La transition énergétique passe par de l’innovation sociale
Si les conclusions de la Cour des Comptes prétextaient que la transition énergétique passe par un projet impliquant la réflexion d’un modèle de société en corrélation avec elle et qu’elle ne peut être menée sans concertation, le Crédoc rajoute que la recherche de sobriété énergétique passe par de l’innovation sociale
Partant du constat que la transition énergétique, la note du rapport du Crédoc, intitulé « Sur le chemin de la sobriété énergétique- Engager les Français au-delà des écogestes » précise que pour parvenir un modèle de sobriété, elle ne doit pas s’attacher aux seules notions réglementaires et d’innovations technologiques. La transition implique une réflexions bien plus large qui questionnent nos modes de vies qui ne se réglementent pas.
Le Crédoc précise que l’innovation technologique doit s’ancrer dans celle sociale, c’est-à-dire de l’expérimentation mobilisant des collectifs d’habitants ainsi que des collectifs de salariés.
Ainsi pour le Crédoc, deux perspectives tendent à se dessiner : la stimulation du marché de nouveaux systèmes technologiques (compteurs intelligents, véhicules partagés, etc.) et l’innovation sociale pour faire des Français des moteurs de mobilisations collectives dans leurs espaces résidentiels et d’activité. Les deux devraient être conjuguer afin de parvenir à une réelle transition. Et plus particulièrement à la sobriété énergétique.
Le rapport du Crédoc relève les limites du débat sur la transition énergétique qui s’est axé principalement sur le thème du « mix énergétique » et plus particulièrement sur le sort du tout nucléaire, ainsi que la réduction de la dépendance au pétrole.
Le Crédoc estime que pour rendre les Français acteurs de bâtiments d’habitation et de travail plus efficients sur le plan énergétique, les politiques d’incitation doivent aller au-delà de l’appel aux écogestes, dont on connaît aujourd’hui les limites.
Même si, la note du Crédoc rapporte que globalement la croissance jusque-là continue de la demande d’énergie connaît une inflexion, elle reste insuffisante pour atteindre l’objectif national d’une baisse de 38 % des consommations dans les bâtiments résidentiels et de bureaux d’ici 2020.
En effet, même si l’approche énergétique s’insère dans le paysage de la construction avec la norme BBC, la réglementation RT 2012 ainsi que le développement des éco-quartiers qui concourent à la performance des technologies liées à l’isolation, au chauffage, conduisant à une réelle économies d’énergie, il demeure néanmoins que 75 % des logements qui seront habités en 2050 sont déjà construits. Le Crédoc estime qu’il est nécessaire de porter une politique forte sur la rénovation. Cette situation fait craindre une amplification des situations de vulnérabilité énergétique pour les ménages dont la facture de chauffage s’alourdit fortement, ou qui se restreignent en sous chauffant.
Le rapport du Crédoc révèle qu’une part non négligeable de la population est concernée, de l’ordre de 10 à 11 % des ménages, selon les critères utilisés.
Toutefois, le Crédoc observe que même si les français, majoritairement, ont associés la nécessité d’améliorer la qualité thermique de leur habitation pour réaliser des économies financières, une majorité admet qu’il faut réduire les consommations d’énergie domestiques, pour la moitié de façon importante (48 %), pour un quart modérément (26 %).
L’étude montre, aussi, que les français à avoir changé de système de chauffage pour une installation plus performante ne sont qu’une minorité (30 %), et à avoir remplacé leurs équipements par des appareils de classe A (38 %). Les écogestes qui ne coûtent pas trop cher l’emportent toujours sur les investissements lourds.
Cette représentation soulève bien l’inertie des systèmes incorporés à l’habitat (chauffage, ventilation) et le poids des arbitrages conditionnés par le pouvoir d’achat quand il s’agit d’équipements lourds (gros électroménagers notamment) souligne le Crédoc. Seul un tiers des Français propriétaires envisagent d’investir pour améliorer leur logement (33 %) et seuls 20 % pensent à des travaux pour économiser l’énergie, notamment pour disposer d’un système assurant une meilleure efficacité thermique (18 %).
Parallèlement, le Crédoc rajoute que la notion de confort s’oppose à celle de la sobriété, notamment avec l’afflux des appareils électriques. En effet, le confort dans l’habitat se résume par l’ajustement de la température ambiante et donc celle du chauffage. 63 % estiment que l’on ne doit pas se chauffer à plus de 19 °C. Dans la réalité, la mesure de la tempé- rature dans la pièce de séjour des habi- tations montre que la moyenne se situe au-dessus de 20 °C, et atteint 21 °C dans les habitations récentes. C’est la traduc- tion des « effets rebonds » qui font que l’efficacité thermique des constructions récentes (maisons BBC, immeubles HQE) ne conduit pas à l’économie maximale de consommation d’énergie escomptée.
Par ailleurs, le Crédoc souligne que les français sont peu enclins à l’innovation dans l’habitation. Il estime qu’en matière de logement e poids du parc ancien et l’absence de processus de renouvellement régulier des systèmes induisent une inertie très grande. Y compris sur des avancées techniques qui pourraient dynamiser le marché de la rénovation, en particulier des « compteurs intelligents » mis au service du pilotage par les usagers des consommations d’énergie. Et rajoute que la conception technicienne voit l’occupant comme un usager passif, au lieu de l’intégrer comme un acteur central du pilotage de la performance énergétique. Cette caractéristique implique aussi que les français ne se sentent pas impliqués dans le cadre d’un urbanisme durable. Les études montrent les formes nouvelles d’urbanisme durable suscitent guère d’adhésion.
Pour le Crédoc, contrairement aux pays voisins (Allemagne, Pays- Bas, pays du Nord de l’Europe), dont la dynamique permet l’expérimentation en matière d’urbanisme, les écoquartiers français sont conçus comme des opérations d’urbanisme classiques, produisant des quartiers denses. Si certains intègrent des formes de participation des habitants, il n’y a pas de processus d’implication des usagers dans la conception urbaine elle-même. Comme pour les bâtiments HQE, les écoquartiers construisent des ensembles à haute ambition technologique, sans ménager aux collectifs d’habitants la possibilité d’être acteur du fonctionnement des bâtiments et des circulations. Cette conception techniciste dite « top-down » se situe à l’opposé de l’approche participative dite « bot- tom-up » des opérations élaborées à partir d’un collectif d’habitants constitué avant la réalisation du projet. En France, les opérations dites d’habitat participatif et d’écovillages ou éco-hameaux, se situent dans cette perspective, et la loi vient de leur donner un cadre juridique.