Quand le climat change nos forêts aussi changent
Avec une nouvelle perspective importante du changement climatique délivrée notamment par le 5ème rapport du GIEC confirmant une hausse inéluctable du réchauffement climatique vient affecter en partie les lisères forestières.
Une étude de l’INRA, parue en 2012, a pu montré l’évolution des forêts françaises par rapport au changement climatique observé. Elle avait notamment pu mettre en évidence que les forêts peuvent muter et que certaines essences sont plus fortement touchées que d’autres.
Cette perspective nouvelle ouvre donc le champ de l’analyse sur la taille des arbres, la répartition des espèces, l’emplacement des zones boisées.
C’est à travers ces trois critères que l’IGN tente de les traduire.
En France les variations climatiques peuvent être illustrées par différents chiffres: un déplacement du climat de 200 km vers le nord en un siècle décrit par Moisselin (2002) et une remontée moyenne des espèces forestières de 65m par décennie mise en évidence par Lenoir (2009). Les températures minimales ont augmenté de 1,2°C, soit plus que les températures moyennes (0,9 °C) et les maximales (0,6 °C). Les précipitations sont en hausse dans le nord, en baisse dans le sud, augmentent en hiver et diminuent en été. Ces variations, les arbres les subissent déjà, et s’apprêtent à les subir longtemps encore. Comme tout être vivant, ils réagissent. À leur manière d’arbres...
EFFETS CONTRAIRES
Tout d’abord, l’augmentation des températures dans les régions où elle est limitante (altitudes et latitudes élevées) peut entraîner une plus forte croissance des arbres, en diamètre comme en hauteur. Des températures plus clémentes au printemps et à l’automne permettent aux arbres de produire plus de bois pendant une année : la période de végétation s’allonge.
Les arbres sont toutefois plus sensibles aux gelées tardives. Une augmentation de la température favorise aussi le développement des parasites.
L’augmentation des précipitations assure aux arbres un meilleur apport en eau. Mais il peut être néfaste à certaines espèces, qui n’apprécient pas un sol trop humide ;
À l’inverse, dans le sud du pays, la diminution des précipitations et la hausse des températures estivales provoquent un stress hydrique des végétaux. Il se traduit au minimum par un fort ralentissement de la croissance, voire par une perte de vitalité des arbres — au pire, on peut enregistrer une augmentation de la mortalité. Les données de l’inventaire forestier obtenues depuis 1958 traduisent déjà certaines de ces évolutions.
Lors des relevés de terrain, les opérateurs mesurent l’accroissement radial des arbres durant les cinq dernières années, ce qui permet d’évaluer la croissance des arbres durant cette période. Le pourcentage de branches mortes dans les houppiers est aussi relevé, ce qui permet de déceler de manière précoce certains dépérissements. Ces informations, combinées aux données climatiques, permettent de montrer l’évolution des espèces forestières selon l’essence, l’altitude, ou lors d’épisodes climatiques extrêmes, comme la canicule de 2003. Les 150 000 relevés floristiques effectués depuis les années 1990 permettent également d’apprécier l’évolution de la répartition des espèces végétales des écosystèmes forestiers. Un dépérissement peut correspondre à une perte de vitalité, une chute des feuilles ou des aiguilles, une décoloration du feuillage voire la mort de l’arbre. Les causes peuvent être naturelles, humaines ou combiner les deux.
MOINS DE HÊTRES, PLUS DE CHÊNES VERTS :
Les espèces forestières répondent de manières différentes aux changements climatiques. Cette variabilité entraine une modification de leurs aires de répartition. Aux limites sud et à faible altitude, des dépérissements et des mortalités sont à craindre, menant à une régression de l’espèce tandis qu’aux limites nord et en altitude, la productivité augmente : une expansion devient possible. Les variations sont modélisées à partir des préférences des espèces forestières en matière de sol et de climat, et de modèles d’évolution climatique. Dans le cas du hêtre, par exemple (voir cartes en haut de page), les zones de disparition risquent d’être largement supérieures à la surface de colonisation. Le hêtre verrait ainsi son aire de répartition considérablement réduite. D’autres espèces, notamment méditerranéennes, progresseraient.
Le temps de révolution des peuplements forestiers étant très long, les arbres plantés aujourd’hui seront pour la plupart encore présents en 2100. Il est donc indispensable d’adapter la sylviculture, en prévoyant aujourd’hui les changements de demain. Pour cela, une bonne connaissance des réactions des espèces forestières aux changements climatiques est nécessaire. Les données de l’inventaire forestier sont une bonne base pour ces études grâce à leur diversité et à leur méthode d’échantillonnage, systématique et annuel sur l’ensemble du territoire métropolitain. Elles permettent indirectement de guider les forestiers dans des choix d’essences adaptés au changement climatique pour constituer les peuplements à venir.