SPECIAL QUANTUM DOT : UN MARCHE EN CROISSANCE EXPONENTIELLE
La genèse d’une nano-révolution aux multiples usages, le Quantum Dot a un potentiel de croissance important.
Une étude de marché publiée en janvier 2014 par la firme Markets and Markets (M&M) estime le marché des quantum dots à 108 millions de dollars (78,5 M€) en 2013 et pronostique un volume de 3,4 milliards de dollars (2,47 milliards d’euros) pour 2020. Le taux de croissance annuel moyen serait de 71%.
De son côté, une autre étude de marché sortie en avril 2014 et réalisée par BCC Research annonce un marché des QDs de 121 M$ (87,4 M€) en 2013 et prévoit un chiffre d’affaires de 1100 M$ (795 M€) dès 2016 et de 3100 M$ (2240 M€) en 2018. Ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 91%.
Ces deux sources envisagent donc une évolution explosive du marché des QDs, qui dépasserait donc les 3 milliards de dollars dès 2020 ou même dès 2018.
Les deux études sont d’accord sur un point, le secteur d’applications dominant sera, du moins à court terme, celui des écrans (téléviseurs, ordinateurs, tablettes, portables). M&M prévoit ainsi un chiffre d’affaires de 2,46 milliards de dollars (1,78 milliard d’euros) pour ce secteur en 2020. Ajoutons que QD Vision, qui connaît bien le sujet puisqu’elle fournit Sony, prévoit de son côté un marché de 2 milliards de dollars dès 2014.
Ces perspectives ont déjà suscité quelques vocations. Parmi les success stories du quantum dot, il faut d’abord citer celle de QD Corporation. Fondée en 1998 pour industrialiser les QDs mis au point dans l’équipe de Paul Alivisatos au Lawrence Berkeley National Laboratory, QD Corp. trouve rapidement 37,5 M$ de fonds et commercialise en 2002 le premier biomarqueur à QD. Indice de l’intérêt que porte l’industrie à cette percée technologique, le pionnier QD Corp. est racheté dès 2005 par Invitrogen, qui est lui même marié en 2008 à Applied Biosystems pour devenir Life Technologies, à son tour racheté en 2013 par Thermo Fisher Scientific, leader mondial des instruments et réactifs médicaux et scientifiques, qui réalise 17 milliards de dollars (12 milliards d’euros) de chiffre d’affaires.
Autre success story édifiante, celle de QD Vision (Lexington, MA), créée par des chercheurs du MIT en 2001. Elle lève en tout 75 M$ et présente en 2006 le premier écran à quantum dot, et se retrouve dès 2013 fournisseur de Sony pour équiper de la technologie Color IQ ses modèles haut de gamme Triluminos. De son côté, Nanosys (Milpitas, CA) a été créée également en 2001 par des chercheurs de l’Université de Berkeley, dont Paul Alivisatos. Elle a levé depuis quelque 150 M$ de fonds. Sa technologie QDEF est aujourd’hui incorporée dans un produit grand public, la dernière génération de tablettes Kindle Fire HDX d’Amazon.
Pour compléter le tableau, citons une aventure européenne. Nanoco (Manchester, GB) est issue d’équipes de chercheurs de l’Université de Manchester et de l’Imperial College de Londres. Depuis sa création en 2001 elle a levé 25 M$. Nanoco s’intéresse notamment aux QDs sans cadmium, pour lesquels elle a signé un accord de licence exclusif avec le géant de la chimie Dow Chemical. Ses produits visent les marchés des écrans, de l’éclairage et de l’énergie solaire.
Les Frenchies du Quantum Dot :
L’EQUIPE DE L’ESPCI PARISTECH
En 2002, Benoît Dubertret obtient un poste CNRS à l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris (ESPCI ParisTech). Il vient de finir un post-doc de quatre ans et demi à l’Université Rockefeller (NY, NY) auprès d’Albert Libchaber, l’un des spécialistes des quantum dots, encore peu nombreux à cette époque.
Benoît Dubertret en est persuadé, les quantum dots représentent un sujet promis à un avenir radieux. Les applications sont innombrables, les débouchés représentent des milliards. Il vient lui-même de réaliser un petit exploit en publiant la première utilisation biologique de QD in vivo.
En France, les QDs n’ont pas encore suscité beaucoup de vocations. On ne compte guère que les équipes de Peter Reiss au CEA de Grenoble, et de Maxime Dahan à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm (Paris), les deux depuis 2000. L’ESPCI ParisTech accueille favorablement la proposition de Benoît Dubertret de créer de toutes pièces une nouvelle équipe autour du thème des quantum dots, au sein du Laboratoire de Physique et Études des Matériaux (LPEM).
Benoît Dubertret construit brique après brique à partir de 2002 l’équipe qui deviendra connue sous ce nom qui fait irrésistiblement penser à un groupe de rock : les Parisian Quantum Dots. Pour en savoir plus : blog.espci.fr/qdots
Benoît Dubertret passe un temps significatif à rechercher des financements. Il a réussi à réunir plusieurs millions d’euros qui lui permettent d’offrir aujourd’hui aux 25 chercheurs qui travaillent dans son équipe un équipement et des conditions de travail qui leur permettent de poursuivre des recherches de niveau mondial et de publier dans les meilleures revues à comité de lecture. L’équipe a maintenant atteint un niveau de maturité qui permet à chacun de mener ses recherches en obtenant ses financements.
DES AVANCÉES DE PREMIER PLAN
En 2008, l’équipe publie la production des premiers QDs en deux dimensions, en forme de plaquettes.
C’est devenu l’une des spécialités de l’équipe qui continue à développer ce matériau doté de propriétés optiques et électroniques uniques, comme par exemple un spectre d’émission particulièrement étroit (7-10 nm contre 20-30 nm pour les QDs ordinaires).
Toujours en 2008, l’équipe répond à une question jusque-là ouverte. Observé individuellement, un quantum dot n’émet pas de façon permanente, mais au contraire « clignote ». Le phénomène est-il incontournable ? Non, il est possible de réaliser des QDs non clignotants, répond un article publié par Benoît Mahler, un doctorant de l’équipe, en même temps que les travaux similaires d’une équipe du Los Alamos National Laboratory.
L’équipe de l’ESPCI ParisTech est finalement devenue l’un des porte-drapeaux de la recherche sur les quantum dots en France. Elle est bien entourée. À Grenoble, notamment, l’équipe Semiconductor Nanocrystals Quantum Dots dirigée par Peter Reiss, au sein de l’INAC du CEA, fait également parler d’elle (http://inac.cea.fr/spram/NanoX/). Peter Reiss est d’ailleurs co-président de la conférence 30 years of Colloidal Quantum Dot.
Benoît Dubertret
En 1994 après son diplôme d’ingénieur, Benoît Dubertret part comme volontaire du service national au MIT pendant 18 mois. À son retour, il passe en 1998 une thèse à l’Université de Strasbourg puis part effectuer un post-doc à l’Université Rockefeller pendant quatre ans et demi, auprès d’Albert Libchaber, l’un des quelques spécialistes des quantum dots à cette époque. Il publie avec lui la première utilisation de QD dans un contexte d’imagerie in-vivo. De retour en France, il obtient en 2002 un poste CNRS à l’ESPCI ParisTech, qui l’aide à créer une équipe sur les quantum dots, laquelle compte 25 chercheurs aujourd’hui.
Le 5 février 2010, Jacques Lewiner, directeur scientifique honoraire de l’Espci Paristech, crée avec quelques proches la start-up solarwell sas. L’objectif est de développer des matériaux, des technologies et des brevets pour une première ligne d’applications dans le domaine des cellules photovoltaïques. Très vite, il apparaît que d’autres secteurs industriels doivent être explorés. La start-up basée à l’ESPCI et avec laquelle plusieurs conventions et contrats sont signés, recrute des jeunes docteurs brillants et élargit le champ des applications. Sont ainsi envisagés les marqueurs pour les biotechnologies, les systèmes d’affichage, le stockage d’électricité, les capteurs, etc... La start up change de nom et devient Nexdot.
LA START-UP COUVÉE À L’ESPCI PARISTECH PRÉPARE SON ENVOL
Les travaux sont menés avec enthousiasme et Nexdot qui a déposé 13 familles de brevets est maintenant prête à sortir de l’ombre. Nexdot emploie une dizaine de personnes dont 4 jeunes docteurs et 3 doctorants.
Nexdot complète actuellement son portefeuille de brevets de manière à être en mesure de proposer à ses futurs partenaires industriels des solutions abouties prêtes à être appliquées.
Arrivant dans un secteur ou des pionniers travaillaient depuis 30 ans, Nexdot a choisi de porter ses travaux de recherche dans deux directions principales, à savoir l’élaboration et la caractérisation de nano cristaux bi-dimensionnels (nano plaquettes) et la chimie de surface applicables aux nanoparticules pour permettre par exemple le greffage de protéines, d’anticorps etc...
Les plaquettes offrent divers avantages dont un pic d’émission particulièrement étroit : 7-10 nm contre 20-30 nm pour les QDs ordinaires. Cette pureté spectrale est très intéressante par exemple pour la réalisation d’écrans offrant une large palette de couleurs. Pour les applications médicales, elle permet de plus la production d’un grand nombre de biomarqueurs de couleurs différentes.
Par ailleurs, parce qu’elles offrent une énorme surface par rapport à leur volume, les plaquettes se prêtent bien à la réalisation de dispositifs de stockage de l’électricité, notamment des supercondensateurs.
UNE BOÎTE À OUTILS POUR CRÉER PLUS VITE DES QDs FONCTIONNELS
La plupart des formidables applications envisagées pour les quantum dots supposent que l’on soit capable d’y accrocher une ou des molécules - des ligands - ayant une affinité pour une cible et permettant ainsi au QD de s’y fixer. La cible peut être une molécule spécifique de certaines cellules, par exemple cancéreuses. Pour une application où il s’agit de détecter et visualiser par fluorescence des cellules cancéreuses, il faut mettre au point un ligand spécifique, susceptible de s’attacher au QD d’un côté et à une molécule spécifique du cancer de l’autre. Un travail qu’il faut a priori refaire pour chaque nouvelle application.
Un travail fastidieux. Sauf si l’on sait réaliser un ligand capable de s’attacher au QD et muni à l’autre extrémité d’une sorte de prise universelle, sur laquelle il sera facile d’accrocher un second wagon, spécifique de l’application. On appelle cette approche le couplage universel. Nexdot travaille à la mise au point d’une telle boîte à outils. Grâce à sa culture mixte physique ET chimique et même biologique, l’ESPCI ParisTech offre un cadre favorable à l’avancement de ce genre de travaux. Un savoir-faire que Nexdot proposera d’ici un an à ses partenaires industriels et qui leur permettra d’accélérer l’industrialisation de leurs produits incluant des QDs.
UN FORMIDABLE TREMPLIN : LE FONDS DE L’ESPCI GEORGES CHARPAK
La ville de Paris, l’ESPCI ParisTech et l’AIE, ont créé le fonds de l’ESPCI Georges Charpak, un dispositif unique pour encourager la création de start-up par les chercheurs, créé à l’initiative de Jacques Lewiner, aujourd’hui directeur scientifique honoraire de l’ESPCI ParisTech. Une jeune pousse créée dans ce cadre bénéficie de nombreux avantages. Le Fonds Charpak, tout d’abord, réagit en deux à quatre semaines à une sollicitation d’un chercheur. Il assiste les sociétés dans leur gestion administrative et réglementaire, ne demande aucune contrepartie comptant mais seulement des royalties modérées, et offre un accès aux équipements nécessaires et quelques mètres carrés dans l’École. Tout cela contre... 5% du capital. Sept start-up ont déjà été créées dans ce cadre. L’une d’elles a déjà fait l’objet d’une proposition de rachat pour 30 M€.
UNE ÉQUIPE JEUNE, UNE DIRECTION EXPÉRIMENTÉE
Nexdot emploie une dizaine de personnes pour la plupart de jeunes chercheurs issus de l’ESPCI ParisTech ou d’autres écoles. Mais cette jeune pousse s’est choisie pour président un dirigeant d’entreprise expérimenté, en la personne de Maurice Guillou, qui a été jusqu’en 2008 le Directeur Général Adjoint du Groupe Spie batignolles, qui affiche un chiffre d’affaires de 1,8 milliards d’euros.
SPECIAL QUANTUM DOT : GENESE D'UNE NANO-REVOLUTION - Le blog de l'habitat durable
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