Mucem, Energie, Grand Paris, Jussieu, La Defense…, un point commun, une gestion laborieuse...
Dans son rapport annuel, la Cour des Comptes épingle les gestions parfois calamiteuses de ceux qui ont en charge de structurer le pays. En contrôlant établissements publics nationaux, entreprises publiques, sécurité sociale, ainsi que des organismes privés bénéficiant d'une aide de l'État, le rapport dresse une liste de constats atterrants. Des observations qui touchent tous les secteurs, du désamiantage de Jussieu aux stations de ski des Pyrénées, du Mucem de Marseille à La Défense, présenté le 11 février, le rapport 2015 ne déroge pas à la règle.
L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une construction inaboutie.
Tout d’abord dans le volet énergie, les magistrats épinglent l’ouverture du marché de l’électricité estimant que le processus chaotique n’est pas finalisé et pire les pouvoirs publics l’ont engagée à reculons, en raison d’un foisonnement législatif. La très limitée pénétration des offres de marché auprès des particuliers et des PME entraine une facture peu sensible à la concurrence et donc les bénéfices auxquels les consommateurs seraient en droit de percevoir n’existent pas. Le peu d’informations sur l’ouverture à la concurrence ne facilite donc pas le consommateur dans ses démarches. Autre mention, la Cour des Comptes estime que le gestionnaire de réseau de distribution (ERDF) est trop lié à sa maison mère (EDF). Comme gestionnaire du principal réseau de distribution, il doit être indépendant et totalement neutre vis-à-vis des différents acteurs du marché de l’électricité.
Les opérateurs publics locaux d’aménagement en Île-de-France : un avenir à conforter
Dans le rapport de la Cour des Compte, un constat cinglant montre le nombre d’opérations d’aménagement est en constante diminution. Les raisons de ce blocage, maîtrise foncière mal élaborer (portage), sous-capitalisation des entreprises publiques locales, inhérente à l’économie mixte, celle-ci atteint parfois des proportions préoccupantes, ont un effet considérables sur le secteur de la construction. Le rapport note également que dans le même temps, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a institué la métropole du Grand Paris. Cette création au 1er janvier 2016 va entraîner des transformations profondes pour les opérateurs publics de l’aménagement en Île-de-France. Si elle devait susciter un surcroît d’incertitude, la phase de transition pourrait aggraver le ralentissement constaté des opérations d’aménagement. Le Grand Paris et son incertitude sur son devenir institutionnel renforcent la problématique des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales et leurs opérateurs publics.
L’avenir des stations de ski des Pyrénées : un redressement nécessaire, des choix inévitables
Dans le rapport annuel de 2015, à la suite des chambres régionales des Comptes de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, la Cour des Comptes s’est penchée sur le sort des stations de ski pyrénéennes. Les Pyrénées françaises, comptant une trentaine de stations de ski alpin, ont pendant plusieurs décennies permis de maintenir une activité économique en zone de montagne et de limiter l’exode rural. Toutefois, actuellement, de nombreuses stations sont confrontées à des difficultés majeures. La Cour des Comptes a dressé un triple constat. Le premier est que les stations de ski des Pyrénées doivent faire face à une érosion continue de leur fréquentation dans un environnement contraint. Le deuxième, bien que contrastées selon leur taille et leur notoriété, les situations budgétaires et financières des stations pyrénéennes sont souvent tendues et les finances publiques locales fortement sollicitées. Enfin, le dernier constat observe que pour autant, des initiatives sont prises et des actions engagées pour tenter d’adapter le modèle économique existant, qui a atteint ses limites.
Le MuCEM : une gestation laborieuse, un avenir incertain
Inauguré le 7 juin 2013 dans le cadre de l’opération « Marseille capitale européenne de la culture», le MuCEM constitue, avec la Philharmonie, l’un des derniers grands chantiers culturels du ministère de la culture et de la communication. Toutefois, même si le succès ne dément pas avec l’engouement du public, la Cour des Compte a dressé les multiples vicissitudes qui ont émaillé la conduite de ce projet dont la réalisation aura nécessité au moins 350 M€ : atermoiements politiques et administratifs, gestion dispendieuse de la phase de préfiguration, complexité de l’opération immobilière et dérive des coûts. Et surtout, en guise de conclusion, la Cour s’interroge enfin sur l’avenir de cet équipement culturel prestigieux. Enfin, les magistrats se sont interrogés sur la pertinence du recours à un partenariat public-privé dans un tel projet.
Le chantier de Jussieu et la conduite des grandes opérations immobilières des universités franciliennes : des enseignements à tirer
En ce qui concerne les grandes opérations immobilières des universités franciliennes (plateau de Saclay hors infrastructures de transport, campus Condorcet et Paris intra-muros), la Cour des Comptes estime qu’elles pèsent lourdement sur la politique publique de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec un budget prévisionnel cumulé de 3,2 Md€. Le chantier de Jussieu en est, à cet égard, le révélateur. 19 ans après son lancement, ce chantier est quasiment achevé dans son périmètre initial. Il a duré 16 années de plus que prévu et a coûté dix fois plus cher – le budget initial s’élevait à 183 millions d’euros. L’université Paris 6 envisage un nouveau chantier, concernant les bâtiments appelés « barres de Cassan », qui pourrait porter son coût final à plus de 2 milliards d’euros et prolonger de dix ans encore le chantier. La Cour appelle à la définition d’un programme stratégique de l’immobilier universitaire en Île-de-France ». Sophie Moati, présidente de la 3e chambre tranche : « Le choix d’une réhabilitation sur place a été le choix le plus coûteux ».
L’établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche : une remise en ordre inachevée
Créé en 1958 pour contribuer à la création du premier quartier d’affaires à dimension internationale, construit sur une dalle à la Défense, l’établissement public d’aménagement de la défense (EPAD) a depuis remplacé par l’établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA). La Cour des Comptes constate que son existence a été prolongée à plusieurs reprises. Ainsi, depuis 2008, l’établissement n’assure plus la gestion des équipements et espaces publics du quartier d’affaires, qui a été confiée à une nouvelle structure émanant des collectivités territoriales, l’établissement public de gestion de La Défense (de nom commercial Defacto). Si dans un premier rapport, établi en 2013, la Cour précisait une première réflexion : qui doit se charger de ces travaux ? Et en deuxième lieu, elle constatait l’absence d’un document reflétant une stratégie commune aux acteurs concernés par l’avenir du quartier de La Défense. Deux ans plus tard, la Cour constate avec satisfaction que ses recommandations relatives à l’amélioration de la gestion interne de l’EPADESA ont été mises en œuvre ou sont en cours, et que l’incertitude juridique qui compliquait les relations entre les deux établissements publics a été levée (II). En revanche, la question de la prise en charge financière de la remise en état des équipements du site de La Défense n’est pas encore résolue.