Le temps pour Caen de remunicipaliser sa gestion de l'eau...
Après l'article sur Le temps est venu de remunicipaliser un service public essentiel celui de l’eau…, et après Rennes, c'est donc autour de la Ville de Caen de rompre le contrat qui la liait avec Véolia dans le cadre de la gestion de l'eau.
L’une des missions de la Ville de Caen étant de fournir à ses habitants une eau de qualité en quantité suffisante et permanente, la Ville vient de trancher sa stratégie et des investissements qu’elle souhaite engager pour l’eau potable.
En 1992, La Ville de Caen avait confié l’exploitation de l’eau potable (sa production, sa distribution et la maintenance de ses réseaux), à un gestionnaire spécialisé privé par une Délégation de Service Public, à Véolia Eau plus précisément, qui met en œuvre la stratégie définie par la ville et lui rend compte de son activité.
Pour rappel :
Le réseau a en charge la production d’eau. Il est composé de 31 membres et représente 117 communes soit 327 000 habitants.
La Ville de Caen a adhéré, fin 1999, à réseau (Syndicat Mixte de Production d’Eau Potable de la Région de Caen). Par arrêté du 20 décembre 2013, la compétence de production d'eau potable de l'ensemble des collectivités membres a été transférée à Réseau, à compter du 1er janvier 2014.
Caen la mer a en charge l’assainissement :
Depuis le 1er janvier 2003, Caen la mer, dans le cadre de la compétence « eaux usées », est chargée sur les 29 communes de l’agglomération de collecter, transporter et traiter les eaux usées avant de les restituer au milieu naturel grâce à une série d’équipement dont elle a en charge l’exploitation, l’entretien et le renouvellement.
• 4 stations d’épuration
• 1098 km de réseaux de collecte (hors branchement)
• 188 km de réseaux hydrocurés en 2013
L’arrêt Olivet
En 2009, un arrêt du Conseil d’Etat, dit « arrêt Olivet », a remis en cause la durée des contrats . Il précise que les lois Sapin (1993) et Barnier (1995) s’appliquent également aux contrats signés avant l’entrée en vigueur de ces mesures. Il en résulte qu'un contrat conclu avant 1995 et prévoyant une durée de plus de 20 ans devient caduc à compter du 3 février 2015 (sauf justificatifs particuliers).
Historique de la DSP eau, assainissement et pluvial de la Ville de Caen
Un contrat d’affermage de 30 ans à compter du 1er mars 1992 attribué à Véolia.
Un droit d’entrée de 30,5 M€ versé en 1992 et 1993 par Véolia à la Ville de Caen. Le financement de ce droit d’entrée a été intégré dans les charges d’exploitation de la délégation.
Instructions pour l’évaluation de la caducité
Le traitement des contrats de délégation de service public impacté par l’arrêt de la Commune d’Olivet est encadré par deux instructions :
• n°10-029-M0 du 7 décembre 2010
• n°14-0013 du 22 juillet 2014
Les instructions indiquent que la caducité d’un contrat ne peut être prononcée qu’une fois le délégataire ayant pu couvrir ses charges d’exploitation, être remboursé de ses investissements, et être rémunéré au titre des capitaux investis et de son activité.
Dans le cadre du contrat d’eau potable de la Ville de Caen, la caducité du contrat pourra être prononcée lorsque le droit d’entrée versé par Véolia aura pu être remboursé avec les intérêts correspondants.
L’appréciation de la juste rémunération du délégataire pour ses capitaux investis et pour son activité demeure toutefois assez floue et sujette à interprétation.
Avis du DRFIP * du 25 novembre 2013
Le DRFIP a estimé dans son rapport de novembre 2013 que le droit d’entrée versé par Véolia au titre de l’eau potable a été totalement remboursé avec le versement d’intérêts à hauteur de 5% en mars 2011
La méthode utilisée n’est toutefois pas conforme à la dernière instruction de juillet 2014 La méthode est également contestable financièrement
La Ville a saisi le DRFIP afin qu'il rende un nouvel avis au regard de l'instruction de juillet 2014. Dans son avis du 16 janvier 2015, il indique que le contrat liant la Ville à Véolia est caduc au 3 février 2015.
Toutefois, il précise qu'il y a des restes à amortir et qu'il n'a pas vocation à se prononcer sur le caractère raisonnable ou non de la rémunération qui relève des relations contractuelles. Cette appréciation relève de la seule collectivité.
* Direction régionale des finances publiques
Une caducité pouvant être prononcée au 31/12/2016
La caducité des contrats doit être appréciée de manière globale (Eau et Assainissement) car la répartition du droit d’entrée entre l’eau et l’assainissement (50%-50%) opérée unilatéralement par Véolia n’est pas conforme à la valeur économique de chaque délégation
La rémunération accordée à Véolia doit être inférieure à la normale (5%) du fait de la très forte baisse des consommations d’eau potable (-28%) et des redevances d’assainissement (-18%) depuis 1992 Véolia exploite à ses risques et périls et ne peut donc prétendre à percevoir un niveau de rémunération normal, alors que les recettes de la délégation se sont effondrées
L’arrêt du contrat Eau et Assainissement sur Caen au 31/12/2016 par les trois collectivités délégantes (RESEAU, Caen, Caen la Mer) permet d’accorder à Véolia :
• Le remboursement de ses investissements
• Un TRI de 2,26% au titre des capitaux investis
• Une marge bénéficiaire avant IS de 5%
Cette date du 31/12/2016 correspond en fait au moment où Véolia aurait perçu un TRI de près de 5% au titre des capitaux investis, si les consommations d’eau potable et les redevances d’assainissement étaient demeurées stables par rapport à 1992