Le Conseil d’État rejette la demande de suspension de l’arrêté du 30 octobre 2014 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité.
Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont actuellement arrêtés par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Les critères posés par la loi pour encadrer la fixation des tarifs ont évolué. Les tarifs devaient initialement couvrir les coûts complets, tels que constatés en comptabilité, d’Electricité de France (EDF). La loi du 7 décembre 2010 a ensuite ouvert une période transitoire pendant laquelle les ministres devaient, tout en continuant de répercuter les coûts complets d’EDF dans les tarifs, assurer aussi la convergence progressive de ceux-ci vers les coûts de fourniture de l’électricité à un prix de marché. Enfin, un décret du 28 octobre 2014 a mis fin à cette période transitoire à partir du 30 octobre 2014, et introduit pour l’avenir une nouvelle méthode de calcul des tarifs dite « par empilement ».
C’est dans ce nouveau cadre juridique que, par un arrêté du 30 octobre 2014, les ministres chargés de l’énergie et de l’économie ont fixé de nouveaux tarifs réglementés « bleus » (pour les clients résidentiels et les petites entreprises), « jaunes » (pour les entreprises moyennes) et « verts » (pour un petit nombre d’entreprises fortement consommatrices d’une électricité délivrée sous haute tension) de vente de l’électricité.
L’association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), estimant que ces tarifs n’avaient pas été fixés à des niveaux suffisamment élevés, a demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre cet arrêté.
La suspension provisoire d’une décision administrative est accordée par le juge des référés si les deux conditions prévues par l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont remplies : d’une part, il faut que le requérant soulève une contestation de la légalité de l’acte attaqué qui apparaisse au juge des référés, au moment où il se prononce, suffisamment sérieuse pour justifier qu’on en suspende l’exécution en attendant le jugement définitif de l’affaire, d’autre part, il faut une situation d’urgence.
Le juge des référés a considéré que la plupart des critiques formulées par l’ANODE ne faisaient pas, à ce stade du litige, douter de la légalité des tarifs. Il a en particulier rappelé que, dans l’état du droit désormais applicable, les tarifs réglementés ne doivent plus nécessairement couvrir les coûts d’EDF. C’est une différence avec le cadre juridique antérieur, au vu duquel le Conseil d’État a annulé de précédents tarifs (décisions Société Poweo du 1er juillet 2010, n° 321595 et Anode du 11 avril 2014, n° 365219). Le décret applicable prévoit désormais une simple obligation de « prise en compte » des coûts d’EDF. Le juge des référés a estimé que cette obligation n’avait pas été manifestement méconnue.
En revanche, le juge des référés a précisé que la fin de l’obligation de couverture des coûts d’EDF (fin de la période transitoire) ne supprimait pas, au moins pour une dernière fois, l’obligation fixée par la jurisprudence sous l’empire des anciens textes de procéder aux rattrapages des écarts observés entre les tarifs et les coûts d’EDF sur la période tarifaire précédente. Il a estimé que cette obligation, qui vise à respecter l’objectif de convergence fixé par le législateur, n’avait pas, à ce stade du litige, été manifestement méconnue concernant les tarifs « bleus » et « jaunes ». En revanche, le juge des référés a constaté que l’arrêté litigieux ne prévoyait aucun rattrapage tarifaire pour les tarifs « verts », alors que les écarts observés auraient justifié une hausse significative de ces tarifs. Il a souligné que, ces tarifs étant appelés à disparaître à compter du 31 décembre 2015, il n’était pas possible de s’en remettre à de futurs arrêtés tarifaires et que l’obligation en incombait donc bien au texte qui était contesté devant lui.
S’il existait, pour cette raison, un doute sur la légalité du niveau des tarifs « verts », le juge des référés a toutefois estimé que la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’était, les concernant, pas remplie.
Il a relevé que, puisqu’il n’était pas contesté que les différents tarifs étaient de nature à permettre une offre de marché à des tarifs garantissant une marge suffisante aux concurrents, la situation économique et financière des fournisseurs concurrents d’EDF ne pouvait pas être menacée au point que l’insuffisance d’un seul groupe tarifaire – les tarifs « verts » - requiert une suspension sans attendre le jugement définitif de l’affaire. Et cela alors même que leur prochaine disparition, en tant que tarifs réglementés, rendait inévitablement plus compliquée la réparation à laquelle auraient éventuellement droit les requérantes en cas d’annulation sur le fond. Il est en effet bien établi en jurisprudence que la seule perspective de difficultés d’exécution d’une annulation rétroactive sur le fond (tenant notamment, en l’espèce, au processus de refacturation aux clients à des tarifs plus élevés) ne crée pas par elle-même une situation d’urgence au sens de l’article L.521-1 du code de justice administrative.
A la différence des autres points contestés qui n’apparaissaient pas constitutifs d’illégalités en l’état du dossier, c’est donc pour défaut d’urgence que, sur ce dernier point, le juge des référés à écarté la demande de suspension de l’ANODE.
La requête en annulation de cet arrêté, dont le Conseil d’État reste saisi, sera examinée ultérieurement.
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