Simplifier la mise en œuvre des projets portuaires
Tel est la conclusion du rapport remis par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) du ministère du Redressement productif le 28 janvier dernier.
Pour tenter d’élucider les nombreuses difficultés que connaissent les grands ports maritimes et les autres ports français sur la mobilisation de leur foncier afin de réaliser des projets d’investissements pour y développer leurs activités logistiques et industrielles, le ministère chargé des transports, de la Mer et de la Pêche et le ministère du redressement productif ont confié au CGEIET et au CGEDD une mission visant à réaliser un état des lieux, s’appuyant sur une analyse de projets récents ayant connu des difficultés, et à faire des préconisations pour faciliter lamise en œuvre des projets d’investissements dans les zones industrialo-portuaires.
Ainsi, la mission coordonnée a pu regrouper les différentes informations sur une vingtaine de projets portuaires récents dont la mise en œuvre a connu des difficultés, ou bien que les difficultés rencontrées ont conduit à les faire disparaître.
Ayant rencontré tous les acteurs de la profession, responsables portuaires, différentes administrations concernées par l’instruction des dossiers, Conseil National de la Protection de la Nature, fédérations représentant des secteurs industriels, entreprises particulièrement concernées, ainsi que l’AFII, la mission a pu mettre en avant le potentiel économique et social certain que représentent les ports français.
A travers ce rapport, la mission précise que pour que les possibilités de développement correspondantes soient mieux mobilisées en faveur de la collectivité nationale et dans le respect de l’environnement, mais dans une organisation réglementaire et territoriale particulièrement complexe, il est rapidement apparu à la mission que le premier pré-requis est de systématiser, à tous les échelons, le travail d’équipe entre les responsables locaux.
La mission a par ailleurs constaté que le droit de l’environnement et le droit des risques technologiques, qui sont les deux domaines réglementaires principaux s’appliquant au développement des projets sur le foncier portuaire, trouvent l’essentiel de leur origine dans des réglementations et directives communautaires. Si des obstacles viennent freiner le développement des ports et des zones industrialo-portuaires, ils ne trouvent pas leur origine dans les règlements communautaires eux-mêmes – qui s’appliquent aussi dans les ports des autres pays de l’Union Européenne. Il n’apparaît par ailleurs pas que l’environnement physique des ports français, en particulier ceux du Havre, de Rouen et de Dunkerque, soit notablement plus sensible que celui de leurs concurrents flamands ou néerlandais. On pourrait même penser qu’occupant une fraction relativement faible d’un littoral national de grande dimension, ils aient plus de facilité à s’insérer dans ce littoral.
Des causes physiques apparaissant ainsi exclues, et le cœur de la réglementation n’étant pas en cause, la missions s’est focalisée sur la manière dont ces règlements sont appliqués en France (il s’agit donc de pratiques et/ou de transpositions), ainsi que sur les approches retenues pour s’adapter, plus ou moins efficacement, à ces règlements, voire pour en tirer parti.
Elle a dans ce cadre dégagé différentes recommandations qui sont présentées dans ce rapport afin de répondre aux préoccupations exprimées dans la lettre de mission du 22 novembre 2012.
Concrétiser le potentiel de développement économique des ports est réalisable, mais aussi urgent. Le succès des actions réalisées à Tanger, Rotterdam et Anvers montre que le potentiel est là. Les opportunités d’emploi que ceci représente peuvent apporter leur contribution au redressement d’ensemble de l’activité dans le territoire national.
Dans ses grandes conclusions, la mission fait observer que l’Etat a engagé depuis vingt ans plusieurs réformes relatives aux ports afin de les moderniser, de les rendre plus compétitifs, et de permettre à la collectivité nationale de mieux tirer parti des atouts économiques qu’ils peuvent représenter. Une première réforme, portant essentiellement sur le statut des dockers, a ainsi été réalisée en 1992, tandis que la dernière réforme en date, celle du 4 juillet 2008, a eu pour objectif de recentrer les ports autonomes, devenus « grands ports maritimes » sur leurs activités les plus stratégiques, de renforcer ainsi leur rôle d’aménageurs et de moderniser leur gouvernance. Les responsables des grands ports maritimes ont ainsi un rôle d’ensemblier, garant du développement économique et de la promotion de leurs ports, et une responsabilité environnementale accrue.
Puis, suite à la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, par laquelle le gouvernement a conforté son engagement vers la transition écologique et dont un volet essentiel porte sur les transports et la logistique, la lettre de cadrage du 3 janvier 2013 adressée par le Premier Ministre au Ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, a fixé parmi ses priorités, l’articulation des ports avec leur arrière-pays.
Les actions de fond ainsi engagées sont unanimement saluées. Néanmoins, les ports français continuent à ne pas connaître la même évolution de trafic que leurs homologues d’Europe du Nord. Une part importante de la contribution que les ports peuvent accorder au développement économique national, au redressement productif, et à une logistique plus respectueuse de l’environnement, reste ainsi à concrétiser.
La lettre de mission du 22 novembre 2012 du Ministre délégué chargé des transports, de la Mer et de la Pêche et du Ministre du redressement productif constatait que les grands ports maritimes et les autres ports français connaissent de réelles difficultés à mobiliser effectivement leur foncier pour réaliser les projets d’investissements programmés en faveur du développement des échanges et de l’implantation de nouvelles activités. Elle soulignait qu’un corpus juridique important, mais parfois hétérogène s’applique à ces projets. Elle demandait un état des lieux, s’appuyant sur une analyse de projets récents ayant connu des difficultés, et examinant notamment les réglementations et leur articulation dans les domaines de : l’urbanisme, la protection de l’environnement, les risques naturels et les risques technologiques.
Cet état des lieux, ainsi qu’une étude de parangonnage réalisée par les services économiques français dans d’autres États Membres de l’Union Européenne (Royaume- Uni, Belgique, Pays Bas, RFA), a conduit la mission aux constats qui suivent, d’où découlent des recommandations :
• Face à une législation et une organisation administrative et territoriales complexes, il est primordial que les services de l’État se coordonnent efficacement. Des marges de progrès significatives existent en la matière (recommandations 13 et 16 notamment);
• Les ports d’Europe du Nord se densifient et peuvent s’étendre massivement tout en ayant un niveau de sécurité et d’acceptabilité environnementale (local et européen) apparemment satisfaisant. Cela confirme, si besoin était, que les réglementations européennes – qui s’appliquent à eux comme aux ports français – ne sont pas en elles-mêmes un obstacle au développement portuaire. Les facteurs clefs de succès résident certainement dans la conduite des projets dans ses aspects techniques et administratifs, plus que dans les différences de principe. Procéder à des échanges de longue durée de fonctionnaires et à une meilleure coordination des positions françaises sur les dossiers portuaires vis-à-vis de l’Europe doit permettre des améliorations (recommandations 4, 5 et 10) ;
• Le dialogue entre les ports et les autorités de l’environnement, au niveau local comme au niveau central, repose beaucoup sur le développement des compétences des GPM en la matière et la qualité des relations entre les personnes, ce qui peut laisser la place à des incompréhensions dommageables. La mission recommande de mieux le structurer, de mieux organiser l'expertise environnementale et d’assurer la continuité des études d’impact sur un même territoire (recommandations 14, 15, 17, 19 et 20);
• Le devenir du foncier dans les zones industrialo-portuaires est marqué par des aléas majeurs, liés aussi bien aux pratiques réglementaires elles-mêmes qu’à des lacunes dans la planification territoriale et dans la gestion du foncier portuaire. Des améliorations sont apparues possibles à la mission (recommandations 1, 2, 3, 6, 7, 8 et 9);
• Des évolutions sont par ailleurs en cours sur les PPRT et sur les procédures ICPE. Ces évolutions peuvent améliorer significativement les perspectives d’implantations industrielles dans les ports (recommandations 11 et 12);
• La situation des ports s’améliore depuis la réforme portuaire de 2008 ; de nombreuses recommandations ont déjà été faites, tant par l’État que par les GPM qui proposent également des améliorations des différents dispositifs et procédures. Il est nécessaire d’accélérer et de parfaire la démarche par un engagement fort de l’État. À cette fin, prévoir une instruction inter-ministérielle (lettre de mission), consacrée exclusivement au développement portuaire, dans l’esprit de la circulaire du 01/02/2012 du Premier ministre, et précisant ce qui est attendu des différents services de l’État et du (ou des) chargé de mission prévu à la recommandation 15 (recommandations 18 et 21);
• Progresser en termes de compétitivité, de délais (et notamment le respect des délais) de prise en compte de l’environnement pour un développement responsable des ports ne suffit pas ; il faut aussi le faire savoir et développer une forte stratégie de communication des GPM (recommandation 22);
Un des responsables d’entreprises que la mission a rencontré résumait la situation des zones industrialo-portuaires dans les termes suivants « en France, si on a du temps, tout est possible, mais c’est plus long, plus compliqué, plus coûteux, et cela présente plus d’aléas que dans les autres pays d’Europe ».
Les recommandations de notre rapport visent à obtenir ce qui est possible dans des délais beaucoup plus rapides et avec un coût et des aléas moindres.
Il s’agit ainsi dans un premier temps, d’expérimenter à droit constant, une organisation coordonnée des différents services de l’État concernés, au service du développement portuaire français.
Les délais et les aléas étant, autant que les coûts, un handicap pour les projets d’implantations, réduire ces délais et ces aléas permettra d’accroître notablement l’attractivité des zones industrialo-portuaires françaises. La mission est convaincue que des unités de temps et d’action mieux bordées et coordonnées permettront aussi une meilleure gestion des impératifs environnementaux, dans un souci de développement durable des ports.