CORRUPTION TRANSNATIONALE : 57 % DES AFFAIRES ANALYSEES ONT IMPLIQUÉ DES POTS-DE-VIN DANS LE CADRE DES MARCHÉS PUBLICS
Un nouveau rapport de l’OCDE dévoile l’ampleur de la corruption internationale...
« La pire des corruptions n'est pas celle qui brave les lois ; mais celle qui s'en fait à elle-même. » Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de Bonald
Le Rapport de l’OCDE sur la corruption transnationale présente une analyse de toutes les actions répressives menées pour lutter contre la corruption transnationale conclues depuis l’entrée en vigueur de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales (« la Convention anticorruption de l’OCDE »). En présentant les données obtenues auprès des autorités répressives des dix-sept pays qui ont, à ce jour, conclus avec succès, sur leur territoire, une affaire de corruption transnationale, ce rapport vise à donner une idée plus précise de l’infraction de corruption transnationale. Il démontre que la mise en œuvre des législations anticorruption s’est considérablement accentuée depuis l’entrée en vigueur de la Convention. Il n’expose pas seulement comment, où et à qui des pots-de-vin sont versés mais aussi qui est sanctionné pour cette infraction et de quelle manière.
Ce rapport a été préparé afin d’aider le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales (« le GDT de l’OCDE ») et le Groupe de travail anticorruption du G20 (« le G20 ACWG ») dans leurs efforts pour combattre la corruption transnationale. Le GDT de l’OCDE est composé de représentants des 41 Parties à la Convention anticorruption de l’OCDE. Seize membres du GDT de l’OCDE sont également membres du G20 ACWG.
Le rapport soutient également « la détermination [des pays du G20] à combattre la corruption nationale et transnationale », exprimée dans la déclaration adressée en septembre 2013 par les chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 lors du Sommet de Saint Pétersbourg ainsi que dans le Plan d’action anticorruption 2013-14 du G20. Conformément au cadre d’action stratégique défini à Saint-Pétersbourg pour le G20 ACWG, le présent rapport vise à « élaborer, promouvoir et soutenir des normes rigoureuses dans les législations, réglementations et politiques publiques relatives à la lutte contre la corruption et continuer de viser à mettre un terme aux lacunes qui existent en termes de mise en œuvre et d’action répressive, y compris dans les secteurs à haut risque ».
Le rapport met en évidence les grandes orientations de l’action répressive exercée pour lutter contre l’infraction de corruption transnationale, ce qui sera utile pour les décideurs politiques en matière de lutte contre la corruption, les autorités répressives et les acteurs du secteur privé des pays membres du G20, des parties prenantes du B20 (entreprises) et celles du C20 (société civile). Il débouche sur une série de conclusions et propositions préliminaires en vue de l’adoption d’une approche plus ciblée en matière de prévention, de détection et de sanction de cette infraction. Il est à espérer que ce rapport sera le premier d’une série de futures éditions qui seront préparées à mesure que d’autres affaires de corruption transnationale sont conclues et rendues publiques, fournissant de nouvelles informations à des fins d’analyse.
Pour les besoins du rapport, la corruption transnationale désigne, conformément à l’Article 1 de la Convention anticorruption de l’OCDE « le fait [...] d’offrir, de promettre ou d’octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit d’un tiers, pour que cet agent agisse ou s’abstienne d’agir dans l’exécution de fonctions officielles, en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international ».
Les statistiques présentées ci après sont tirées de l’analyse des informations provenant des actions répressives engagées à l’encontre de 263 personnes physiques et 164 personnes morales ayant commis l’infraction de corruption transnationale (soit un total de 427 « affaires ») qui ont été conclues entre la date d’entrée en vigueur de la Convention anticorruption de l’OCDE (le 15 février 1999) et le 1er juin 2014. Les données n’ont pas été toujours disponibles pour toutes les catégories dans toutes ces affaires ; certains des pourcentages indiqués peuvent donc provenir d’un ensemble de données limité. Pour une description détaillée de l’ensemble de données utilisé par catégorie, vous êtes invités à vous reporter à la partie correspondante du présent rapport.
Deux-tiers des affaires de corruption transnationale ont eu lieu dans quatre secteurs : les industries extractives (19 %), la construction (15 %), le transport et l’entreposage (15 %) et le secteur de l’information et de la communication (10 %).
La moitié environ des affaires a porté sur la corruption d’agents publics de pays ayant un haut (22 %) voire un très haut (21 %) niveau de développement humain.3
Dans 41 % des affaires, des salariés appartenant à la direction ont versé ou autorisé le versement du pot-de-vin et le PDG de l’entreprise a été impliqué dans 12 % des affaires. Dans une affaire, un parlementaire a été condamné pour complicité de corruption d’agents publics étrangers.
Des intermédiaires ont été impliqués dans 3 affaires de corruption transnationale sur 4. Ces intermédiaires étaient des agents, tels que des agents commerciaux, des distributeurs et des courtiers locaux dans 41 % des affaires. 35 % des intermédiaires ont été des véhicules juridiques, telles que des filiales, des cabinets de conseil locaux, des entreprises situées dans des centres financiers ou des paradis fiscaux extraterritoriaux ou des entreprises dont la propriété effective appartient à l’agent public destinataire du pot-de-vin.
Le plus souvent les pots-de-vin ont été promis, offerts ou octroyés à des salariés d’entreprises publiques4 (à savoir des entreprises détenues ou contrôlées par l’État) (27 %), à des agents des douanes (11 %), à des agents d’organismes de santé publique (7 %) et à des agents de la défense (6 %).
Dans la plupart des cas, les pots-de-vin ont été versés en vue de remporter des marchés publics (57 %) et, en deuxième position, pour obtenir des procédures de dédouanement (12 %). En moyenne, les pots-de-vin se sont respectivement élevés à 10.9 % de la valeur totale de la transaction et à 34.5 % des bénéfices qui en ont été tirés.
Une affaire sur trois a été portée à l’attention des autorités suite à un signalement spontané par des prévenus, personnes physiques et morales faisant l’objet de poursuites. La deuxième source de signalement la plus courante est les enquêtes initiées directement par les autorités répressives (13 %) et les affaires de corruption transnationale qui ont été révélées dans le cadre de l’entraide judiciaire formelle ou informelle entre les pays (13 %). Les signalements provenant de donneurs d’alerte et des médias n’ont été que très rarement (2 % et 5 %, respectivement) à l’origine d’une enquête portant sur des faits de corruption transnationale.
Les entreprises ayant volontairement signalé des faits de corruption transnatio- nale commis dans le cadre de leurs activités internationales en ont princi- palement pris connaissance par le biais de contrôles internes (31 %) et des procédures de diligence raisonnable appliquées à l’occasion d’opérations de fusion-acquisition (28 %).
Des peines d’emprisonnement ont été infligées à 80 personnes physiques jugées coupables d’actes de corruption transnationale. La peine la plus longue prononcée à l’encontre d’une personne physique condamnée pour complot d’actes de corruption transnationale est une peine d’emprisonnement cumulée de 13 ans.5 Par ailleurs 38 prévenus ont été condamnés à des peines de prison avec sursis.
Au total, 261 amendes ont été imposées à des personnes physiques et morales. L’amende la plus lourde cumulée infligée à une seule entreprise s’est élevée à un total de EUR 1.8 milliard. La sanction pécuniaire plus importante infligée à une personne physique dans une affaire de corruption transnationale a été une ordonnance de confiscation d’un montant de USD 149 millions.6
Dans 69 % des affaires de corruption transnationale, les sanctions ont été imposées par voie d’une procédure de règlement, dans le cadre, notamment, des procédures suivantes : l’article 153(a) du Code de procédure pénale (en Allemagne) ; la probation pour les entreprises (au Canada) ; l’accord d’abandon des poursuites (AAP), l’accord de suspension des poursuites (ASP) et l’accord de coopération (aux États-Unis) ; patteggiamento (en Italie) ; l’avis de sanction (en Norvège) ; la procédure de réparation prévue par l’article 53 du Code pénal (en Suisse).
Aux États-Unis, des personnes physiques et morales ont été condamnées pour des infractions commises dans le cadre de 128 schémas distincts de corruption transnationale depuis l’entrée en vigueur de la Convention. L’Allemagne a sanc- tionné des personnes physiques et morales pour des infractions de corruption transnationale dans le cadre de 26 schémas distincts, la Corée dans le cadre de 11 schémas et l’Italie, la Suisse et le Royaume-Uni dans le cadre de 6 schémas.