La filière bois se mobilise contre le bois illégal… L'Article 33 à renforcer
Alors que le 8 janvier dernier, Greenpeace a mené une action dans le port de Caen à l’encontre du bois illégal, toute la filière bois se mobilise.
Vers 8h30 du matin, 15 militants de Greenpeace en combinaisons siglées « Brigade de Vérification du Bois » ont procédé à la saisie de bois illégal sur le port de Caen. Une grume longue d’environ 7,50m a été placée sur la remorque d’un camion. Le convoi est actuellement bloqué par des employés du port et la gendarmerie est sur place.
« Ce bois est illégal. Greenpeace a tous les éléments pour le prouver« , explique Frédéric Amiel, chargé de campagne forêts pour Greenpeace. « Le Projet de loi d’avenir sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt, en discussion en ce moment au Parlement, doit donner les moyens à la France de lutter efficacement contre le trafic de bois illégal. Aujourd’hui le projet est trop faible : imprécis sur le régime de sanctions, sans moyens de contrôle supplémentaires. Greenpeace demande au ministère et aux députés d’améliorer ce texte. En attendant, nous nous substituons aux autorités en saisissant une grume comme pièce à conviction. »
Le bois saisi est vendu par la compagnie Sicobois en République démocratique du Congo. Il a été importé par la société française Peltier Bois. Dans une note publiée aujourd’hui (http://act.gp /boisillegal) sur l’application en France du Règlement sur le Bois de l’Union européenne (RBUE), Greenpeace révèle que le port de Caen est un point d’entrée important pour le bois illégal en provenance notamment de République Démocratique du Congo. Greenpeace et d’autres ONG ont déjà alerté le ministère de l’Agriculture sur la présence de bois illégal dans les ports français.
Depuis mars 2013, le Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE) est entré en vigueur. Censé s’appliquer dans tous les pays de l’Union, il prévoit qu’un importateur de bois s’assure par tous les moyens de la légalité de son bois. Une immobilisation, voire une saisie ou des sanctions pénales peuvent être prises. L’Allemagne a déjà procédé le 27 novembre dernier à la saisie d’un lot de bois illégal stocké sur son territoire.
« La France n’applique pas une règlementation qui devrait l’être depuis 10 mois« , insiste Frédéric Amiel. « Le projet de loi en l’état ne changera rien à la situation actuelle. »
Le bois illégal représente 20 à 40% du bois qui circule en Europe.
« Non-paiement des taxes, dépassement des quotas de coupe, coupe d’essences protégées, non-respect des communautés forestières, etc. Le bois illégal, dans des pays comme la RDC, rime avec déforestation et violents conflits sociaux. Il ne profite pas aux populations et impose une concurrence déloyale avec des filières légales en difficulté. C’est aussi un facteur majeur du dérèglement climatique au niveau mondial. Pour toutes ces raisons et parce que la France, en accueillant la conférence mondiale sur le climat en 2015, veut montrer le bon exemple sur cet enjeu, le ministre et les députés doivent amender la loi, la durcir et stopper le bois illégal ! » conclut Frédéric Amiel.
C’est à travers cet exemple que toute la filière bois s’est mobilisée. Ainsi, France Bois Forêt a organisé la mobilisation autour du projet de loi d’avenir sur l’agriculture en cours de discussion à l’Assemblée.
De nombreux amendements ont été déposés dont deux correspondant à des revendications majeures de la profession : la définition d’une personnalité juridique pour le fonds stratégique de filière, ce qui est une manière d’institutionnaliser ce fonds ; et bien entendu des amendements sur l’abondement des moyens financiers indispensable pour mettre en œuvre les propositions d’actions prévues dans le Projet Forêt Bois pour la France qui a été présenté au gouvernement.
Par ailleurs, l’article 33 de ce projet de loi d’avenir traite des modalités de contrôle et de sanction suite aux infractions au Règlement bois de l’Union Européenne (RBUE) entré en vigueur en mars 2013.
LCB et la FNB ont donc déposé un projet d’amendement sur cet article. Les deux organisations professionnelles ont rappelé leur soutien au RBUE permettant, selon elles, d’améliorer les conditions de concurrence entre les opérateurs économiques sur le marché et aussi de renforcer l’image d’éco matériau du bois par rapport à d’autres matériaux de construction non concernés par des exigences similaires.
Néanmoins, dans un souci d’équilibre du marché, la filière estime qu’il est indispensable que les contrôles et les sanctions qui s’imposent soient conçus et mis en œuvre de façon coordonnée entre les pays membres pour éviter des transferts de flux d’un pays à l’autre.
Les pratiques destructrices d’exploitation forestière alimentent les conflits sociaux au sein des communautés locales, entraînant souvent des violences, des crimes et des violations des droits humains. L’exploitation du bois illégal peut être liée financièrement au crime organisé ou à des fraudes fiscales, et alimenter des guerres civiles ou des régimes dictatoriaux (notamment au Libéria, en Birmanie ou en République Démocratique du Congo1).
Elle participe également de manière incontrôlable au processus de déforestation à l’échelle mondiale, qui engendre des conséquences catastrophiques en termes de perte de biodiversité et représente près de 17 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
L’Union européenne (UE) est le principal importateur de bois provenant de Russie, de l’Amazonie brésilienne et d’Afrique centrale. L’UE a aussi massivement augmenté ses importations de produits semi-finis fabriqués en Chine, dont le bois est parfois d’origine illégale. Le dumping social et environnemental va continuer au détriment des entreprises responsables qui s’approvisionnent en bois légal et durable.
Le Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE) est issu d’un long processus législatif qui a débuté en 2003 par la proposition de la Commission européenne d’adopter un plan d’action sur les réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT), pour lutter contre l’exploitation abusive des forêts et le commerce de bois illégal au sein de l’UE. Ce n’est que 10 ans plus tard, le 3 mars 2013, que ce processus aboutira avec l’entrée en vigueur du RBUE.
Ce règlement devait mettre un coup d’arrêt à l’entrée massive sur le marché européen de bois coupé illégalement, dans le non-respect des lois du pays d’origine. Selon les estimations d’Interpol, entre 15 et 30 % du bois commercialisé dans le monde est d’origine illégale. Le bois illégal représente un manque à gagner considérable pour les gouvernements et les populations des pays producteurs, et constitue un motif important de déstabilisation du secteur forestier.
Cette réglementation instaure un principe de responsabilité des opérateurs qui importent du bois ou des produits dérivés. Une fois appliquée, les importateurs de bois illégal peuvent être sanctionnés s’ils ne sont pas capables de démontrer la légalité du bois importé. C’est le principe connu sous le nom de « diligence raisonnée ».
Ce texte pourrait aussi permettre de remettre le marché « à niveau » et de restaurer une compétition juste et équitable entre les différents acteurs du marché en supprimant les distorsions générées par le commerce de bois illégal et non durable. Cela favoriserait les entreprises qui investissent dans des pratiques durables et responsables. Il exige également des acteurs de la filière bois (courtiers, détaillants, commerçants, etc.) qu’ils établissent un système crédible et complet de traçabilité. C’est le ministère de l’Agriculture et des Forêts qui est l’ « autorité compétente » en charge de sa mise en œuvre.
Mais pour que des sanctions puissent être prononcées contre un importateur par un juge français, le RBUE doit d’abord être transposé en droit français. Le projet de loi discuté actuellement au Parlement doit assurer au consommateur qu’il achète des produits dont le bois est d’origine légale, permettre un meilleur respect de la législation dans les pays forestiers et ainsi lutter contre la déforestation.
Pour Greenpeace, l’article 33 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, censé fixer les sanctions relatives au règlement européen, n’est pas suffisant pour contrôler réellement le bois tropical qui entre en France et rendre effective la réglementation européenne.