Le Rapport 2013 REX Bâtiments performants confirme que les désordres persistent...
Mise en œuvre hétéroclite pour l’isolation thermique, surdimensionnement d’équipements de chauffage, absences de locaux technique, etc… ne sont quelques désordres récurrents émanants des nouveaux résultats du Dispositif REX Bâtiments performants, publié par le Programme RAGE, mis à jour suite à la quatrième campagne d’enquête, réalisée pendant l’année 2013.
Les évolutions rapides que connaît la construction, et qui bouleversent les pratiques (BBC, RT 2012, BEPOS...), ont incité l’Agence Qualité Construction à mettre en place dès 2010 un nouvel outil d’observation : le Dispositif REX Bâtiments performants. Son but est d’identifier les non-qualités qui pourraient impacter la performance énergétique ou environnementale, ainsi que celles qui sont liées aux évolutions technologiques indispensables pour atteindre les objectifs que la France s’est fixés.
Ce Dispositif se base, d’une part, sur la « visite experte » d’opérations performantes et, d’autre part, sur la rencontre d’acteurs ayant participé à leur conception, à leur construction, ou à leur utilisation, afin d’identifier et de capitaliser les non qualités et les bonnes pratiques.
Pour réaliser ces audits, l’AQC s’est associée à des partenaires divers (membres du réseau BEEP [Bati Environnement Espace Pro], Union Sociale pour l’Habitat, programme « jerenoveBBC.info », etc.) dont les enquêteurs alimentent la base de données du Dispositif REX Bâtiments performants.
Comme chaque année, le rapport qui compile tous les résultats a été actualisé et est dès à présent téléchargeable gratuitement sur le site du Programme RAGE www.ragebatiment.fr. Cette année il comprend des photos qui viennent illustrer les constats. Le rapport propose également un ensemble de bonnes pratiques issues du terrain ou recueillies auprès d’experts.
Les résultats tels qu’ils sont présentés dans le Rapport REX Bâtiments performants ont préalablement été objectivés, consolidés et analysés par un groupe de spécialistes. Ils sont par ailleurs valorisés sous d’autres formes telles qu’une mallette pédagogique, une série de films, etc. Tous ces éléments sont consultables gratuitement sur le site Internet de l’AQC www.qualiteconstruction.com.
L'apprentissage par l'erreur est au cœur de ce travail dont l’objectif est que la filière construction définisse, à partir des retours d'expériences, une stratégie orientée vers l’amélioration de la qualité et la prise en comptes des risques émergents.
UN DISPOSITIF D’AMPLEUR SIGNIFICATIVE
Cette quatrième campagne d’enquête porte à 400 le nombre d’opérations visitées sur l’ensemble du territoire français ; elles sont représentatives de toutes les typologies de bâtiments (tertiaire, collectif, maison individuelle), et sont implantées aussi bien en zones rurales qu’urbaines.
La moitié des opérations n’est pas labellisée mais présente un niveau basse consommation d’un point de vue réglementaire (étude thermique). La performance thermique est le critère central de choix des opérations mais tout projet novateur (paille, terre crue, etc.) ou faisant appel à des procédés innovants (récupérateur de chaleur sur les eaux grises, EnR, etc.) ou possédant une qualité environnementale élevée (recherche sur la qualité de l’air intérieur [QAI], amélioration du confort, etc.) peut faire l’objet de cette étude.
Le Dispositif REX Bâtiments performants concerne pour deux cinquièmes des rénovations et pour trois cinquièmes des constructions neuves, et couvre globalement les huit zones géographiques concernées par la RT 2012.
Les retours d’expériences de 1100 acteurs ont été recueillis depuis 2010, ce qui correspond à environ 2800 observations qui ont été renseignées dans la base de données du Dispositif REX Bâtiments performants. Véritable mémoire des désordres, mais aussi des savoir-faire permettant de les éviter, cette base a ainsi pu être constituée à partir des retours d’expériences liés à chaque opération. L’exploitation de cette base permet aujourd’hui la publication de ce rapport.
Les extractions obtenues suite à l’utilisation des outils de recherche associés à la base de données n’ont cependant aucune valeur statistique. Le Dispositif REX Bâtiments performants est avant tout un outil d’observation qualitatif.
DES DÉSORDRES PERSISTENT
Cette quatrième année d’enquête permet de conforter un certain nombre de tendances qui se sont dessinées les années précédentes.
La réalisation de l’isolation thermique reste très disparate d’une opération à l’autre. Il est déplorable, par exemple, sur certains chantiers, de constater la mise en œuvre d’isolants thermiques humidifiés. Cette humidité peut être le résultat d’un mauvais stockage chez les négociants et/ou sur le chantier ou s’être accumulée lors de la mise en œuvre (produits exposés à la pluie). Les isolants gorgés d’eau perdent une part de leurs performances thermiques ce qui impacte la résistance thermique prévue à la conception.
Il en est de même pour les « variantes sauvages » constatées pendant le chantier, c'est-à-dire la mise en œuvre de produits et de matériaux non conformes à ceux prévus ou souhaités lors de la conception. L’isolant ou les vitrages installés ne sont pas ceux modélisés dans l’étude thermique. D’où une différence de performance de l’enveloppe et donc un impact potentiel sur les consommations.
Pourtant signalé depuis 2010, le surdimensionnement des équipements de chauffage continue à être observé de façon récurrente dans les projets. Il s’explique par l’inadéquation entre les besoins de chauffage très faibles (enveloppe très isolée) et la mise en place de générateurs plusieurs fois trop puissants. Les conséquences sur le rendement et la durabilité de ces systèmes sont lourdes. Par ailleurs, le calorifugeage des réseaux est encore trop souvent négligé alors que les déperditions de ces derniers représentent une part croissante des consommations d’énergie.
L’absence de véritables locaux techniques est toujours à déplorer autant dans les constructions neuves que dans les projets de rénovation. Les équipements sont pourtant de plus en plus nombreux, notamment avec l’utilisation des EnR, et nécessitent pour certains une maintenance plus régulière que par le passé. Il faut donc prévoir des locaux techniques de tailles suffisantes, et facilement accessibles pour permettre les opérations d’entretien et de maintenance.
Nombre de projets sont soumis à des surchauffes en été et en intersaison. Cette tendance, également identifiée dès les premiers retours d’expériences en 2010, continue à être observée de façon récurrente. Il est indispensable de consacrer plus de temps à la conception afin de bien dimensionner les protections solaires et trouver l’optimum entre apports solaires (hiver), protections contre les rayonnements (été) et gestion de l’éclairage naturel.
Seule une modélisation peut permettre de définir les protections solaires qui seront adaptées à chaque projet. Les concepteurs devront également tenir compte des apports internes, de l’occupation, de l’inertie, de la ventilation naturelle, etc. afin de réaliser des bâtiments confortables toute l’année.
DES SUJETS SE CONFIRMENT
Les retours d’expériences montrent que certains bâtiments performants sont très bien conçus et très bien réalisés mais qu’ils ne sont pas « pilotés ». Le fonctionnement du bâtiment n’étant pas optimisé, les performances sont moindres. Force est de constater que les installations munies de GTB/ GTC nécessitent de gros moyens humains et un niveau de compétence élevé pour effectuer les réglages et les faire fonctionner correctement. Ceci doit être pris en compte dès la définition des projets et il faut s’assurer que ces moyens humains seront effectivement mis en œuvre en phase d’exploitation.
Par ailleurs, peu de contrats de maintenance sont passés par les propriétaires alors que les systèmes se complexifient de plus en plus et nécessitent des interventions plus régulières.
Une réflexion poussée doit également être menée au sujet de l’éclairage et de la domotique. Quelle part laisser aux usagers ? La technologie installée (détecteurs, sondes, gradateurs, etc.) semble ne pas convenir à toutes les utilisations. Les temps de réglages sont parfois chronophages et à défaut de réglages adaptés, ces systèmes sont sources d’inconfort ou de surconsommations.
Les progrès liés à l’étanchéité à l’air exacerbent la nécessité de bien concevoir et de bien réaliser les systèmes de ventilation. Une montée en compétence de l’ensemble des acteurs est indispensable dans ce domaine. En effet, la ventilation qui jusqu’alors pouvait être défaillante sans avoir de conséquence trop lourde (car compensée par les fuites parasites), devient l’élément central et indispensable pour maintenir une bonne qualité de l’air intérieur. Le renouvellement d’air dépend aujourd’hui exclusivement du bon fonctionnement des installations de ventilation.
L’amélioration de l’étanchéité à l’air s’accompagne d’autres difficultés comme le problème du séchage des bâtiments en phase chantier qui doit être anticipé en amont lors de l’élaboration du planning des travaux en particulier.
Toujours en lien avec l’amélioration thermique de l’enveloppe et le renforcement de l’étanchéité à l’air, un autre grand défi se profile et va nécessiter plus de travail en conception. Il s’agit de la prise en compte de la diffusion de la vapeur d’eau au travers des parois, phénomène trop souvent négligé voire ignoré lors des études de conception. Une attention particulière doit être portée à ce point de vigilance et notamment en rénovation où s’ajoutent parfois d’autres problèmes liés à l’humidité.
LA RÉNOVATION THERMIQUE DE QUALITÉ : UN ENJEU DE TAILLE
La rénovation cumule souvent toutes les difficultés et nécessite un travail de conception poussé, à commencer par la réalisation de diagnostics de l’existant (thermique, étanchéité à l’air, humidité, etc.). Seule une vision globale, et la compréhension des interactions qui existent entre les différents systèmes (enveloppe, équipements, etc.) peuvent garantir le succès des travaux engagés.
Le Dispositif REX Bâtiments performants montre que trop de contreperformances sont encore observées du fait d’une vision partielle du fonctionnement des bâtiments et que les actions isolées, sans tenir compte de l’ensemble, génèrent des pathologies.
De façon plus générale, il ressort de ce rapport que la performance globale d’un bâtiment n’est pas égale à la somme des performances de chacun de ses composants pris individuellement ; même si ceux-ci sont intrinsèquement très performants. La même logique s’applique aux différents acteurs qui doivent absolument travailler de concert et en transversalité. Seule une vision systémique permettra de répondre aux exigences globales attendues.
AA3 - POINTS NOIRS DANS L'HABITAT : - Le blog de habitat-durable
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