissés dans l’expectative pendant de longues périodes et ne peuvent pas quitter le pays.

Les permis de séjour doivent être renouvelés à temps. Si les employeurs dérogent à cette obligation, des amendes sont imposées et doivent être payées pour que les travailleurs migrants soient autorisés à quitter le Qatar. Lorsque les employeurs ne peuvent pas ou ne veulent pas payer, les travailleurs doivent régler eux-mêmes les amendes pour rentrer chez eux. Ceux qui n’ont pas de permis de séjour valide risquent également d’être arrêtés à l’occasion d’un contrôle d’identité et ne peuvent pas obtenir les cartes de santé du gouvernement qui leur permettraient d’accéder à des soins non-urgents subventionnés (les cartes de santé ne sont pas nécessaires pour bénéficier de soins urgents). Étant donné que seuls les étrangers sont touchés, Amnesty International considère que la restriction de l’accès aux soins dans le régime actuel est discriminatoire.

Amnesty International salue l’annonce par le gouvernement qatarien, en octobre 2012, de la création d’un comité d’experts pour examiner la Loi sur le parrainage, bien que l’organisation n’ait pas eu connaissance à ce jour de décisions prises par ce comité. En outre, elle redoute que certaines des réformes débattues publiquement par le gouvernement ne respectent pas les normes internationales. Par exemple, elles conserveraient aux employeurs le pouvoir d’empêcher les travailleurs migrants de quitter le pays.

© Photo/Sam Tarling/Executive Magazine

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