La pierre attachée et ses faux ‘’à priori’’
Après avoir consacré un article sur le remplacement d'une pierre de taille en façade, cet article se porte sur le parement de pierre mince attachée.
Les revêtements attachés de façade en pierre granit, marbre ou calcaire ont orné un bons nombre d’édifices depuis plus de 50 ans. Dès lors des pathologies sont apparues sur ce type de revêtement entachant sa réputation lui donnant une mauvaise image. Et pourtant aucune pierre attachée n’est tombée d’une façade. Les raisons pour lesquelles elle jouit d’une mauvaise réputation tient essentiellement à des défauts de conception et de mise en œuvre des fixations.
Chaque année près de 300 000 m2 sont recouverts de pierres attachées car elles disposent de multiples avantages, outre son aspect esthétique, elles procurent une économie substantielle de matériaux, d’une réduction du poids des façades et bien entendu, à l’heure des grandes réglementations thermiques, les pierres attachées peuvent jouer un rôle important dans le cadre d’une isolation thermique par l’extérieur, en neuf comme en rénovation.
Cette mauvaise image qui colle à ces revêtements de façade provient de sinistres retentissants médiatiquement. On se souvient d’une pierre tombée de la façade de l’Opéra Bastille. Et pourtant, il ne s’agissait pas d’une pierre attachée mais collée au mastic.
Il est à noter que les pathologies des revêtements attachés ont fortement régresser depuis les années 80 en raison d’une évolution du cadre réglementaire sur la technique de pose de pierres attachées avec des pattes en inox et joints vides s’inspirant de nos voisins d’outre-Rhin.
Actuellement, deux techniques de pose sont couramment utilisées. La première, librement dilatable dans le cas des joints vides, a supplanté la pose agrafée avec polochons – pratiquement abandonnée – grâce à l'emploi d'attaches fixées mécaniquement au support. La fixation des pierres aux attaches est assurée par des ergots cylindriques placés dans les chants des plaques. Invisibles, ces attaches travaillent en console pour supporter le poids de la plaque, et en traction ou compression pour reprendre les efforts au vent. La seconde recourt à une ossature intermédiaire pour une pose sur les supports autre que le béton.
Selon le calepinage ou l'esthétique recherchée, les pierres se posent soit avec des attaches dans les joints horizontaux, qui retiennent à la fois la pierre du dessous et portent celle du dessus, soit avec des attaches dans les joints verticaux. Dans ce dernier cas, la patte inférieure est porteuse, et la patte supérieure assure la retenue au dévers.
Le diagnostic des désordres s’impose :
Tout d’abord, la mise en compression des pierres. D’origine mécanique, les contraintes entraînant la mise en compression des plaques peuvent résulter de joints trop étroits (cas le plus fréquent), d’une absence de joints de fractionnement dans le cas des joints remplis, ou de cales oubliées dans les joints horizontaux.
Avec des joints remplis de mortier, la mise en compression des plaques peut être due à l’absence de joints de fractionnement ou de joints périphériques. La libre dilatation des pierres n’étant pas assurée, elles peuvent casser sous la poussée.
La technique des joints ouverts, plus sûre, assure la libre dilatation de la pierre et son équilibre vis-à-vis de la pression du vent. Elle évite le report des charges entre les pierres et permet la mise en œuvre d’une isolation par l’extérieur. Des pattes réglables assurent un meilleur ajustement. La mise en compression s’observe dans deux cas :
■ les pattes sont trop souples et fléchissent sous le poids des plaques qui viennent appuyer sur les pierres posées en dessous, provoquant fissures et casses ;
■ lors de la pose, les pierres sont calées pour réaliser des joints réguliers, et les cales, souvent dures, ne sont pas retirées après la pose. La charge de plusieurs pierres superposées est reportée sur des fixations porteuses qui ne sont dimensionnées que pour la charge d’une seule pierre. Par ailleurs, lorsque les pierres se dilatent, la mise en compression casse les plaques.
Deuxièmement, les points singuliers en raccord avec les angles du bâtiment. En effet, le traitement des points singuliers est une source récurrente de pathologies. Les pièces d’angle, les petits retours sont souvent mal traités. Pour une largeur inférieure à 10 cm, un collage s’impose, complété par une double liaison mécanique au moyen de deux cavaliers. Or, même avec une largeur de 15 ou 20 cm, les plaques, au lieu d’être fixées par des pattes mécaniques, sont simplement collées sur chantier pour gagner du temps et elles tombent au bout d’un ou deux ans. Lorsqu’il n’est pas possible de placer les attaches dans le chant des dalles, on est obligé de les mettre à l’arrière. On utilise alors des attaches “en culotte” dont l’extrémité inclinée (45 à 60°) pénètre dans la face arrière de la pierre pour la supporter comme un portemanteau. Rendue difficile par manque de place et de visibilité, la réalisation de l’entaille est rarement bien faite. Parfois, la pierre casse, tourne ou glisse.
Après le diagnostic peut permettre de vérifier une incompatibilité support/attaches. Si les attaches mécaniques se fixent directement dans le béton, il faut prévoir une ossature sur les autres supports. En effet, dans le cas d’un support en maçonnerie, les chevilles fixant les attaches peuvent tomber dans les joints qui sont plus ou moins bien faits ou traverser des parois d’alvéoles, ce qui amoindrit leur résistance à l’arrachement. À cela viennent s’ajouter des problèmes d’étanchéité à l’eau et à l’air de la façade puisque le plus souvent la maçonnerie sous le revêtement n’est pas enduite.
Aussi, une mauvaise tenue des attaches dans le support. Mal fixées, mal scellées ou absentes (il faut quatre attaches par plaque en partie courante), les chevilles ou attaches ne peuvent jouer leur rôle correctement. Posées sur des joints de façades (mur en maçonnerie de pierre, briques…) ou trop près d’armatures, elles ne résisteront pas aux mouvements différentiels du bâtiment.
Ensuite, le diagnostic peut montrer des plaques fixées à cheval sur un joint de structure du gros œuvre. Elles risquent d’être soumises à des efforts de traction lors des déformations du bâtiment et de se fissurer ou casser.
Par ailleurs, les pathologies peuvent survenir à la suite de défauts dans la pierre aux points d’attache. Il s’agit de fissures ou d’éclats au voisinage des trous forés dans le chant de la pierre, dus à un mauvais perçage. Un trou trop étroit oblige à forcer l’ergot provoquant l’éclatement de la pierre.
De plus, le diagnostic peut révéler d’éventuels chocs en pieds de murs exposés. Les pierres ne sont pas assez épaisses pour résister aux chocs accidentels d’un deux roues, d’un skate-board…
Enfin, le diagnostic permet d’entrevoir des défauts esthétiques, avec l’apparition de :
■ coulures sur les pierres en haut du revêtement, sous les fenêtres… Elles sont dues à l’absence de protection d’étanchéité de la façade, telles que couvertine, bavette, larmier, etc. ;
■ taches grasses au niveau des joints souples ou des points d’attaches par migration des solvants du mastic qui enrobe les ergots placés dans des trous trop gros ou ovoïdes. Dans ce dernier cas, le mastic est, aujourd’hui, complètement interdit. Il est remplacé par un coulis de ciment ou un mortier-colle. Pour les joints souples, on utilise désormais des mastics non tachant prévus à cet effet ;
■ d’auréoles dues à l’absence de vide d’air entre l’isolant et la plaque qui entrent en contact. L’isolant peut constituer un réservoir d’eau qui forme une tache sur la pierre par refroidissement différentiel. La poussière se dépose dans les zones froides pour former une auréole. Même sèche, l’auréole reste visible ;
■ taches d’oxydation du métal au niveau des attaches. Le DTU impose aujourd’hui l’utilisation d’agrafes et attaches en métal inoxydables dans la masse
Quelques conseils en matière de prévention sont nécessaires :
Premièrement, le matériau. Les pierres naturelles utilisées à l’extérieur comme revêtements attachés en pierre mince doivent répondre aux spécifications de la norme NF B10-601 et porter le marquage CE. Seuls les revêtements de parois verticales et exclusivement les bâtiments de moins de 28 m de hauteur sont visés par le DTU 55.2. La pose des marbres cristallins est aujourd’hui très réglementée à l’extérieur, Ils doivent justifier de leur tenue à la décohésion granulaire, selon la norme citée ci-dessus, la NF B10-601.
Le choix de la pierre dépend du site, de l’exposition et de son emplacement (partie courante, soubassement…). Les principaux critères à prendre en compte sont :
■ la résistance au gel. Selon la zone géographique car la France est divisée en cantons selon quatre zones de gel allant de gel très faible (classe A) à gel sévère (classe D). En zone D, par exemple, la pierre doit résister à plus de 12 cycles de gel en partie courante et à plus de 96 cycles en soubassement.
■ la résistance aux effets du vent, définie à partir des règles NV 65 (DTU P06-002). Pour déterminer le dimensionnement (poids, surface…) des plaques fixées par quatre attaches, il convient de vérifier la résistance au vent de la pierre à la liaison ergot/pierre ;
■ la résistance aux attaches (dans la tranche de la pierre) est de 300 N minimum. Plus la pierre est épaisse, plus elle résiste au niveau des attaches. L’épaisseur minimale sera comprise entre 30 et 80 mm maximum. Au-delà de 80 mm, il s’agit de pierres « massives » posées avec d’autres techniques.
L’autre conseil se porte sur les notions de la conception de l’ouvrage. En effet, la résistance aux chocs est fonction de la position des pierres sur la façade. L’épaisseur minimale des plaques est fixée à 30 mm pour les revêtements posés en partie courante et sur plus de 6 m de hauteur, et à 20 mm en dessous sous certaines conditions (art. 4.1.2.2.1 du DTU). Ainsi, en soubassement, les pierres doivent être plus épaisses et de format réduit pour s’affranchir des risques de casse. Le prescripteur peut exiger une résistance maximale pour une exposition fortement sollicitée Q4 (selon la norme NF P08-301). L’épaisseur pourra alors être supérieure à 30 voire 40 mm à hauteur d’homme pour une école, par exemple, ou à hauteur d’étage sur un bâtiment plus exposé.
La dimension des plaques conditionne l’esthétique de la façade. Leur surface maximale est d’1 m2 avec un rapport longueur/ largeur inférieur à 3 (plus grande dimension = 1,40m). Ce rapport n’est pas applicable pour les plaques de faible largeur utilisées en retour de tableau ou voussures de baies. La compatibilité entre support et attaches est primordiale. Le support en béton banché est le seul admissible pour la pose avec des attaches mécaniques. Pour les autres supports (blocs de béton pleins ou creux, briques pleines ou creuses…), le DTU préconise un ancrage sur ossature intermédiaire.
Cette dernière doit faire l’objet d’une étude spécifique et sera ancrée dans les zones résistantes du support pour assurer la stabilité de l’ensemble (art. 9 du DTU). La fixation des attaches sur l’ossature intermédiaire étant réglable, il convient de prévoir un dispositif anti-glissement.