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Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

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Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

Cet article retrace la publication de la revue Nature du 4 décembre mettant en évidence le sophisme de la fracturation du gaz de schiste intitulée « THE FRACKING FALLACY », ainsi que les conclusions de l’étude « Drilling deeper » menée par J. David Hugues du Post Carbon Institute.

Dans une actualité toujours très abondante, non avare de sermons sur la déontologie médiatique soucieuse de son usage plus que de son image pour se confondre avec celui de la morale et de ses injonctions dans ce qu’il faut faire ou ne pas faire, le jeu de l’éthique structuré autour d’un consensus du vide sert à combler un manque d’information s’acharnant à nous faire croire que le mirage de l’or noir est éternel et souverain. Alors peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

Deux études américaines apportent de la substance en matière de connaissance sur les signaux de fumées provenant des profondeurs de la terre des amérindiens.

Celle intitulée « Drilling deeper », publiée par J. David Hugues du Post Carbon Institute, est particulièrement intéressante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est ce même David Hugues qui en décembre 2013 avait établi que les projections faites au sujet du gisement californien de Monterrey étaient complètement erronées et très, très en deçà de la réalité. Quelques mois plus tard, l’Agence Américaine de l’Énergie a revu son scénario et abaissé le volume techniquement récupérable de… 95,6 % ! Sa dernière étude qui scrute les 12 gisements représentant 82% de la production d’huile de schiste et 88% de la production de gaz de schiste des États-Unis selon les prévisions publiées par l’Agence Américaine de l’Énergie pour 2040 révèle un constat sidérant que le pic de production d’huile de schiste pour ces grands gisements interviendra avant 2020. La réalisation de l’étude s’est axée autour de la représentation de l’ensemble des informations disponibles sur la production de ces gisements, évalue les données historiques de production, les taux de déclin de la production. Les projections de la production future sont ensuite effectuées sur la base des taux de forage prévus. La production d’huile de schiste et de gaz de schiste est jugée non pérenne à moyen et à long terme en comparaison des projections très optimistes établies par l’Agence Américaine de l’Énergie.

L’étude précise également qu’à moins de nouvelles découvertes majeures de l’ampleur des gisements de Bakken ou Eagle Ford, la production sera bien en dessous des prévisions de l’AAE pour 2040. La production de pétrole à partir des deux premiers gisements de Bakken et Eagle Ford aura un rendement de 28% inférieur au scénario de référence de l’Agence Américaine de l’Énergie pour la période 2013 à 2040. Quant à la production en gaz de schiste, celle réalisée à partir des 7 gisements les plus rentables arrivera à son apogée également avant 2020. Sauf nouvelles découvertes majeures de l’importance du gisement de Marcellus, la production sera bien en deçà des prévisions de l’Agence Américaine de l’Énergie pour 2040. La production de gaz de schiste à partir des sept premiers gisements de Bakken et Eagle Ford aura un rendement de 39% inférieur au scénario de référence de l’Agence Américaine de l’Énergie pour la période 2014 à 2040. Et à l’horizon 2040, les taux de production devraient êtrre inférieurs d’environ un tiers aux prévisions de l’Agence Américaine de l’Énergie. Pour répondre au scénario de référence de l’AAE, il faudrait que la production de gaz de schiste pour les sept gisements soit quatre fois supérieure aux projections estimées par l’Agence Américaine de l’Énergie.

En guise de conclusion, l’étude montre qu’une fois de plus, elle fait « la démonstration que l’investissement dans les énergies fossiles en général et les hydrocarbures non conventionnels en particuliers n’est que pure spéculation et vision à court terme. »

S’agissant de la deuxième enquête menée par la revue Nature, elle s’interroge sur les prévisions publiées par les organismes d’État, les cabinets conseils et de les opposer à celles effectuées par une équipe pluridisciplinaire de l’Université du Texas à Austin. Le gaz abondant pendant des décennies est très probablement une chimère qui ne fait qu’alimenter la spéculation. Ainsi, cette étude pose seules les questions de prévisions à examiner. Elle ne s’attarde pas aux conséquences désastreuses de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste.

L’étude prend à son compte les grands sermons du président américain Barack Obama qui se gargarise d’un avenir florissant pour l’industrie pétrolière américaine en affirmant, bien sûr de lui que l’Amérique dispose de quantités de gaz pouvant assurer un approvisionnement pour près de 100 ans». Erreur logique ou faute éthique ?

Empreint d’optimisme, l’étude estime qu’aux USA, le développement de la fracturation hydraulique a permis de produire à un prix relativement bas du gaz naturel extrait de la roche compacte connue sous le nom de « schiste », ainsi naissaient les termes amplement repris, « révolution du schiste », « abondance énergétique ». Cette bulle entraine l’accélération d’investissements et pousse les entreprises à miser sur d’éventuelles prévisions de gaz naturel « abondant » et pas « cher ». L’étude explique qu’à cours et moyens termes, l’industrie et les producteurs d’électricité des États-Unis devraient investir des centaines de milliards de dollars dans de nouvelles usines qui comptent sur le gaz naturel. Et des milliards de dollars de plus affluent dans la construction d’installations d’exportation qui permettront aux États-Unis d’acheminer le gaz naturel liquéfié vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud.

Malheureusement, comme l’explique l’étude, tous ces investissements sont basés sur l’hypothèse que la production de gaz des États-Unis va croitre pendant des décennies, en droite ligne avec les prévisions officielles de l’EIA (Agence américaine de l’énergie). Adam Sieminski, le directeur de l’agence déclarait l’année dernière: « Pour ce qui concerne le gaz naturel, à l’EIA nous n’avons absolument aucun doute que la production puisse continuer à croître continuellement jusqu’en 2040. »

L’enquête poursuit et observe que les hypothèses soutenant de telles prévisions de croissance s’appuient sur des études globales basées sur les grands gisements de schiste. Hors, il est préférable d’avoir une observation in fine beaucoup plus minitieuse. Vers un fiasco majeur ? Pour Tad Patzek, chef du département pétrole, ingénierie et géo systèmes de l’Université du Texas à Austin, et membre de l’équipe qui effectue ses analyses approfondies, ces résultats sont de «mauvaises nouvelles». Avec les entreprises qui tentent d’extraire le gaz de schiste en quantités importantes, aussi vite que possible et pour l’exportation, «nous assurons nous-mêmes la mise en place d’un fiasco majeur». Un fiasco retentissant aux conséquences réparties bien au-delà des frontières américaines…

Un fiasco logique, ou un fiasco éthique, dont l’idée centrale qui prévalait de la surabondance de gaz à pousser les chimères vers la fracture (hydraulique) pourtant couteuse. Mais les prix du gaz légèrement en hausse ont enflammé la bulle du schiste et donc du gaz.

Un succès de courte durée… Comme l’explique l’enquête, cette exaltation vers une 2ème ruée de l’or noir, elle le doit en partie au gisement de schiste dit gisement de Marcellus, qui s’étend à travers la Virginie de l’Ouest, la Pennsylvanie et New York. A travers des collines couvertes de forêts denses, les entreprises ont investi dans plus de 8000 puits sur plusieurs années, et poursuivent leurs forages au rythme de 100 de plus chaque mois. Chaque puits se développe verticalement sur environ deux kilomètres de profondeur avant de bifurquer à l’horizontale et de serpenter sur plus d’un kilomètre à travers le schiste. Le gisement de Marcellus fournit désormais 385 millions de mètres cubes de gaz par jour, ce qui est plus que suffisant pour fournir la moitié du gaz brûlé dans les centrales américaines. Une partie importante du reste de la production de gaz des États-Unis provient de trois bassins de schiste – celui de Barnett au Texas, le Fayetteville dans l’Arkansas et l’Haynesville, qui chevauche la frontière entre la Louisiane et le Texas. Ensemble, ces «quatre grandes» formations géologiques rasseblent plus de 30 000 puits et comptent pour les deux tiers de la production actuelle de gaz de schiste américain.

Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?
Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

Fort de ce boom, l’Agence américaine de l’énergie (EIA), dans ses Perspectives Annuelles de l’Energie de 2014 (Annual Energy Outlook 2014), le «scénario de référence » – basée sur une perspective d’augmentation graduelle des prix du gaz, lesquels resteraient toutefois relativement faibles – montre une production américaine croissante jusqu’en 2040, tirée par de fortes augmentations dans le gaz de schiste. Et dans ses dernières prévisions de référence, la production des quatre grands gisements devrait continuer à augmenter rapidement jusqu’en 2020, puis se stabiliserait en plateau pendant au moins 20 ans. Les autres gisements de gaz de schiste permettraient de prolonger le boom jusqu’en 2040

Ainsi, la revue Nature a pu étudier les projections réalisées par l’EIA pour chacun des différents gisements de gaz de schiste. Elle a ainsi pu constater que les analyses prévisionnelles de l’industrie pétrolière concernant la production de gaz de schiste s’approchent étrangement de celles effectuées par l’EIA. A ce titre, l’économiste Guy Caruso du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington DC, et qui est un ancien directeur de l’Agence déclare : « Les perspectives de l’EIA sont assez proches du consensus ».

Toutefois, comme l’étude de Nature le souligne, Ruud Weijermars, un géologue à la Texas A&M University à College Station estime que ces consultants ne mettent que rarement à disposition les détails de leurs prévisions. « Il est donc difficile d’évaluer et de discuter de leurs hypothèses et méthodes».

C’est donc, à travers ce prisme d’une erreur logique qu’une douzaine de géologues, d’ingénieurs pétroliers et d’économistes de l’Université du Texas à Austin a passé plus de trois ans à effectuer un revue systématique de l’ensemble des études des principaux gisements de schiste. La recherche a été financée par un don de 1,5 million de dollars de subvention de la Fondation Alfred P. Sloan à New York, et les résultats ont été publiés progressivement dans des revues académiques(12 3 4 5) ainsi que dans des présentations lors de conférences. Ce travail est celui qui fait le « plus autorité » dans ce domaine jusqu’à présent, déclare Weijermars. Cette étude révèle que si les prix du gaz naturel devaient suivre le scénario produit par l’EIA dans son rapport annuel 2014, elle prévoit que la production des quatre grands gisements culminerait en 2020, puis déclinerait. En 2030, ces gisements produiraient alors seulement environ la moitié de ce que prévoit l’EIA. Même les scénarios les plus conservateurs de l’Agence semblent être plus élevés que les prévisions de l’équipe du Texas. « De toute évidence, elles ne sont pas vraiment en accord avec les résultats de l’EIA »ajoute Patzek.

La principale différence entre les prévisions de l’université texane et l’EIA provient du niveau de précision dans les recherches effectuées lors de chacune des évaluations. L’EIA décompose chaque gisement de schiste par comté, et calcule une productivité moyenne des puits de cette zone. Mais les comtés couvrent souvent plus de 1000 kilomètres carrés, une superficie assez grande pour contenir des milliers de puits horizontaux fracturés. L’équipe du Texas, en revanche, divise chaque gisement en blocs d’un mile carré (2,6 kilomètres carrés) – une résolution au moins 20 fois plus fine que celle de l’EIA.

En effet, le niveau de précision sur la résolution à travers chaque gisement est très important puisqu’il donne le paramètre de production sur des zones dites faciles, ‘’ the sweet spots’’ produisant beaucoup de gaz, où sur des zones plus vastes moins productives. En distinguant les ‘’zones faciles’’ des zones ‘’marginales’’, comme l’a fait l’étude du Texas, la prédiction de l’avenir peut se mesurer qualitativement, en tout cas mieux dans le passé »…

De plus, l’enquête menée par la revue Nature montre également que la différence entre les études du Texas et celles de l’EIA correspondent à la caractérisation du nombre total de puits pouvant être économiquement rentables à forer dans chaque gisement. En effet, selon l’analyse un gisement peut exiger, en fonction de sa quotité, un nombre certains de puits à forer, hors il est difficile, dans le cas d’un gisement étendue géographiquement, de forer en milieu urbain ou en milieu marécageux. Ainsi, les analyses de l’EIA ressemblent plus à un miroir dans lequel on voudrait y croire que celles d’une réalité logique.

L’étude du Texas est prise très sérieusement puisque Richard Nehring, un analyste du pétrole et du gaz au Nehring Associates à Colorado Springs, qui gère une base de données des champs de pétrole et de gaz largement utilisée, précise que l’approche de l’équipe Texane correspond à ce qui doit être fait pour effectuer l’évaluation des ressources non conventionnelles.

Conclusion, quelles que soient les études, les prévisions des gisements de schiste demeurent laborieuses à réaliser et surtout incertaines, en partie parce que les technologies et les approches de forage évoluent rapidement. L’enquête Nature note que dans les sites les plus récents, les entreprises travaillent encore sur les meilleurs endroits à forer [sweet spots]. Et il est encore difficile de savoir avec précision comment les puits vont se comporter et interférer significativement avec d’autres.

Alors boom ou fiasco ? Pour le chef du département pétrole, ingénierie et géo systèmes de l’Université du Texas, Tad Patzek, que la production réelle pourrait s’avérer plus faible que les prévisions faites par l’équipe. Il parle d’un « pic de production au cours de la prochaine décennie qui serait suivi d’un déclin rapide. C’est à ce moment que les États-Unis connaîtront un réveil brutal ». Il s’attend à ce que les prix du gaz augmentent fortement, et que le pays finisse par construire plus d’usines et de véhicules qu’il sera en mesure de faire fonctionner. « Au fond peu importe ce qui se passe et comment ça se déroulera, dit-il, mais ça ne peut pas être bon pour l’économie américaine ».

Tout s’apparent à « une sorte d’estimation au doigt mouillé ». Ces chiffres de l’EIA sont donc «extrêmement discutables». Ainsi, les évaluations du cabinet ARI faites pour la Pologne, qui estime qu’il s’agit du pays disposant des plus larges ressources en Europe. Entre 2011 et 2013, IRA a revu à la baisse son estimation pour les zones les plus prometteuses de la Pologne d’un tiers, indiquant que certains puits d’essai avaient produit moins que prévu. Au même moment, l’Institut géologique polonais faisait sa propre étude(6) ,concluant que les mêmes régions détenaient moins d’un dixième du volume de gaz de schiste estimé par le cabinet ARI.

Si la production de gaz aux États-Unis s’épuise plus rapidement que prévu – ou que l’opposition à son exploitation se renforce – des pays comme la Pologne seront moins susceptibles de connaître un boom du schiste, disent les experts.

Cependant et pour le moment, l’optimisme sur le gaz de schiste règne particulièrement aux États-Unis. Et c’est bien ce qui inquiète certains experts en énergie. « Il existe une énorme incertitude», dit Nehring. « Le problème c’est que les gens disent, ‘Donnez-moi un certain chiffre’. Et les chiffres, même s’ils sont faux, sont beaucoup plus réconfortants ».

Autrement dit, selon où l’on se situe, si croire est inévitable, on parlera d’erreur logique à la croyance du dieu de l’or noir, et de faute d’éthique pour répondre faussement au névrosé de l’or noir afin de persister dans cette croyance chimérique….

Peut-on parler d’erreur logique ou de faute éthique quant au mirage du gaz de schiste ?

Source: Nature 516, 28–30 (04 décembre 2014)

1-Patzek, T. W., Male, F. & Marder, M. Proc. Natl Acad. Sci. USA 110, 19731–19736 (2013). Article PubMedChemPort Show context

2-Browning, J. et al. Oil Gas J. 111 (8), 62–73 (2013). ISI

3-Browning, J. et al. Oil Gas J. 111 (9), 88–95 (2013). ISI

4-Browning, J. et al. Oil Gas J. 112 (1), 64–73 (2014). ISI ChemPort

5-Gülen, G., Browning, J., Ikonnikova, S. & Tinker, S. W. Energy 60, 302–315 (2013). Article ISI

11-Assessment of Shale Gas and Shale Oil Resources of the Lower Paleozoic Baltic–Podlasie–Lublin Basin in Poland — First Report (Polish Geological Institute, 2012); available at http://go.nature.com/lw8fg7 Show context


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