Pour sauver les phares bretons, l’application de BFUP …
Une tourelle au large de Lorient en Bretagne vient d'être renforcée avec une technologie développée à l'EPFL pour les ponts. Il s’agit là d’un galop d’essai afin de tester l'application des Bétons Fibrés Ultra-Performants (BFUP).
Ils sont surnommés l’enfer, le purgatoire ou le paradis suivant qu'ils soient construits en pleine mer, accrochés à un îlet ou bâtis sur la terre ferme. Certains phares bretons célèbres, comme celui de la Jument ou d’Ar-Men, sont situés à l’entrée de courants violents et essuient tempêtes et déferlantes depuis plus d’un siècle. Les attaques répétées des vagues sur leur soubassement et leur tour les fragilisent et même si, au fil des ans, des travaux de renforcement ont été effectués, ils se détériorent inexorablement sous les assauts incessants de la mer.
Jusqu’ici des "pansements" de béton armé étaient appliqués au pied de ces ouvrages mais ils finissent toujours par se détériorer.
Le Centre d'Etude des Travaux Maritimes et Fluviaux (CETMEF) de Brest, qui supervise la gestion de ces ouvrages maritimes, a retenu la proposition des ingénieurs de l’EPFL de développer l'application des bétons ultra-performants coulés en place, dans le cadre d’un partenariat avec Lafarge, pour venir en aide à ces honorables sentinelles avant leur destruction.
Un béton imperméable :
Le Béton Fibré Ultra-Performant est un mélange de matériaux cimentaires - identiques à ce qui se trouve dans beaucoup de bétons modernes - et de fibres d’acier. C'est le choix savant des dosages et des dimensions des particules qui lui confère une compacité exceptionnelle et le rend imperméable. Ses fibres lui donnent une capacité de déformation comparable à celle de l'acier sans en avoir ni le poids ni la sensibilité à la corrosion. Ses propriétés d'imperméabilité sont telles que même déployé en fine couche, l’eau et les sels n’arrivent pas à l’attaquer.
S’il a la même masse volumique que le béton, une mince épaisseur de quelques cm suffit à assurer la protection de l’ouvrage: «Avec un béton traditionnel on compte 6 à 7 cm d’épaisseur pour protéger une armature métallique, en BFUP 15 mm sont suffisants et la durabilité obtenue est nettement plus élevée,» explique Emmanuel Denarié en charge du projet.
A la rescousse des ouvrages existants, à terre ou en mer :
Les ancêtres des BFUP sont apparus dans les années 70-80. Ils étaient majoritairement utilisés dans la préfabrication.
Depuis 2004, le laboratoire de Maintenance, Construction et Sécurité des ouvrages (MCS) joue un rôle de pionnier dans l'application de ces matériaux coulés sur des ouvrages d’art existants, avec des conditions de plus en plus exigeantes. Une véritable seconde peau qui les protège et les renforce. Cette technologie est aujourd'hui devenue courante en Suisse. «Pour les phares la problématique est très proche de celle des ponts. La durée d’intervention doit être réduite au maximum, on doit proposer des solutions de renforcement extrêmement performantes et durables avec le minimum de matériaux utilisés. Il était donc naturel de conseiller cette technique à nos collègues français», rappelle le chercheur.
Des matériaux plus écologiques :
Le MCS est aujourd’hui l’un des laboratoires les plus avancés au monde dans la connaissance du BFUP et son application pour l'amélioration des ouvrages existants, il a mis son savoir-faire au service de nombreux ponts en Suisse et à l’étranger. Il développe également de nouvelles techniques en utilisant des matériaux toujours plus écologiques et régionaux : «dans la matrice traditionnelle d’un BFUP on utilise beaucoup de ciment. Nos recherches ont prouvé que seul 40 % de celui-ci est nécessaire pour obtenir des bétons à haute performance aptes au renforcement des ouvrages. Nous avons donc développé des matrices de BFUP plus écologiques en remplaçant le ciment massivement notamment par de la poudre de calcaire».
Le laboratoire a aujourd’hui 10 ans de recul face au comportement de ces BFUP sur les nombreux ouvrages d’art renforcés ou préservés par ce procédé, comme le pont sur la Morges en Valais, le pont de Log Cezsoški en Slovénie ou même la caserne des pompiers à Genève.« Nous avons constaté tout au plus des tâches de corrosion en surface mais absolument rien en profondeur». Les essais réalisés sur des éléments structuraux démontrent bien l'imperméabilité totale du BFUP en conditions réelles d'exploitation. Une nouvelle approche qui représente, c’est sûr, une lueur d’espoir pour les phares centenaires de l’ouest atlantique.