Quand la filière solaire thermodynamique française manque de démonstrateurs industriels pour se développer…
Selon le baromètre 2014 des EnR électricque publié par Observ’ER, la filière solaire thermodynamique (CSP pour Concentrating Solar Power) française souffre d’un manque de démonstrateurs industriels bien que le potentiel à l’international soit important, notamment dans des zones mieux ensoleillées que l’Europe, une filière française qui peine à émerger.
Le baromètre précise qu’au début des années 1980, la France avait fait un coup d’éclat avec l’inauguration de la centrale à tour de Thémis à Targassonne dans les Pyrénées-Orientales. Cette réalisation était alors une référence internationale dans le domaine du solaire thermodynamique et elle venait récompenser les travaux menés alors depuis une quinzaine d’années sur le four solaire d’Odeillo. Cependant, ces premières expériences ne débouchent pas sur une phase industrielle et la filière française entre alors en hibernation pendant une vingtaine d’années. Ce n’est qu’au milieu des années 2000 qu’un renouveau va se faire, aiguillonné en cela par la croissance du marché mondial portée par les États-Unis et l’Espagne.
La relance du solaire thermodynamique en France s’est faite en plusieurs étapes. En 2005, après la reconversion de Thémis en plateforme de recherche et développement, une réflexion est initiée sous l’égide de l’Ademe qui débouche, en 2010, sur une feuille de route pour la filière. Parmi les objectifs définis figure la réalisation de démonstrateurs pour les différentes technologies sur lesquelles se sont positionnés les industriels français. La principale faiblesse de l’industrie française est qu’elle n’a pas su faire grandir des PME ou ETI françaises devenues significatives au niveau mondial et d’avoir compté seulement sur de grands groupes. Le retard en la matière est important par rapport aux concurrents espagnols, allemands ou américains, qui comptent davantage d’entreprises n’ayant cessé d’investir depuis les années 1990 et pouvant ainsi se prévaloir de nombreuses références industrielles pour illustrer leurs offres.
Pour pallier cette situation, un Appel à manifestation d’intérêt est organisé en 2011 qui débouchera en avril 2012 sur le choix de quatre projets. Depuis, les projets se déroulent normalement, sauf “Stars” qui a été suspendu suite à l’arrêt de l’activité solaire thermique à concentration d’Areva.
Dans le même temps, une autre action participe à la structuration de la filière avec l’insertion d’un volet spécialement dédié au solaire thermodynamique dans l’appel d’offres de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) consacré aux filières solaires électriques en 2012. Cette fois, ce sont deux dossiers qui sont retenus : le projet corse d’Alba Nova 1 porté par Solar Euromed pour 12 MW et celui de la centrale solaire de Llo pour 9 MW porté par la Cnim (Constructions industrielles de la Méditerranée) en Languedoc-Roussillon.
Depuis, le troisième appel d’offres solaire dédié aux installations de grande puissance (> 250 kW), paru en novembre 2014, ne comporte pas de volet solaire thermodynamique malgré la demande de la part des professionnels aux pouvoirs publics de réserver une tranche de puissance de 100 MW. Toutefois, les Appels à manifestation d’intérêt ne s’appliquent plus a une seule filière, mais sont transversaux et concernent toutes les énergies renouvelables. Il existe un AMI sur le stockage, mais aucun acteur du solaire thermodynamique ne s’est positionné. Aujourd’hui, les pouvoirs publics attendent que les projets soient opérationnels avant d’en financer d’autres. De plus, ils ne soutiennent pas massivement cette filière car les installations ne se situent pas en France.
Les industriels restent perplexes face à ce manque de soutien car, selon eux, l’intérêt de ce secteur est de présenter un très fort potentiel d’exportation de technologie française à l’étranger.
Mais comme souvent, idem avec le photovoltaïque, au niveau mondial, le potentiel de développement du CSP est impressionnant. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit, dans son rapport de septembre 2014, à l’horizon 2050 une contribution du solaire thermodynamique à hauteur de 11 % de la production électrique globale. Une prévision inchangée par rapport à l’objectif de la feuille de route 2010.
Avec plus de 1 000 GW de capacité installée dans ce scénario (contre 4,6 GW aujourd’hui, dont 2, 3 GW pour l’Espagne et 1,7 GW pour les États-Unis), les centrales associées ou non à des systèmes de stockage de l’énergie pourraient assurer une production annuelle de 4 770 TWh, soit l’équivalent de la consommation électrique des États-Unis. Les marchés émergents dans ce secteur sont principalement l’Afrique du Sud, l’Inde, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, la Chine et le Chili avec des ambitions annoncées très fortes.
Enfin, le baromètre illustre la montagne qui reste à gravir pour la filière française. Et pourtant d’après une étude commandée par le SER, Syndicat des énergies renouvelables, au cabinet Ernst&Young sur les retombées économiques potentielles de la filière française à l’international, le potentiel de création de valeur ajoutée en France sur la période 2013-2020 serait supérieur à 1 milliard d’euros. Sur le plan de l’emploi, cela correspondrait à 20 000 emplois équivalents temps plein.
A cet effet, le baromètre signale que la France dispose pourtant des compétences et des entreprises sur l’ensemble de la chaîne de valeur : fabricants de turbines, d’alternateurs, de miroirs, de trackers, de structures métalliques, de récepteurs, mais aussi des groupes d’ingénierie, électriciens, chaudronniers, chaudiéristes, fabricants de pompes ou de moteurs.