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La politique des marges arrières, une influence directe sur la constitution des prix et provoque des distorsions

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La politique des marges arrières, une influence directe sur la constitution des prix et provoque des distorsions

La politique des marges arrières, une influence directe sur la constitution des prix et provoque des distorsions

Sans rentrer dans les explications récurrentes sur le secteur du bâtiment et les enjeux auxquels il est confronté pour engager une véritable transition énergétique, le BTP vit actuellement de douloureuses heures. Un secteur en proie à la crise économique mais aussi à d'autres considérations...

En effet, à y regarder de plus près l’offre proposée par le secteur de la construction ne permet pas de répondre favorablement aux attentes du marché. Quelque soit l’offre, en terme de services d’une part et de prix d’autre part, elle ne correspond pas aux expectatives attendues.

Ainsi, pour tenter d’expliquer en partie à ces problématiques, dans la revue du Service de l’Économie, de l’Évaluation et de l’Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), la question des coûts de construction s’est naturellement posée.

Une question sempiternelle notamment à travers les débats relatifs à l’offre de logements abordables en France que ceux relatifs au prix à payer pour la production de bâtiments plus efficaces sur le plan énergétique. L’hypothèse est ainsi fréquemment émise que les différences observées entre la France et ses voisins dans le rythme de transformation de son parc de bâtiments, en particulier de logements, seraient imputables à un coût élevé des matériaux, des équipements et de leur mise en œuvre.

L’étude a retenu le modèle du petit résidentiel de 10 à 30 logements. Elle a montré des prix similaires en France et en Allemagne avec un surcoût important au Danemark, et les prix les moins élevés en l’Italie. Cependant, le choix de ce modèle montre des limites, car il existe pour chaque pays étudié des différences dans les matériaux et équipements utilisés, différences qui ont nécessairement un impact sur les coûts. Par ailleurs, la formation de la main d’œuvre ou la politique de subvention ont été identifiées comme ayant une incidence à plus long terme sur la construction des coûts.

Les prix élevés de la construction, des matériaux et équipements ainsi que de la main d’œuvre, sont évoqués comme blocage à la rénovation massive et rapide du parc de logements français, pourtant nécessaire dans le cadre de la transition énergétique de la France. Le Plan Urbanisme, Construction, Architecture (PUCA), organe incitatif de recherche de la DGALN, a donc confié en 2011 au bureau d’études Alcimed, la réalisation d’une étude comparative sur les coûts en France, en Allemagne, au Danemark et en Italie qui éclaire sur la structure des coûts et identifie les leviers permettant de les abaisser.

Indice des coûts de la construction, nouveaux bâtiments résidentiels – données annuelles (2010 = 100)

Indice des coûts de la construction, nouveaux bâtiments résidentiels – données annuelles (2010 = 100)

Différences de prix, différences de coûts : des liens controversés

Les raisons couramment avancées pour expliquer les prix élevés de l’immobilier en France sont multiples : « rareté » du foncier, multiplicité des acteurs, fiscalité élevée, rémunération des intervenants en pourcentage du prix de la construction, financement du logement social par le logement privé, organisation des opérations de construction, contexte réglementaire...

Non seulement ces prix sont élevés, mais ils connaissent également une augmentation. Parmi les raisons invoquées, il y a l’allongement de la durée des prêts mais celle-ci n’explique pas tout. Cette augmentation concerne en effet l’ensemble des segments, y compris le logement social. Si l’on s’en tient aux seuls logements locatifs sociaux, leur prix de revient total (foncier, construction, honoraires et divers) a fortement augmenté.

D’où l’hypothèse que l’augmentation des coûts de construction interviendrait dans cette hausse. C’est ce que soutiennent certaines études, en comparant la France avec d‘autres pays européens, l’Allemagne notamment.

Outre le fait que les coûts de construction soient plus élevés en France que dans d’autres pays européens, c’est leur augmentation qui apparait plus rapide, même si les courbes semblent converger aujourd’hui.

Pour certains auteurs, les écarts de prix observés entre différents pays reflèteraient des coûts différenciés mais également des marges qui augmenteraient du fait de politiques d’aide à la pierre qui auraient un effet inflationniste.

Pour d’autres acteurs, tels que la Fédération Française du Bâtiment (FFB), l’augmentation des prix relèverait principalement de l’augmentation des coûts de construction, lesquels seraient liés aux plus grandes exigences réglementaires apparues ces dernières années, à la sécurisation des chantiers contre le vol et à la complexité d’opérations obéissant à une logique de densification.

En particulier, d’après la FFB, l’écart des hausses enregistrées « s’expliquerait quasi-exclusivement par la hausse bien plus rapide des prix des matériaux en France ».

Il est difficile de connaître l’évolution comparée en structure des différents postes de dépenses, en France et dans d’autres pays de l’Union Européenne. Les grandes masses sont toutefois proches. Or, c’est bien le coût du travail et, en second, le coût des matériaux qui forme l’essentiel de ce coût dans les pays industrialisés. Pour la France, ils sont aujourd’hui respectivement de 43 % et 32 %.

Or, les données disponibles sur Eurostat témoignent en effet de la hausse du prix des matériaux, ce qui tendrait à justifier l’argument avancé par la FFB.

Structuration des coûts de construction en France par poste de l’index BT01 (bâtiments résidentiels et non résidentiels)

Structuration des coûts de construction en France par poste de l’index BT01 (bâtiments résidentiels et non résidentiels)

Des facteurs explicatifs des prix multiples et différents selon les pays

Afin de caractériser les facteurs explicatifs des coûts, une fiche détaillée a été élaborée pour chacun des matériaux/équipements. Chaque fiche détaillait les éléments suivants :

* Choix du matériau ou équipement de référence

* Le niveau de prix par pays du matériau ou équipement retenu

* Discussion des différences de prix observées à partir de 6 clés de lecture :

- Constitution de la chaîne de valeur

- Environnement concurrentiel

- Niveau de maturité des éléments considérés

- Descriptif technique

- Construction des prix

- Réglementation

* Synthèse : un tableau présentant le classement des pays par niveau de prix et les principaux facteurs influençant les prix « fourni/posé ».

Le choix de ces six clés de lecture était indispensable pour pouvoir remettre les prix dans des contextes nationaux et préciser ce que reflétaient ces prix.

À titre d’exemple, le tableau 3 synthétise le récapitulatif de l’ensemble des éléments repérés en ce qui concerne la maçonnerie. Des tableaux similaires ont été réalisés pour chacune des huit autres entrées, démontrant une grande variabilité des facteurs explicatifs des prix selon les pays.

Distribution des coûts de construction au Danemark, en France, Italie et Allemagne (2010)

Distribution des coûts de construction au Danemark, en France, Italie et Allemagne (2010)

La position de la France: des prix similaires aux prix allemand, généralement plus faibles qu’au Danemark mais souvent plus élevés qu’en Italie

À l’issue de cette analyse comparée, matériau par matériau, et selon ces 6 clés de lecture, il apparaît pour chaque pays des profils de prix très différents.

Sur l’ensemble des matériaux et équipements étudiés (Figure 4), il ressort que :

· Le Danemark apparaît clairement comme le pays où les prix des matériaux et équipements sont les plus chers. Les prix relevés sont systématiquement plus élevés qu’en France, à l’exception de l’isolation des toitures.

· Le marché danois des matériaux de construction est dominé par l’amont avec une concurrence limitée au sein de fabricants et des distributeurs et une utilisation très développée des marges arrière avec des méthodes de construction des prix particulièrement opaques. Les prix danois sont également désavantagés par un coût de la main d’œuvre élevé et de fortes exigences en termes d’efficacité énergétique qui induisent souvent à la fois des matériaux plus performants et une pose plus compliquée.

· Tous les prix allemands sont similaires ou inférieurs aux prix français, à l’exception de la ventilation mécanique – très peu développée outre-Rhin et qui ne constitue donc généralement pas un poste de coût - et des chaudières – pour lesquelles il existe un niveau de service supérieur inclus dans le prix.

· Les prix italiens des matériaux et équipements de l’étude sont globalement les plus bas de l’étude. Ils sont tous sont inférieurs aux prix français, à l’exception des fenêtres PVC (mais celles-ci sont peu répandues en Italie et il existe sur le marché une forte variation des prix).

Plus globalement, si on calcule un indice global indicatif du coût de construction lié aux matériaux et équipements étudiés, les prix français apparaissent comme supérieurs à l’Italie et sensiblement similaires à l’Allemagne. Ils restent très inférieurs aux niveaux observés au Danemark, qui sont parmi les plus élevés d’Europe.

Synthèse des principaux facteurs influençant les prix « fourni/posé » pour la maçonnerie

Synthèse des principaux facteurs influençant les prix « fourni/posé » pour la maçonnerie

Quels leviers permettant d’agir sur les coûts de la construction

L’approche globale permet un premier classement des pays entre eux mais ne permet pas une identification et une explication précise des distorsions des prix de la construction.

Cependant, une analyse au niveau des filières permet d’identifier 3 principaux leviers ayant un impact sur l’organisation et la structuration de filière et par conséquent, sur le coût des matériaux de construction.

La formation

Les filières qui reposent sur la mise en œuvre de nouvelles technologies ou sur la mise en œuvre de techniques « de pointe » sont particulièrement sensibles au savoir-faire des professionnels.

Une main d’œuvre insuffisamment qualifiée entraîne des surcoûts notamment en termes de compétitivité au niveau de la pose, mais elle entraîne également des problématiques de sous- performance et enfin des défauts de qualité (retour sur chantier, litige...). Plus globalement, l’introduction de matériaux ou bien d’équipements mal maîtrisés et/ou mal posés, entraîne inexorablement une désaffection du marché pour ces produits (exemple des systèmes de pompe à chaleur et d’isolation thermique par l’extérieur dans les années 1970).

À court terme, un défaut de formation ne peut pas être directement lié à une distorsion de prix entre les pays. Néanmoins, à plus long terme, la présence d’une main d’œuvre formée garantit la mise en place de filières compétitives où les coûts de pose ou d’installation sont parfaitement optimisés.

Il existe un enjeu imminent aujourd’hui sur l’isolation thermique par l’extérieur qui est une filière émergente en France. Techniquement, cette filière nécessite un changement profond au niveau de la pose (« passage du centimètre au millimètre »). La pérennité de cette filière est clairement liée à sa capacité à former une main d’œuvre qualifiée et nombreuse afin de soutenir son développement et garantir un taux de pénétration élevé.

La politique de subvention

Une réflexion sur la politique de subvention, aussi bien sur sa légitimité que sur la stratégie d’attribution, à savoir le montant, la durée ou encore le retrait, est aujourd’hui nécessaire.

Les subventions accordées à une filière pour aider à son émergence peuvent avoir des effets aussi bien positifs que négatifs, suivant la manière dont elles ont été appliquées. Par exemple, l’historique de développement de la filière photovoltaïque en Allemagne s’oppose à celui de la filière française. L’instauration d’un tarif dégressif de rachat de l’électricité s’est accompagnée de la bonne structuration de la filière allemande et à un positionnement très compétitif. Face à cela, la France a accumulé du retard du fait d’un maintien des tarifs de rachat élevés combinés à des crédits d’impôt qui n’ont finalement profité qu’aux installateurs et non aux consommateurs. En conséquence, l’Allemagne apparaît beaucoup plus compétitive que la France sur cette filière. Les changements réglementaires engendrés par la mise en place de la RT 2012 auront un impact sur la mise en œuvre de l’enveloppe du bâtiment. Ces changements pourraient favoriser la mise en place ou le renforcement de certaines filières émergentes, comme la filière isolation thermique par l’extérieur. Dans ce contexte, la mise en place de subventions maîtrisées pourrait être considérée afin d’instaurer des filières stables et compétitives.

La question des marges arrière

La politique des marges arrière a une influence directe sur la constitution des prix et provoque des distorsions. Cependant, dans la plupart des cas et dans l’ensemble des pays étudiés, les marges arrière sont difficiles à quantifier. On constate notamment un marché danois des matériaux de construction dominé par l’amont avec une concurrence limitée au sein des fabricants et des distributeurs. L’utilisation des marges arrière y est très développée et les méthodes de construction des prix en sont, de ce fait, plus opaques. La France, où la distribution joue également un rôle prépondérant, connaît aussi ce type de phénomène. Il est néanmoins difficile de généraliser, le rôle de la distribution n’étant pas le même selon les filières..

Ces marges arrière sont parfois développées directement entre les fabricants et les professionnels installateurs. Les filières fondées sur la relation installateurs/fabricants (tel le secteur chauffage- climatisation en France) sont sans doute plus concernées que les autres.

En Italie, au contraire, on constate souvent une concurrence plus forte en amont, une distribution directe aux entrepreneurs et constructeurs plus développée, et une structure de prix plus transparente.

En général, il semble que les filières qui reposent sur des matériaux et des équipements pour lesquels la part de la pose est prédominante sont sujettes à des pratiques de marges arrière plus importantes. Ainsi, la filière chauffage et sanitaire connaît des pratiques de marges arrière moins importantes pour les chaudières que pour les radiateurs, dont le coût matériel est faible par rapport à la main d’œuvre nécessaire pour l’installation. Des marges arrière allant jusqu’à 60-70 % sont évoquées sans qu’il soit possible de statuer sur leur réelle importance.

En raison de ces pratiques différentes, l’approche globale ou par filière montre ses limites. Une investigation sur des matériaux et équipements ciblés permettrait d’approfondir la compréhension de ces politiques ainsi que les spécificités par type de filière.


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