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Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

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Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

En 2013, le recul du trait de côte sur le littoral aquitain dépassait la barrière des 10 mètres, en 2014 cette barrière a atteint 20 mètres et parfois 40 mètres. Un phénomène devenu trop fréquent et inquiétant et qui s'aggrave en corrélation avec les activités humaines et les effets du changement climatique.

Une raison pour mener des actions de suivi et de prévention. Publié dernièrement par l’observatoire de la Côte aquitaine le bilan complet des tempêtes survenues entre décembre 2013 et mars 2014 a révélé que d’une manière générale, les 240 km de côte sableuse qui constituent la majeure partie du littoral aquitain, ont été fortement érodés.

L’évolution du littoral se décline selon des échelles de temps très variables qu’il revient au géologue de décrypter :

- Les phénomènes catastrophiques comme les tempêtes, sur une période très courte.

- A l’échelle du siècle : l’action lente de la mer (érosion, sédimentation), l’impact des activités humaines.

- Les effets du changement climatique à plus long terme.

- Les mouvements telluriques comme la tectonique des plaques à l’échelle de la centaine de milliers voire de millions d’années.

Le BRGM contribue à comprendre et prévoir l’évolution du littoral, en vue d’anticiper les risques. Ces risques sont principalement l’érosion et la submersion.

L’érosion côtière touche tous les types de littoraux, qu’ils soient sableux, vaseux ou bien rocheux. Elle résulte des effets combinés de la marée, de la houle et des courants induits, des vents et des processus continentaux, ainsi que du bilan sédimentaire côtier. Aménagements d’ouvrages ou opérations de rechargement, les activités humaines peuvent aussi intervenir. L’érosion marine se traduit généralement par un recul du trait de côte, dû à une perte de matériaux à la mer. L’érosion fragilise la base des ouvrages, attaque les cordons dunaires et peut augmenter le risque de submersion.

La submersion marine est principalement liée aux conditions de marée, de houles, de vent et de pression. Elle intervient de trois manières: par rupture d’ouvrages ou de cordons dunaires, par surverse ou par franchissements de paquets de mer. Elle est souvent temporaire mais parfois définitive si la topographie est modifiée ou par l’effet de surélévation du niveau moyen de la mer ou par affaissement de terrains. Dans ce cas, elle se traduit par un recul du trait de côte.

Le trait de côte, définition

Le trait de côte est défini comme le niveau des plus hautes mers dans le cas d’une marée de coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales : pas de vent du large, pas de dépression atmosphérique. Dans le cas des falaises, il s’agit de la zone à la limite de l’abrupt.

Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

Les côtes françaises à la loupe

Soulac-sur-Mer, Lacanau, dune du Pilat... Ces sites emblématiques reflètent la dynamique côtière en Aquitaine, le littoral étant en grande partie constitué de côtes sableuses (230 km). Le recul moyen est de 1 à 3 m/an avec des fluctuations parfois spectaculaires. A titre d’exemple, l’hiver 2013-2014 fortement tempétueux a connu des reculs ponctuels et temporaires du trait de côte atteignant plus de 20 m. Le BRGM opère des suivis réguliers depuis 1996 dans le cadre de l’Observatoire de la côte aquitaine (http://littoral.aquitaine.fr).

Autre exemple : le lido de Sète, plage sableuse cernée par deux côtes rocheuses. Cette situation géographique engendre de faibles apports sédimentaires, et l’érosion a été particulièrement forte lors des dernières décennies entraînant chaque année des destructions partielles de la route nationale et des infrastructures de plage. Thau Agglo a donc entrepris un projet d’envergure visant à relocaliser les aménagements présents afin de restituer une dynamique naturelle au site. La route nationale a été reculée, le cordon dunaire reconstruit, la plage élargie et protégée par des dispositifs expérimentaux de défense contre la mer (atténuateur de houle géotextile et drainage de plage). Afin d’évaluer l’efficacité de ces travaux et de mieux comprendre les mécanismes d’érosion, notamment lors des tempêtes, Thau Agglo et le BRGM ont déployé un système de suivi par vidéo qui permet d’obtenir des informations quantitatives sur la position du trait de côte, les morphologies sous-marines, la houle et les courants, à haute fréquence et en temps réel. Ce système installé en 2011 permet de caractériser l’érosion à moyen terme mais également les impacts lors des tempêtes, et met en évidence le rôle positif de l’atténuateur de houle dans la réduction des phénomènes d’érosion et de submersion marine. A tempête équivalente, on est ainsi passé d’un recul de 20 m (observé en 2011) à 10 m (observé en 2014).

Côté falaise, on peut enfin retenir le cas de Criel-sur-Mer en Seine-Maritime, le BRGM menant des programmes de recherches sur ce site depuis la fin des années 1990. On observe depuis cette période une forte accélération de l’érosion, avec sur certaines zones une multiplication par 3 des vitesses de recul si on compare les 20 dernières années à la moyenne du XXe siècle. Le souci majeur est que les aménagements (maisons, routes), qui au moment de leur construction étaient situés à une distance raisonnable de la tête de falaise, sont aujourd’hui menacés. Les recherches menées ont permis de mieux comprendre cette érosion, avec deux facteurs majeurs : un naturel, lié à un déficit de sédiments meubles protégeant le pied de falaise ; un autre anthropique, lié aux ouvrages de lutte contre l’érosion qui se sont multipliés le long de la côte durant la seconde moitié du XXe siècle. Les recherches se poursuivent pour mieux quantifier la responsabilité de ces facteurs d’accélération.

L’étude du littoral, une affaire aussi de géologue

Les géologues savent toute l’importance, dans l’histoire de la planète, des fluctuations marines. D’anciens rivages peuvent être observés à l’intérieur de nos continents. Les vastes bassins sédimentaires, où se concentre une large partie de la population, sont ainsi d’anciennes mers. Inversement, lors de la dernière glaciation il y a 20 000 ans, le niveau de la mer était inférieur de 120 à 130 mètres : la côte Aquitaine était une centaine de kilomètres plus à l’ouest et la Seine se jetait au niveau du Pays de Galle. La géologie des rivages actuels, qu’ils soient sableux ou rocheux, conditionne par ailleurs la nature même du littoral, avec des phénomènes particuliers induits par le continent (sédimentation des fleuves, mouvements telluriques...). Le littoral est enfin un lieu privilégié pour l’observation de phénomènes géologiques passés. On trouve par exemple les roches les plus anciennes de France, des gneiss datés d’environ 2 milliards d’années, sur les côtes du Trégor (Côtes-d’Armor) et au cap de la Hague (Manche).

Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

Le changement climatique aggrave les risques

On constate actuellement une accélération de l’augmentation du niveau de la mer due au changement climatique. Globalement, depuis 1870, ce niveau s’est élevé de 20 cm. Alors qu’il montait au XXe siècle au rythme de 1,7 mm par an, le niveau augmente désormais de 3,2 mm par an. Ainsi, à l’horizon 2100, les études prévoient une augmentation vraisemblablement comprise entre 50 cm et 1 m. Les conséquences de cette augmentation de niveau se feront sentir à la fois sur l’érosion des côtes et sur les risques de submersion des zones basses proches du rivage.

Concernant l’érosion, le sujet est d’ores et déjà préoccupant. La dernière étude visant à faire une synthèse de la situation vis-à-vis de l’érosion côtière à l’échelle de la France et de l’Europe menée en 2004 (Eurosion 2004) a montré que 20% des côtes sont en érosion pour toute l’Union européenne, représentant au total 15 km2 de territoires littoraux perdus chaque année (chiffres clés sur la France en page 2). Mais parmi les nombreuses causes qui provoquent un recul du trait de côte, l’augmentation de niveau n’est pas jusqu’ici le facteur le plus important. Cela pourrait changer avec l’accélération de l’élévation du niveau de la mer. Avec le changement climatique, il est généralement admis par la communauté scientifique en géomorphologie côtière que la crise érosive subie par les littoraux, et notamment par les plages, s’aggrave, même si les incertitudes associées aux impacts de l’élévation du niveau marin sont importantes et que les approches permettant une quantification de l’impact futur du niveau marin sur l’érosion restent à améliorer et valider.

Concernant le risque de submersion des zones côtières, il apparaît, en l’état des connaissances actuelles, que la remontée du niveau marin sera la cause principale d’aggravation de cet aléa. L’élévation du niveau marin pourra induire ou aggraver d’une part des submersions permanentes de zones basses (notamment de marais côtiers ou d’îles basses, entraînant alors leur disparition) et, d’autre part, des submersions temporaires liées à des tempêtes marines, autrement dit des inondations épisodiques de la zone côtière par la mer dans des conditions hydrométéorologiques sévères.

Des submersions plus importantes et plus fréquentes

Les submersions seront à la fois plus importantes et plus fréquentes. L’élévation du niveau aura en effet des impacts sur chacun des trois modes de submersion. D’abord sur le « débordement » : l'élévation du niveau moyen de la mer pourra faciliter la submersion par débordement ; ensuite sur les « franchissements par paquets de mer » : l'augmentation de la profondeur d'eau à proximité des côtes facilitera en effet la propagation de vagues d'amplitude plus importante augmentant ainsi le risque de franchissement des défenses naturelles ou artificielles (ouvrages) ; les risques de « rupture », enfin, seront eux aussi augmentés : les plus fortes vagues arrivant à la côte pourront générer des phénomènes d'érosion et de déstabilisation des ouvrages de défense, aboutissant à des ruptures.

Le principal problème soulevé par ces risques accrus de submersions temporaires est évidemment lié à l’aménagement croissant des zones côtières. En 50 ans, en Europe, la population établie dans les municipalités côtières a plus que doublé pour atteindre 70 millions d’habitants en 2001 et cette tendance perdure. La stratégie de maintien du trait de côte dans son état actuel représente un coût important : en Europe, les dépenses publiques consacrées à la défense contre la submersion et l’érosion ont atteint 3,2 milliards d’euros en 2001 et ne font que croître. L’élévation du niveau marin représente une pression additionnelle qui viendra, au cours du XXIe siècle, s’ajouter à une situation déjà préoccupante.

Dans ce contexte, la question de l’inadaptation aux aléas côtiers actuels ouvre la perspective d’actions « sans regrets » : de telles actions, en réduisant l’exposition et la vulnérabilité actuelle aux aléas côtiers, ont un bénéfice immédiat et constituent également un premier pas vers une adaptation au changement climatique. Eviter de construire sur des zones menacées en est un exemple. Par ailleurs, les politiques publiques de prévention des risques côtiers et d’aménagement du territoire commencent depuis quelques années à considérer l’élévation du niveau de la mer et le changement climatique.

Le littoral à la loupe, un milieu fragile soumis à l’érosion et à la submersion.

Mesures et calculs, des outils de suivi complémentaires

Le suivi et l’analyse des indicateurs de l’évolution côtière sont indispensables à la gestion du littoral. Ils s’appuient sur des méthodes de mesure et des outils de calcul spécifiques.

Le problème est bien plus complexe qu’il ne semble à première vue, la principale difficulté résidant dans le choix d’indicateurs qui soient parfaitement adaptés au contexte morphologique de chaque type de terrain : falaises, dunes, marais maritimes, récifs coralliens, mangrove... Transects (profils de plage ou de dunes), surface en 3D (reliefs), ou polygones (pour une morphologie donnée), le suivi du trait de côte ne se limite pas à la mesure d’une simple ligne de côte.

Une batterie d’outils pour les levés de topographie

C’est ainsi une véritable batterie d’outils de levés de topographie qui peuvent être mis en œuvre. Les plus nombreux sont les outils de levé au sol. Outre les traditionnels repères de terrain (poteaux plantés dans le sol, par exemple), un instrument très largement utilisé est le GPS. Il est très simple d’utilisation et peu cher mais souffre d’un relatif manque de précision sur la position (quelques mètres) et d’une précision insuffisante sur l’altitude. En combinant un GPS fixe et un ou plusieurs postes mobiles - on parle alors de DGPS, ou GPS différentiel – on améliore nettement la précision. Autre outil classique, le théodolite, très précis (voir illustration). Un cran au-dessus figure le scanner 3D ou Lidar terrestre (télédétection par laser, exemple d’application en encadré), donnant des images tridimensionnelles de haute résolution. S’y ajoutent le suivi photographique aérien ou au sol et l’imagerie vidéo. Pour étendre l’horizon temporel des mesures, des supports anciens, comme les photographies, sont effectivement utilisés. Cette panoplie est complétée par des mesures en mer basées sur des méthodes acoustiques pour la cartographie des fonds marins (levés bathymétriques, nature des fonds). Enfin, la télédétection spatiale (satellites Spot, Pléiades ou Terra SAR X) constitue une autre famille d’outils permettant en particulier de couvrir de larges zones.

En complément des mesures sont utilisés des outils de calcul informatiques et les modèles numériques.

Deux approches pour la modélisation informatique

L’approche peut être statistique : en s’appuyant sur les données observées sur plusieurs dizaines d’années, le modèle dresse une tendance probable pour les années à venir. Des travaux prospectifs de recul du trait de côte à l’horizon 2040 ont ainsi été menés en Aquitaine sur ce principe de calcul.

L’approche peut être plus physique, le programme ou code de calcul résolvant point par point sur le domaine étudié les équations d’hydrodynamique. De tels modèles étant utilisés à une échelle régionale ou sur des zones plus spécifiques, avec une précision allant jusqu’à 2 m. Le BRGM a exploité ce type d’outils de calcul notamment pour reconstituer la submersion engendrée par la tempête Johanna à Gâvres (56)

Ces outils de calcul sont largement alimentés par les mesures effectuées sur le terrain, notamment pour valider la cohérence des résultats obtenus.

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